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de foire. Puis il y eut une revue, la sempiternelle revue où des plaisanteries sur les hommes au pouvoir alternent avec des exhibitions de petites femmes, qui toutes sourient à leurs amis nichés dans un coin de la petite salle. C'est pornographique et familial. Cependant, à propos des futuristes, que raille un couplet, on nous ménagea un tableau rare: Léda et le Cygne! Léda ressemble à une fille de maison vautrée à demi nue sur un canapé. Elle caresse un cygne en peluche qui remue maladroitement un long cou d'autruche. Quand on eut suffisamment exhibé cette merveille, le rideau retomba et les allusions politico-lubriques recommencèrent, amenées par la survenue d'un monsieur qui rédige les mémoires de Mme Steinheil, et tout cela est si vieillot que c'en est pénible. Nous ne vîmes pas plus avant, l'opportunité d'un entr'acte s'étant offerte à notre fuite. Et voilà six mois qu'on représente cette chose dans une salle, petite il est vrai, mais bondée de spectateurs. Elle doit donc avoir des mérites que je n'ai point très bien perçus, et répondre à un certain public. D'ailleurs, plusieurs des femmes montrées là avaient de jolies jambes, et c'est de ce côté que se portait l'attention générale. Est-ce pour autre chose que l'on va aux ballets de l'Opéra? Je crois bien qu'ici ou là, si l'on habillait trop les danseuses, il n'y aurait personne.

      A LA NAGE!

      Enfin, Burgess a traversé la Manche à la nage! Est-il le premier? On dit que le capitaine Webb avait légèrement triché, en s'appuyant sur un des bateaux qui le convoyaient. Tout le monde sera d'accord que voilà un bon nageur et capable de quelque endurance puisqu'il est resté dans l'eau pas loin de vingt-quatre heures. L'entêtement est souvent récompensé. Comme ce personnage est un Anglais naturalisé Français, les journaux britanniques, qui deviennent sentimentaux, ont déclaré que tout était pour le mieux et que cette victoire ne serait pas jalousée par un des deux pays. Burgess est l'anglo-français par excellence. Les échos de la Marseillaise l'ont, paraît-il, réconforté et ravigoté à mesure qu'il approchait de la côte française. C'est un brave homme. Sa position dans le monde est maintenant assurée. Il est, pour jusqu'à la fin de ses jours, celui qui a traversé la Manche à la nage. On citera son nom à la suite de Lord Byron qui traversa le Bosphore et de celui de Léandre, qui traversa l'Hellespont. Seulement nous ne sommes plus aux temps mythologiques ni même aux temps romantiques et les gens se demanderont à quoi un tel exploit peut bien servir. A rien du tout, et c'est peut-être pour cela qu'il restera, non pas émouvant, mais curieux, à une époque où l'on croyait que tous les actes devaient avoir des buts intéressés, tout au moins des buts utiles, des buts pratiques. Burgess a donné un bel exemple d'énergie et cela suffit. J'avoue que j'aimerais assez à accomplir seulement le quart de son trajet, mais comme je ne sais pas nager, le vœu est superflu. C'est très beau, tout de même, de pouvoir se tenir sur l'eau avec autant de sécurité que sur la terre. Un homme qui nage n'est jamais ridicule et une belle femme qui nage est un spectacle charmant. De toutes les nymphes, les naïades sont les plus séduisantes. Aucun exercice, d'ailleurs, ne développe plus harmonieusement les formes et ne permet de les montrer plus naïvement, plus chastement. Quelques femmes le savent bien.

      LE POURPOINT

      Ceux qui s'intéressent à la mode masculine n'ont pas renoncé, paraît-il, à nous imposer le pourpoint, le chapeau à plumes, le rabat de dentelles, le haut de chausse à canons, le bas de soie et la jarretière. Pour avoir une idée claire du costume qu'ils rêvent, il suffit d'aller voir jouer du Molière à la Comédie-Française. Chacun même pourra choisir la nuance dans laquelle il préférera apparaître aux yeux des femmes éblouies et vaincues. Il est assez curieux, en effet, que la vêture féminine ait évolué vers l'éclat, depuis le grand siècle, tandis que la vêture masculine évoluait vers le sombre. Seuls les bourgeois un peu pingres s'habillaient de noir ou de grosses couleurs éteintes; l'élégant rivalisait avec le papillon. La femme avait une tenue presque discrète, surtout si on la compare à celle d'aujourd'hui. Ce rapport changea au cours du XVIIIe siècle sous l'influence de la mode anglaise, qui n'a pas cessé depuis de régenter les Français. Les femmes devinrent extravagantes et les hommes presque sages, jusqu'au moment où, abandonnant la couleur et les étoffes fleuries, ils se vouèrent définitivement au noir et aux teintes neutres. Toutes les tentatives que l'on a faites pour éclaircir un peu le costume masculin ont échoué, probablement parce que le nombre des hommes soumis à la mode a considérablement augmenté et que la très grande majorité d'entre eux ne pourrait se plier à des vêtements salissants, fragiles et par conséquent très coûteux. L'homme a reporté presque tout entier sur la femme son goût de luxe, son désir de chatoiement, son besoin d'élégance. Cela satisfait mieux son œil, en même temps que son instinct; il s'est résigné à se vêtir vilainement pour que la femme soit plus belle. Je ne crois pas qu'il soit disposé à changer d'avis. Pour tout dire, je crois qu'en un pourpoint rose, il se ferait peur à lui-même.

