ТОП просматриваемых книг сайта:
Le vicomte de Bragelonne, Tome IV.. Dumas Alexandre
Читать онлайн.Название Le vicomte de Bragelonne, Tome IV.
Год выпуска 0
isbn
Автор произведения Dumas Alexandre
Жанр Зарубежная классика
Издательство Public Domain
– J'y compte bien, reprit le mousquetaire; car lorsqu'une fois vous aurez fait ce beau coup-là, vous n'oserez plus me regarder en face.
Le roi jeta sa plume avec violence.
– Allez-vous-en! dit-il.
– Oh! non pas, Sire, s'il plaît à Votre Majesté.
– Comment, non pas?
– Sire, je venais pour parler doucement au roi; le roi s'est emporté, c'est un malheur, mais je n'en dirai pas moins au roi ce que j'ai à lui dire.
– Votre démission, monsieur, s'écria le roi!
– Sire, vous savez que ma démission ne me tient pas au coeur, puisque, à Blois, le jour où Votre Majesté a refusé au roi Charles le million que lui a donné mon ami le comte de La Fère, j'ai offert ma démission au roi.
– Eh bien! alors, faites vite.
– Non, Sire; car ce n'est point de ma démission qu'il s'agit ici; Votre Majesté avait pris la plume pour m'envoyer à la Bastille, pourquoi change-t elle d'avis?
– D'Artagnan! tête gasconne! qui est le roi de vous ou de moi!
Voyons.
– C'est vous, Sire, malheureusement.
– Comment, malheureusement?
– Oui, Sire; car, si c'était moi…
– Si c'était vous, vous approuveriez la rébellion de
M. d'Artagnan, n'est-ce pas?
– Oui, certes!
– En vérité?
Et le roi haussa les épaules.
– Et je dirais à mon capitaine des mousquetaires, continua d'Artagnan, je lui dirais en le regardant avec des yeux humains et non avec des charbons enflammés, je lui dirais: «Monsieur d'Artagnan, j'ai oublié que je suis le roi. Je suis descendu de mon trône pour outrager un gentilhomme.»
– Monsieur, s'écria le roi, croyez-vous que c'est excuser votre ami que de surpasser son insolence?
– Oh! Sire, j'irai bien plus loin que lui, dit d'Artagnan, et ce sera votre faute. Je vous dirai, ce qu'il ne vous a pas dit, lui, l'homme de toutes les délicatesses; je vous dirai: Sire, vous avez sacrifié son fils, et il défendait son fils; vous l'avez sacrifié lui-même; il vous parlait au nom de l'honneur, de la religion et de la vertu, vous l'avez repoussé, chassé, emprisonné. Moi, je serai plus dur que lui, Sire; et je vous dirai: Sire, choisissez! Voulez-vous des amis ou des valets? des soldats ou des danseurs à révérences? des grands hommes ou des polichinelles? Voulez-vous qu'on vous serve ou voulez-vous qu'on plie! voulez-vous qu'on vous aime ou voulez-vous qu'on ait peur de vous? Si vous préférez la bassesse, l'intrigue, la couardise, oh! dites-le, Sire; nous partirons, nous autres, qui sommes les seuls restes, je dirai plus, les seuls modèles de la vaillance d'autrefois; nous qui avons servi et dépassé peut-être en courage, en mérite, des hommes déjà grands dans la postérité. Choisissez, Sire, et hâtez-vous. Ce qui vous reste de grands seigneurs, gardez-le; vous aurez toujours assez de courtisans. Hâtez-vous, et envoyez-moi à la Bastille avec mon ami; car, si vous n'avez pas su écouter le comte de La Fère, c'est-à-dire la voix la plus douce et la plus noble de l'honneur; si vous ne savez pas entendre d'Artagnan, c'est-à-dire la plus franche et la plus rude voix de la sincérité, vous êtes un mauvais roi, et demain, vous serez un pauvre roi. Or, les mauvais rois, on les abhorre; les pauvres rois, on les chasse. Voilà ce que j'avais à vous dire, Sire; vous avez eu tort de me pousser jusque-là.
Le roi se renversa froid et livide sur son fauteuil: il était évident que la foudre tombée à ses pieds ne l'eût pas étonné davantage; on eût cru que le souffle lui manquait et qu'il allait expirer. Cette rude voix de la sincérité, comme l'appelait d'Artagnan, lui avait traversé le coeur, pareille à une lame.
