ТОП просматриваемых книг сайта:
Les Tourelles: Histoire des châteaux de France, volume II. Gozlan Léon
Читать онлайн.Название Les Tourelles: Histoire des châteaux de France, volume II
Год выпуска 0
isbn
Автор произведения Gozlan Léon
Жанр Книги о Путешествиях
Издательство Public Domain
Gourville, qui avait juré de ne plus jouer, gagna un cheval arabe, un des plus beaux lots, celui qui fut le plus envié.
– Qu’en feras-tu, lui demanda le surintendant en lui frappant sur l'épaule, toi qui montes à cheval comme tu danses?
– Monseigneur, il sera pour vous toute la soirée, sellé et bridé, au bout du parc, à la porte de Provins. On fait trente lieues en dix heures avec un tel cheval. Trente lieues! c’est la mer; la mer, c’est l’Angleterre! – Silence! Gourville.
Les jeux continuaient, lorsque les batteurs d’estrades, placés de distance en distance sur la route, annoncèrent les équipages de la cour.
A cette nouvelle, le château se remplit de bruit; on reflua vers la grille: le roi arrivait.
Accompagné de sa femme, suivi de ses domestiques, Fouquet, revêtu d’un magnifique habit de velours rouge, et portant un plat d’argent dans lequel étaient les clefs du château, alla attendre le roi à la grille d’entrée.
Il arrivait de Fontainebleau. «Le roi, dit le lendemain la Gazette de France du 18 août, avait avec lui, dans sa calèche, Monsieur, la comtesse d’Armagnac, la duchesse de Valentinois et la comtesse de Guiche. Suivait la reine-mère, accompagnée dans son carrosse de plusieurs dames. Madame venait en litière.»
Fouquet plia le genou en exhaussant au-dessus de sa tête les clefs du château, que Louis XIV fit semblant de toucher, et lorsque le surintendant se fut relevé, il dit au roi, son maître, que tout, où il était, lui appartenait non seulement par le droit de la couronne, mais encore par la grâce infinie qu’il mettait à visiter un de ses sujets fidèles.
Avec l’abondance de paroles heureuses dont il était doué, le roi répondit au compliment de son surintendant, tandis qu'à deux pas plus loin la reine-mère donnait sa main à baiser à madame Fouquet.
Les cris de vive le roi! vive la reine! retentissaient.
Six chevaux bai-pâles, dociles et fougueux, coiffés de plumes blanches, harnachés en rose, liés l’un à l’autre par des rubans lâches de la même couleur, passèrent la grille, toute semée de visages de paysans émerveillés de ce spectacle. La calèche du roi était à panneaux à images, représentant d’un côté Persée et Andromède, de l’autre, des scènes de bergerie.
En traversant la cour, Louis XIV causait affectueusement avec son frère; Anne d’Autriche, au contraire, se tenait sur la réserve avec sa bru, Madame.
Tout-à-coup des pas redoublés de chevaux résonnèrent: ils étaient si multipliés et si bruyans que la foule rassemblée dans la cour des Bornes cessa ses acclamations et se précipita vers la grille.
La calèche du roi se trouva isolée; Fouquet fut interdit.
C'était une compagnie entière de mousquetaires gris, appareil militaire assez inusité au milieu d’une cérémonie pacifique, qui avait escorté les voitures de la cour depuis Fontainebleau jusqu'à Vaux, et qui se présentait pour entrer.
Peu préparé à cette surprise hostile, le surintendant éprouva une anxiété dont il s’efforça de cacher les marques sous une indifférence affectée.
Le commandant des mousquetaires avait déjà franchi la grille et caracolait dans la cour des Bornes, broyant sans pitié le gazon et les pierres.
Louis XIV se leva dans sa calèche, et se tournant vers cet officier, il lui dit d’une voix brève et émue:
«Sortez, monsieur d’Artagnan; vous n'êtes pas chez moi ici. On vous a commandé pour honorer notre royale personne, et non pour la garder là où elle n’a aucun danger à courir. Ce zèle est offensant pour notre hôte. Vous et vos mousquetaires, placez-vous à distance, attendant l’heure où il nous plaira de partir.»
