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Les Femmes qui tuent et les Femmes qui votent. Dumas Alexandre
Читать онлайн.Название Les Femmes qui tuent et les Femmes qui votent
Год выпуска 0
isbn
Автор произведения Dumas Alexandre
Жанр Зарубежная классика
Издательство Public Domain
Alors, magistrats, jury, gendarmes huissiers, Code civil, justice, allégories mythologiques, menaçantes et rassurantes, Christ en croix, qu'est-ce que vous faites là? Pourquoi tout cet appareil inutile, toute cette solennité vide, toute cette dépense, tout ce dérangement? Ces trois individus coupables, tous les trois, de délits et de crimes qui compromettent non seulement leur propre honneur, leur propre morale, mais la morale universelle et la sécurité des citoyens électeurs, pourquoi les renvoyez-vous finalement chez eux, sans condamnation, sans flétrissure, sans amende même?
Parce que, me répondrez-vous, c'est là un cas exceptionnel. Cette jeune fille était vraiment sympathique par sa bonne conduite antérieure, le père par l'honnêteté de toute sa vie: il n'a pas pu résister à sa douleur et à sa colère, devant la froide ingratitude et la cynique cruauté de ce jeune homme, nous l'avons compris et nous l'avons acquitté.
Non; ces raisons-là, vous les donnez parce que vous ne pouvez pas, vous ne voulez pas donner les vraies raisons. Les vraies raisons, les voici: ne pouvant pas punir les vrais coupables, vous êtes fatalement amenés à absoudre ceux dont le crime n'est que la conséquence directe de cette culpabilité non seulement impunie, mais dont, dans certains cas, il ne vous est pas permis de connaître, dont il vous est interdit de faire mention, que vous devez respecter en un mot, qui vous est sacrée pour ainsi dire, comme la réputation la plus intacte, comme le dogme le plus révéré. Il est tel cas où vous n'avez même pas le droit de prononcer le nom du véritable coupable, et où vous ne pouvez punir que l'innocent et même la victime.
J'ai assisté, il y a deux ou trois ans, à un procès criminel où la coupable, du moins la personne amenée à la barre, était une jeune femme. Elle s'était mariée, enceinte, avec un jeune homme, lequel ignorait absolument ce détail. Elle accoucha, à terme, sans que son mari se fût douté de cette grossesse et en l'absence de ce mari. Elle se délivra elle-même; puis elle perdit la tête et tua son enfant, dont elle cacha le corps dans une armoire. Le crime fut découvert et la jeune femme arrêtée et traduite devant les assises.
L'homme qui l'avait rendue mère était marié, c'est-à-dire doublement coupable; il l'avait eue sous sa protection, ce qui le rendait triplement coupable; il l'avait garantie comme la plus honnête fille du monde au jeune homme, lorsque celui-ci était venu lui demander des renseignements, ce qui le constituait quadruplement coupable; ni l'accusée, ni l'accusation, ni la défense n'avaient le droit de prononcer le nom de cet homme, le premier, le seul coupable, parce que la recherche de la paternité est interdite par nos lois. Cet homme était négociant. S'il n'avait pas payé un de ses billets, vous lui auriez saisi ses meubles, et tout ce qu'il possédait; vous l'auriez déclaré en faillite, en faillite frauduleuse, si ses livres n'avaient pas été bien en règle, et vous l'auriez condamné à la prison. Il avait trahi le mariage, trahi la tutelle, trahi la confiance d'un honnête homme, donné le jour à un enfant illégitime; il était la cause d'un meurtre, du meurtre de son propre enfant; l'action qu'il avait commise amenait la femme qu'il avait dit aimer sur les bancs de la cour d'assises, la faisait condamner aux galères, car elle fut condamnée; condamnait le mari de cette femme à la honte, au désespoir, au ridicule, au célibat, à la stérilité, à n'avoir plus d'épouse légale, à n'avoir plus d'enfant légitime, et vous ne pouviez rien contre le vrai coupable, à peine le réprimander, dans le vide, et encore anonyme. S'il plaisait à ce coupable de se reconnaître dans ce que j'écris en ce moment, il pourrait m'attaquer en diffamation; je ne pourrais pas faire la preuve, et vous me condamneriez comme diffamateur, probablement à un franc d'amende, ce qui ne serait pas cher, mais ce qui serait encore une condamnation supérieure à celle que vous pouviez lui infliger.