D'Artagnan avait dit tout ce qu'il avait à dire. Comprenant la colère du roi, il tira son épée, et, s'approchant respectueusement de Louis XIV, il la posa sur la table.
Mais le roi, d'un geste furieux, repoussa l'épée, qui tomba à terre et roula aux pieds de d'Artagnan.
Si maître que le mousquetaire fût de lui, il pâlit à son tour, et frémissant d'indignation:
– Un roi, dit-il, peut disgracier un soldat; il peut l'exiler, il peut le condamner à mort; mais, fût-il cent fois roi, il n'a jamais le droit de l'insulter en déshonorant son épée. Sire, un roi de France n'a jamais repoussé avec mépris l'épée d'un homme tel que moi. Cette épée souillée, songez-y, Sire, elle n'a plus désormais d'autre fourreau que mon coeur ou le vôtre. Je choisis le mien, Sire, remerciez-en Dieu et ma patience!
Puis se précipitant sur son épée:
– Que mon sang retombe sur votre tête, Sire! s'écria-t-il.
Et, d'un geste rapide, appuyant la poignée de l'épée au parquet, il en dirigea la pointe sur sa poitrine.
Le roi s'élança d'un mouvement encore plus rapide que celui de d'Artagnan, jetant le bras droit au cou du mousquetaire, et, de la main gauche, saisissant par le milieu la lame de l'épée, qu'il remit silencieusement au fourreau.
D'Artagnan, roide, pâle et frémissant encore, laissa, sans l'aider, faire le roi jusqu'au bout.
Alors, Louis, attendri, revenant à la table, prit la plume, écrivit quelques lignes, les signa, et étendit la main vers d'Artagnan.
– Qu'est-ce que ce papier, Sire? demanda le capitaine.
– L'ordre donné à M. d'Artagnan d'élargir à l'instant même M. le comte de La Fère.
D'Artagnan saisit la main royale et la baisa; puis il plia l'ordre, le passa sous son buffle et sortit.
Ni le roi ni le capitaine n'avaient articulé une syllabe.
– Ô coeur humain! boussole des rois! murmura Louis resté seul, quand donc saurai-je lire dans tes replis comme dans les feuilles d'un livre? Non, je ne suis pas un mauvais roi; non, je ne suis pas un pauvre roi; mais je suis encore un enfant.
Chapitre CCIV – Rivaux politiques
D'Artagnan avait promis à M. de Baisemeaux d'être de retour au dessert, d'Artagnan tint parole. On en était aux vins fins et aux liqueurs, dont la cave du gouverneur avait la réputation d'être admirablement garnie, lorsque les éperons du capitaine des mousquetaires retentirent dans le corridor et que lui-même parut sur le seuil.
Athos et Aramis avaient joué serré. Aussi, aucun des deux n'avait pénétré l'autre. On avait soupé, causé beaucoup de la Bastille, du dernier voyage de Fontainebleau, de la future fête que M. Fouquet devait donner à Vaux. Les généralités avaient été prodiguées, et nul, hormis de Baisemeaux, n'avait effleuré les choses particulières.
D'Artagnan tomba au milieu de la conversation, encore pâle et ému de sa conversation avec le roi De Baisemeaux s'empressa d'approcher une chaise. D'Artagnan accepta un verre plein et le laissa vide. Athos et Aramis remarquèrent tous deux cette émotion de d'Artagnan. Quant à de Baisemeaux, il ne vit rien que le capitaine des mousquetaires de Sa Majesté auquel il se hâta de faire fête. Approcher le roi, c'était avoir tous droits aux égards de M. de Baisemeaux. Seulement, quoique Aramis eût remarqué cette émotion, il n'en pouvait deviner la cause. Athos seul croyait l'avoir pénétrée. Pour lui, le retour de d'Artagnan et surtout le bouleversement de l'homme impassible signifiaient: «Je viens de demander au roi quelque chose que le roi m'a refusé.» Bien convaincu qu'il était dans le vrai, Athos sourit, se leva de table et fit un signe à d'Artagnan, comme pour lui rappeler qu'ils avaient autre chose à faire que de souper ensemble.
D'Artagnan comprit et répondit par un autre signe. Aramis et
Baisemeaux, voyant ce dialogue muet, interrogeaient du regard.
Athos crut que c'était à lui de donner l'explication de ce qui se passait.
– La vérité, mes amis, dit le comte de La Fère avec un sourire, c'est