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La clique dorée. Emile Gaboriau
Читать онлайн.Название La clique dorée
Год выпуска 0
isbn
Автор произведения Emile Gaboriau
Жанр Зарубежная классика
Издательство Public Domain
Et la preuve, c'est que dès le début, la dame du courtier marron du second déposa noblement une pièce de cinq francs sur le coin de la cheminée et sans bruit gagna la porte. Plusieurs autres pareillement s'esquivèrent, qui, par exemple, ne déposèrent rien…
Si bien que lorsqu'il acheva, le père Ravinet n'avait plus près de lui que le couple Chevassat et les deux rentières du premier.
Et encore, ces deux dames échangeaient des regards de détresse, calculant sans doute mentalement ce qu'allait leur coûter leur curiosité.
Le brocanteur avait-il prévu cette généreuse désertion? on l'eût dit, à regarder sa physionomie narquoise.
– Bons petits cœurs, va!.. fit-il.
Puis haussant les épaules:
– Heureusement, ajouta-t-il, je vends un peu de tout et encore d'autres choses… Attendez-moi une minute; je descends, et en deux tours j'aurai remonté le plus pressé… pour le reste, on s'arrangera.
Le visage de la portière était à peindre. De sa vie elle n'avait été si étonnée.
– On m'a changé mon père Ravinet, murmura-t-elle, ou je deviens folle!
Il est de fait que le brocanteur ne passait pas précisément pour nu mortel sensible et magnifique. On citait de lui des traits à rendre Harpagon rêveur et à tirer une larme de l'œil d'un huissier.
Ce qui n'empêche qu'il ne tarda pas à reparaître, pliant sous le faix de deux matelas presque neufs, et qu'à un second voyage il rapporta bien plus qu'il n'avait annoncé…
Mlle Henriette maintenant respirait plus librement, mais sa physionomie gardait encore sa désolante immobilité. La vie s'était réveillée avant l'intelligence, et il était clair qu'elle n'avait aucunement conscience de sa situation ni de ce qui se passait autour d'elle.
Même, cela ne laissait pas que d'inquiéter les deux rentières, prodigues de dévouement à cette heure qu'elles ne tremblaient plus pour leur bourse.
– Bast! c'est toujours comme cela, affirma carrément le père Ravinet, et d'ailleurs le docteur la saignera, s'il en est besoin.
Et, se retournant vers le sieur Chevassat:
– Mais nous gênons ces dames, mon brave, continua-t-il, allons, descendons chez moi prendre quelque chose; nous remonterons quand l'enfant sera bien douillettement installée dans son lit.
Le logis de ce digne homme n'était, à vrai dire, que le magasin où il entassait pêle-mêle les objets les plus disparates.
Il vivait au milieu de ce chaos sans endroit fixe pour se tenir, campant ici ou là, suivant que le hasard des achats et des ventes laissait un espace vide dans une pièce ou dans l'autre, dormant une nuit dans un lit Louis XV de cent louis et la nuit d'après sur une couchette de fer de quinze francs.
Pour l'instant, il était établi dans un étroit cabinet aux trois quarts encombré seulement, et c'est là qu'il introduisit le portier.
Il commença par emplir d'eau-de-vie deux petits verres, plaça une bouillotte devant le feu, et se laissant tomber sur un fauteuil:
– Eh bien! monsieur Chevassat, commença-t-il, voilà un événement!
Stylé sans doute par son épouse, le concierge ne répondit ni oui ni non, mais l'autre savait son monde et connaissait les secrets qui délient certaines langues.
– Ce que cela aura d'ennuyeux pour vous, poursuivit-il d'un air détaché, c'est que le commissaire de police, très-probablement, sera prévenu par le médecin et ouvrira une enquête…
Du coup, le sieur Chevassat faillit lâcher son petit verre.
– La police fera une descente ici, s'écria-t-il. Alors, bonsoir les voisins, la maison est définitivement perdue… La peste étouffe cette coquine de là-haut! Mais vous vous trompez sans doute, cher monsieur Ravinet.