      LE GARDE CHAMPÊTRE

      On vient de juger les singuliers gredins qui déguisés, l'un en séducteur, l'autre en garde-champêtre, avaient extorqué à une pauvre femme, honteuse d'un commencement de péché, la somme fabuleuse de 700.000 francs. Tant d'argent que cela pour s'être assise au pied d'un chêne et avoir peut-être laissé dégrafer son corsage par une main savamment inexperte! Le crime ne fut pas poussé beaucoup plus loin, sans doute, car les séducteurs de cette espèce sont gens de sang-froid qui, convoitant d'un œil fort distrait les charmes de la dame, prêtent une oreille attentive à l'approche certaine, trop certaine du garde-champêtre. Il arriva enfin, car cela aurait pu tout de même mal tourner et les opérations suivantes en auraient été entravées. Moyennant une cinquantaine de mille francs, le garde-champêtre, ayant écrit un redoutable procès-verbal, d'où s'en suivaient au moins trois écus d'amende, consentit à le déchirer. Sauver, non pas sa vertu, mais sa réputation à ce prix-là, sembla à la dame une très bonne affaire, au séducteur aussi, non moins au représentant de la loi. Tout le monde se félicita. Cependant les deux compères, devant tant de naïveté, décidèrent de mener l'affaire jusqu'au bout et de chantage en chantage, toute la fortune de la dame, qui en valait la peine, y passa. Ce ne fut qu'après le versement de ses derniers louis qu'elle surmonta sa honte et porta plainte. Pauvre femme et pauvre psychologie féminine! Quelle pitié! Mais elles sont presque toutes comme cela. Dès qu'elles ne tiennent pas outre mesure à leur vertu, elles se rattrapent, sur la réputation. Cette malheureuse fit preuve d'un respect vraiment héroïque des jugements du monde. A sa manière, c'est vraiment une victime du devoir féminin, qui est la dissimulation.

      LE CHARMEUR D'OISEAUX

      Le charmeur d'oiseaux des Tuileries est menacé de devenir aveugle. On le soigne aux Quinze-Vingts. Mais s'il ne peut plus voir, il entendra encore ses petits amis ailés, car il compte bien revenir parmi eux aux heures habituelles. Il paraît que les premiers jours qu'il leur manqua, moineaux et colombes étaient fort désemparés. Sans doute, ce qu'ils regrettaient surtout, c'était les miettes de pain, mais c'était aussi la main qui les distribuait, la voix qui leur parlait, la silhouette de cet homme qui, tout entier, était bon pour eux. Car les animaux les plus craintifs et même les plus farouches ont une sympathie pour qui les aime. Ils savent entre tous le reconnaître; ils lui sont familiers avec bonheur. Mais tous ceux qui aiment les animaux, ne sont pas aptes à les apprivoiser. C'est un don, mais c'est aussi un art que l'état de charmeur d'oiseaux. Il y a beaucoup d'oisifs méthodiques dans les squares et dans les jardins; ils voudraient bien se montrer à la foule des promeneurs entourés d'un essaim piaillant de moineaux, mais ils n'ont pas le charme. Les moineaux picorent le pain, mais gardent leur méfiance. Ils arrivent en sautillant dans l'herbe, happent la miette et filent. Le vrai charmeur n'a qu'à se montrer, même sans provisions de bouche, et les oiseaux de tous côtés accourent, non plus en se dissimulant et avec des gestes apeurés, mais franchement et avec joie. C'est une fort jolie chose et qu'on regarde toujours avec plaisir. Je ne connais guère le charmeur des Tuileries, mais je me suis bien des fois arrêté à quelques pas de celui du Luxembourg. Il ne faut pas s'approcher de trop près, quand on n'est pas de la carrière. Les oiseaux ne donnent pas leur confiance au premier venu.

      L'HÉRITAGE DE DICKENS

      On vient d'apprendre que les quatre petites-filles de Charles Dickens sont, sinon dans la misère noire, car elles ont de petites occupations,

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