Se tournant vers Fouquet:
«Monsieur, je vous demande pardon pour mes mousquetaires; ils n’ont pas appris de notre roi chevalier que chez Dieu, sa femme et son ami on n’entre jamais armé.»
Les mousquetaires se rangèrent de front sur trois rangs, à l’extérieur du château, devant la grille aux cariatides, à cette même place où l’on veut que Fouquet, sur un simple désir de Louis XIV, ait fait planter, dans l’espace d’une nuit, ce qui est démontré impossible, une double allée d’ormes.
Je ne crois pas à cette tradition d’arbres plantés dans une nuit, parce que je l’ai retrouvée dans tous les châteaux, et parce que Louis XIV, hors de chez lui, n’a jamais couché que dans un seul château, à celui des Condé, à Chantilly; mais je crois beaucoup aux allées d’ormes arrachés dans une nuit ou dans plusieurs. Je suis arrivé juste assez à temps un siècle et demi après la fête que je raconte ici, pour voir l’avenue séculaire du château de Vaux couchée par terre, sciée en trois traits, destinée à être vendue à la voie, ce qu’on n’eût pas vu sous Fouquet, l’eût-il ou non plantée dans une nuit.
En entrant au château, le roi fut frappé des proportions du corridor, pavé bleu et blanc en marbre, et des dix colonnes dont il est orné. Comme tous les grands rois, – comme Salomon, comme Auguste, comme Napoléon après eux tous, – Louis XIV avait l'équerre dans l'œil: il demanda le nom de l’architecte; on lui répondit que c'était Le Vau; il prit note et passa:
– La fortune de Le Vau était faite.
Le roi fut invité à se reposer dans une première pièce de droite, celle qu’on désigne aujourd’hui aux visiteurs sous le nom de salle de Billard. Les ciselures des portes, les mille arabesques rampant autour des murs et enserrant cette salle comme une crépine, surprirent moins Louis XIV, dont l’envie commençait à bouillonner, lui encore sans monument datant de son règne, que le plafond même de l’appartement, apothéose d’Hercule, vaste tableau de la plus chaude couleur. C’est mieux que de la peinture historique: c’est de la peinture olympique et bien placée au plafond, – près du ciel.
Louis XIV se leva et admira long-temps en silence.
Il était découvert.
Fouquet s’avança pour le débarrasser de son chapeau.
– Laissez, monsieur, je vous prie; – c’est par respect. – Vous appelez ce peintre?..
– Lebrun, sire.
– Singulière ignorance, celle où je vis, dit à voix basse le roi à sa mère en l’entraînant d’un autre côté. Cet homme emploie à ses bâtimens les premiers artistes de la France, et je ne sais pas même leurs noms.
On ne m’a pas trompé, vous le voyez, madame, il ne songe qu'à lui. Calculez l’or qu’il a dépensé à cette salle seulement. M. Colbert a raison: M. Fouquet dilapide, M. Fouquet épuise le trésor, M. Fouquet est la ruine de l'état, et M. Colbert…
– Monsieur mon fils, M. Colbert veut être ministre.
Louis se tut.
Il sourit finement en remarquant à tous les panneaux de volets et de portes, au fond des plaques du foyer, sur les marbres des cheminées, où rien depuis n’a été effacé, reproduit avec une affectation de parvenu, ce que n'était pas du reste le surintendant, son triple chiffre N. F. S. «Nicolas Fouquet, surintendant,» entrelacé et percé d’une flèche.
– Ne trouvez-vous pas, dit-il encore à sa mère, que dans ce chiffre il y a du luxe comme en tout ce qui appartient à M. Fouquet? Trois lettres figurent d’ailleurs très-mal entrelacées. Sans dommage, la dernière pourrait être supprimée.
– Vous vous contenez mal, monsieur mon fils, et j’ai peine à vous voir ainsi dépité contre des puérilités dont vous souffririez moins, si, comme moi, vous eussiez été obligé d’admirer le Palais-Cardinal, plus beau que notre Louvre et riche de ses dépouilles. Je ne fis alors aucune remarque, je ne fis effacer aucun chiffre. Pourtant le Palais-Cardinal est à nous.
– Je tâcherai, ma mère,