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Sonnets. Уильям Шекспир
Читать онлайн.Название Sonnets
Год выпуска 0
isbn
Автор произведения Уильям Шекспир
Жанр Драматургия
Издательство Public Domain
XXV
Que ceux qui sont en faveur auprès de leurs étoiles se parent d'honneurs publics et de titres orgueilleux; pour moi à qui la fortune refuse de semblables triomphes, je trouve une joie inespérée dans ce que j'honore le plus. Les favoris des grands princes étendent leurs pétales au soleil comme le tournesol; leur orgueil reste enfoui dans leur sein, car un froncement de sourcil les fait périr dans toute leur gloire. Le guerrier qui a lutté toute sa vie, célèbre par son courage, n'a qu'à perdre une fois la partie après un millier de victoires, il est effacé du livre de l'honneur, et on oublie tout ce qu'il avait gagné; tandis que moi, je suis heureux, j'aime et je suis aimé, là où je ne puis changer et où l'on ne changera pas pour moi.
XXVI
Maître de mon amour, ton mérite ayant fortement uni ma fidélité à ton allégeance, je t'envoie cette ambassade écrite pour te témoigner ma fidélité, non pour faire montre de mon esprit. Une fidélité si grande qu'un esprit aussi pauvre que le mien peut faire croire sans valeur, faute de mots pour la dépeindre, si je n'avais l'espoir que quelque bonne pensée à toi, dans le fond de ton âme, donnera ce qui manque à ma nudité, jusqu'à ce que toutes les étoiles qui guident les hommes dans leur marche luisent sur moi gracieusement et, d'un visage favorable, revêtissent mon affection déguenillée d'un vêtement convenable, pour me rendre digne de ta précieuse tendresse. Alors j'oserai me vanter de l'amour que je te porte, jusque-là je n'ose pas montrer mon visage là où tu pourrais me mettre à l'épreuve.
XXVII
Épuisé de fatigue, je me hâte d'aller chercher mon lit, doux repos des membres lassés par la marche; mais voici que ma tête commence un voyage, pour faire travailler mon esprit, maintenant que le travail du corps est achevé; alors toutes mes pensées m'emportent bien loin du lieu où je me trouve, pour entreprendre avec ardeur un pèlerinage vers toi, elles tiennent ouvertes mes paupières qui retombent, et je contemple cette obscurité que voient les aveugles; seulement la vue imaginaire de mon âme présente ton ombre à mes yeux sans regard, et, comme un joyau apparaissant à travers une nuit obscure, elle embellit la nuit sombre et rajeunit son vieux visage. C'est ainsi que mon corps le jour, et la nuit mon esprit ne trouvent point de repos, grâce à toi, grâce à moi.
XXVIII
Comment donc puis-je me conserver dans un état satisfaisant, lorsque je suis privé des bienfaits du repos? lorsque la nuit ne soulage pas le poids du jour, mais que le jour est opprimé par la nuit et la nuit par le jour? Lorsque tous deux, bien qu'ennemis de leurs règnes respectifs, joignent les mains pour me torturer, l'un par la fatigue, l'autre par ses plaintes, de l'éloignement où je travaille, éloigné surtout de toi. Pour lui plaire, je dis au jour: Que tu es brillant, et que tu lui fais honneur quand les nuages couvrent le ciel; je flatte de même la nuit au teint sombre en lui disant que lorsque les étoiles étincelantes ne scintillent pas, tu dores la soirée, mais le jour allonge tous les jours mes peines, et toutes les nuits la nuit me fait paraître plus pénible la longueur de mes souffrances.
XXIX
Dans ma disgrâce auprès de la fortune et aux yeux des hommes, lorsque je déplore tout seul mon abandon, et que j'assiège de mes cris inutiles un ciel qui m'est sourd, lorsque je me contemple, et que je maudis mon sort, lorsqu'il m'arrive de souhaiter les riches espérances de l'un, les traits de celui ci, les amis de celui-là, lorsque je désire l'habileté de cet homme et la portée de cet autre, jouissant le moins possible de ce que je possède le plus, tout en méprisant presque moi-même de pareilles pensées, il m'arrive de songer à toi, et alors ma situation, semblable à l'alouette qui s'élance au point du jour d'une terre morne, va chanter des cantiques aux portes du ciel, car le doux souvenir de ton amour m'apporte tant de richesse, que je dédaigne alors de changer de place avec les rois.