– Point! Seulement, vous vous exagérez les conséquences. On vous demandera tout bonnement qui est cette jeune fille, de quoi elle vit, où elle demeurait avant de venir.
– C'est que précisément je n'en sais rien.
Le vieux brocanteur parut tomber des nues, ses sourcils se froncèrent, et hochant la tête:
– Bigre! fit-il, voilà qui complique la question. Comment donc mademoiselle Henriette habite-t-elle votre maison?
Manifestement le portier était dans ses petits souliers, sinon pour cela, du moins pour autre chose.
– Oh! c'est simple comme bonjour, répondit-il, et si vous voulez que je vous conte l'affaire, vous verrez qu'il n'y a pas de quoi fouetter un chat.
– Soit, parlez.
– Pour lors, donc, c'était il y a un an, presque jour pour jour, voilà qu'un matin m'arrive un particulier tout ce qu'il y a de mieux couvert, le lorgnon à l'œil, insolent comme un valet de bourreau, enfin un jeune homme très comme il faut. Il me dit qu'il vient de voir à notre porte l'écriteau d'une chambre à louer présentement, et il me demande de la lui montrer. Naturellement je lui réponds que c'est un taudis qui n'est pas fait pour une personne comme lui, mais il insiste et ma foi! je le conduis…
– A la chambre qu'occupe mademoiselle Henriette?..
– Précisément. Je pensais qu'il allait faire le dégoûté, pas du tout. Il regarde où donne la fenêtre, comment ferme la porte, si la cloison est épaisse, et finalement il me dit: «Cela me convient, voici le denier à Dieu.» Et v'lan, il me met vingt francs dans la main… Les bras me tombaient.
Si M. Ravinet était intéressé, il n'y paraissait guère, son visage gardant l'air distrait et ennuyé de l'homme forcé d'écouter les affaires d'autrui.
– Et… qui est-ce ce jeune homme si comme il faut? interrogea-t-il.
– Ah! dame, ni moi non plus… tout ce que je sais de lui c'est qu'il s'appelle Maxime.
A ce nom, comme sous une douche lui tombant sur la tête, le vieux brocanteur tressauta sur son fauteuil; il pâlit et un regard étrange traversa ses petits yeux jaunes.
Mais il se remit vite, si vite que le concierge ne remarqua rien, et d'un ton indifférent:
– Ce beau fils ne vous a donc pas dit son nom de famille? demanda-t-il.
– Non.
– Cependant, pour aller aux informations…
– Eh! voilà bien le diable!.. je n'y suis pas allé!..
Peu à peu, et non sans de visibles efforts, le sieur Chevassat se redressait. C'était à croire que d'avance il assurait son maintien contre les questions possibles d'un commissaire de police.
– Je sais bien que je suis fautif, poursuivit-il, mais à ma place, cher monsieur Ravinet, vous n'auriez pas agi autrement que moi. Jugez plutôt. Ma chambre était louée à ce jeune homme, à ce M. Maxime, n'est-ce pas, puisque j'avais son louis en poche. Poliment je lui demande, comme d'usage, où il demeure et s'il a des meubles pour répondre du loyer. Ah! bien ouitche! Sans seulement me laisser finir, il se met à me rire au nez, oh! mais à rire!.. «Ai-je donc l'air, me dit-il, d'un homme à habiter un pareil chenil!..» Et voyant que je restais tout interloqué, il m'explique qu'il loue ça pour y établir une jeune personne de province à laquelle il s'intéresse et que même la location et les quittances doivent être au nom de cette personne qui est donc mademoiselle Henriette. Cela se comprenait, n'est-ce pas? Néanmoins, comme il était du devoir de mon état de m'informer de cette demoiselle, je m'informe, toujours poliment. Mais lui m'envoie promener, me disant qu'il n'a pas de comptes à me rendre et qu'il va envoyer des meubles pour garnir la chambre…
Il s'arrêta, attendant un mot, un signe d'approbation du vieux brocanteur. Cet encouragement ne venant pas, il continua:
– Bref, je n'osai pas insister, et tout se