Qui avez-vous donc véritablement puni du double crime commis par cet homme et par cette fille? Celui qui n'en avait commis aucun, le mari, l'honnête homme, l'innocent. L'amant n'a même pas été inquiété; l'infanticide, son temps fait, redeviendra libre, et très probablement elle n'aura fait que la moitié de son temps, si elle s'est ce qu'on appelle bien conduite, depuis son emprisonnement; quant au mari, à qui vous n'avez rien à reprocher que d'avoir eu confiance, que d'avoir voulu aimer selon les lois, d'avoir voulu constituer la famille, le foyer, l'exemple, ce qui est recommandé par toutes les religions et toutes les morales, dont vous vous déclarez les défenseurs, il reste et demeure éternellement la victime de cet homme adultère et de cette femme infanticide; et si, demain, il avait un enfant d'une autre femme que celle-là, vous condamneriez cet enfant à n'avoir jamais ni famille régulière, ni nom légal, à moins que sa mère n'eût l'idée comme l'autre de le tuer, auquel cas, le mari, devenu à son tour adultère et père illégal et dénaturé, n'encourrait, comme coupable, aucune des peines qui lui ont été infligées comme innocent!
Vous me répondrez encore: «Ce sont là des exceptions très rares dont la loi n'a pas à tenir compte.» Où avez-vous vu cela? Le caractère fondamental, la propriété spécifique d'une loi font que même une seule injustice ne puisse pas être commise en son nom, et, tant que cette injustice peut être commise, cette loi est incomplète, par conséquent insuffisante, de là préjudiciable, et le premier venu, comme moi, peut l'attaquer et en demander la revision.
Et, comme cette revision demandée ne se fait pas, les faits, depuis quelques années que ces questions ont été de plus en plus débattues par l'opinion publique, les faits concluant en faveur de cette revision se succèdent et se précipitent les uns sur les autres; les incarnations se multiplient avec une rapidité, une éloquence, un retentissement, une plus value de scandale effrayants, et la Providence paraît être absolument décidée à vous forcer la main.
Du reste, pour les vrais observateurs, ce qu'on appelle la Providence a des procédés qui devraient commencer à être connus. Quand une société ne voit pas ou ne veut pas voir ce qu'elle doit faire, cette Providence le lui indique d'abord par de petits accidents symptomatiques et facilement remédiables; puis l'indifférence ou l'aveuglement persistant, elle renouvelle ses indications par des phénomènes périodiques, se rapprochant de plus en plus les uns des autres, s'accentuant de plus en plus, jusqu'à quelque catastrophe d'une démonstration tellement claire, qu'elle ne laisse aucun doute sur les volontés de ladite Providence. C'est alors que la société imprévoyante s'étonne, s'épouvante, crie à la fatalité, à l'injustice des choses et se décide à comprendre. Ce qui est encore à constater au milieu de tout cela, c'est l'obstination que mettent non seulement la masse des gens, mais les hommes chargés de veiller à la moralité et au salut des sociétés, à donner pour cause aux drames et aux crimes nés de l'insuffisance des lois, les examens et les propositions philosophiques que, tout au contraire, cette insuffisance inspire à certains esprits. Pour tous les routiniers, les auteurs de la démoralisation sociale sont ceux qui la découvrent ou la dénoncent à l'avance. Quand on a dit à une société: «Prends garde! si tu continues tels ou tels errements, tu provoqueras telle ou telle catastrophe;» on est pour cette société, qui ne veut pas reconnaître ses torts, la cause même de cette catastrophe, le jour où elle se produit. L'Église catholique en est encore à nous dire que ce sont les abominables passions et les détestables conseils de Luther qui ont fait tant de mal au catholicisme; elle oublie de se rappeler ou de rechercher les causes qui ont produit Luther et nécessité la Réforme. Les défenseurs de la monarchie de droit divin et des traditions féodales nous disent que c'est l'esprit diabolique de Voltaire et des encyclopédistes qui a produit la Révolution et les excès du xviiie siècle; ils se gardent bien de reconnaître et d'avouer les faits qui ont suscité les attaques de Voltaire et de l'Encyclopédie. Même observation en littérature. Ce sont les écrivains qui écrivent contre les mœurs immorales de leur temps qui démoralisent leur temps. On commence par prétendre que le mal dont ils parlent n'existe pas; puis, quand il est notoire, que ce sont leurs écrits qui l'ont fait naître, puis, quand il gagne de plus en plus, qu'il vaut mieux n'en rien dire.
Ainsi, celui qui écrit ces lignes (formule ingénieuse trouvée par un grand orgueilleux qui n'osait pas dire moi aussi souvent qu'il l'aurait voulu), ainsi celui qui écrit ces lignes a, de cette