XXX
Lorsque dans mes séances de réflexions silencieuses et douces je rappelle le souvenir des choses passées, je soupire à la pensée des choses que j'ai cherchées et que j'ai manquées, et je déplore de nouveau, à propos des malheurs passés, le précieux temps que j'ai perdu. C'est alors qu'il m'arrive de noyer des yeux qui ne sont pas habitués à couler, au souvenir d'amis bien chers cachés dans la nuit éternelle de la mort; c'est alors que je pleure de nouveau les douleurs dès longtemps effacées de l'affection, et que je déplore la disparition de tant de choses évanouies. C'est alors que je puis regretter des chagrins passés en énumérant lentement malheur après malheur dans la triste liste des gémissements qui m'ont déjà arraché tant de larmes; mais s'il m'arrive de penser à toi, dans ce moment-là, chère amie, toutes mes pertes sont réparées, tous mes chagrins sont finis.
XXXI
Ton coeur m'est cher au nom de tous les coeurs qui m'ont manqué et que j'ai crus morts; là règnent l'amour et tous les tendres dons de l'amour, et tous ces amis que je croyais enterrés. Combien de saintes et tristes larmes le pieux amour n'a-t-il pas dérobées à mes yeux au nom des morts qui m'apparaissent maintenant comme des êtres qui ont changé de place et qui se sont tous réfugiés en toi! Tu es le tombeau où réside l'amour enseveli, tout paré des trophées de ceux que j'ai aimés et qui t'ont tous donné la part qu'ils possédaient en moi; ce que je leur devais à tous t'appartient maintenant à toi seul, je retrouve en toi leurs images que j'aimais, et toi qui les représentes tous, tu me possèdes tout entier.
XXXII
Si tu survis à la carrière qui me suffira, lorsque l'avare mort couvrira mes ossements de poussière, s'il t'arrive par hasard de relire encore une fois les pauvres et rudes vers de ton amant défunt, compare-les avec les progrès du temps, et lors même que toutes les plumes les auraient surpassés, conserve-les à cause de mon amour, non à cause de leurs rimes, que la valeur d'hommes plus heureux a dépassées. Accorde seulement cette pensée affectueuse, «si la muse de mon ami avait grandi avec les progrès de ce temps, son amour eût enfanté des choses plus précieuses que celles-ci, pour marcher d'un même accord dans un meilleur équipage, mais puisqu'il est mort, et qu'il se trouve de meilleurs poëtes que lui, je les lirai en l'honneur de leur style, et lui en l'honneur de son amour.»
XXXIII
J'ai vu bien des fois un soleil éclatant flatter, le matin, d'un oeil dominateur le sommet des montagnes, baiser de ses lèvres dorées les vertes prairies, dorer les pâles ruisseaux par une céleste alchimie, permettant parfois aux plus vils nuages de passer avec leurs impures exhalaisons sur son divin visage, et de cacher ses traits au monde éperdu, tandis qu'il descendait vers l'occident dans cette disgrâce; de même j'ai vu un matin mon soleil briller de bonne heure sur mon front avec un éclat triomphant; mais hélas! ô malheur! il ne m'a appartenu qu'une heure, les nuages qui passaient me l'ont caché maintenant. Mais mon amour ne voit là dedans aucune cause de dédain, les soleils de ce monde peuvent être voilés, puisque le soleil du ciel est bien voilé.
XXXIV
Pourquoi m'as-tu promis une si belle journée et m'as-tu fait sortir sans mon manteau, pour permettre ensuite à de vils nuages de me rejoindre par le chemin, et de cacher ton éclat sous leur épaisse fumée? Il ne me suffit pas que tu perces à travers le nuage pour sécher la pluie sur mon visage battu par l'orage, car personne ne peut bien parler d'un baume qui guérit la plaie sans parer à l'ignominie; tes regrets ne remédient pas à mon chagrin, tu te repens, mais la perte reste mienne, la douleur de l'offenseur n'apporte