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de Roger

      Ne luit plus au Louvre,

      Chacun le découvre

      Et dit qu'un berger

      Arrivé de Douvre

      L'a fait déloger.

      Les rois, du moment où ils sont mariés, n'y voient pas plus clair que les autres maris; aussi Louis XIII exila-t-il à ce propos M. de Montmorency à Chantilly; rentré en grâce par l'influence de Marie de Médicis, il était revenu passer un mois à la cour, puis était parti pour son gouvernement du Languedoc, où il avait appris la nouvelle du duel et l'exécution en Grève de son cousin François de Montmorency, comte de Bouteville.

      Par sa femme, Maria Felice Orsini, fille de ce même Virginio Orsini, qui avait accompagné Marie de Médicis en France, il était neveu de la reine-mère; de là venait la protection dont elle l'honorait.

      Jalouse comme une italienne, Maria Orsini, qui, selon le poète Théophile, avait la blancheur des neiges célestes, avait commencé par fort tourmenter son mari, qui avait, dit Tallemant des Réaux, une telle vogue, qu'il n'y avait pas une femme, de celles qui avaient un peu de galanterie en tête, qui ne voulût à toute force être cajolée par lui.

      Enfin, un compromis était intervenu entre le duc et sa femme, par lequel celle-ci lui permettait de faire autant de galanteries qu'il lui plairait, pourvu qu'il vînt les lui raconter. Une de ses amies lui disait un jour qu'elle ne comprenait point qu'elle donnât à son mari une telle latitude, et surtout qu'elle en exigeât le récit.

      – Bon, répondit-elle; je ménage ce récit-là pour le moment où nous sommes couchés, et j'y trouve toujours mon compte.

      Et en effet, il n'était point étonnant que les femmes, surtout celles de cette époque toute sensuelle, se prissent de passion pour un beau prince de trente-trois ans, de la première famille de France, riche à millions, gouverneur d'une province, amiral de France à 17 ans, duc et pair à 18, chevalier du Saint-Esprit à 25, qui comptait parmi ses ancêtres quatre connétables et six maréchaux, et dont la suite ordinaire se composait de cent gentilshommes et de trente pages.

      Mais revenons à la soirée de la princesse Marie. Quelques moments après l'arrivée à l'hôtel de Longueville du prince de Condé qui, nous l'avons dit, avait fait toilette, afin d'éviter les reproches de M. de Montmorency, la porte du salon s'ouvrit à deux battants, et l'huissier cria:

      – Son Altesse Royale Monseigneur Gaston d'Orléans.

      Toutes les conversations s'arrêtèrent; ceux qui étaient debout restèrent debout, ceux qui étaient assis se levèrent, la princesse Marie elle-même.

      – Bon! dit Mme de Combalet, confidente du cardinal, en se levant à son tour et en saluant plus respectueusement que personne, voici la comédie qui commence; ne perdons pas un mot de ce qui se dira sur le théâtre, ni, s'il est possible, de ce qui se fera dans les coulisses.

      CHAPITRE III.

      LE COMMENCEMENT DE LA COMÉDIE

      Et, en effet, c'était la première fois que publiquement, et au milieu d'une grande soirée, le duc d'Orléans se présentait chez la princesse Marie de Gonzague.

      Il était facile de voir qu'il avait donné à sa toilette un soin tout particulier. Il était vêtu d'un pourpoint de velours blanc, passementé d'or, avec le manteau pareil, doublé de satin cerise; il portait des chausses de velours cerise, de la même couleur que la doublure de son manteau; il était coiffé, ou plutôt il tenait à la main, car, contre son habitude, il s'était découvert, et tout le monde le remarqua, il tenait à la main un chapeau de feutre blanc, avec une ganse de diamants et des plumes cerise. Enfin il était chaussé de bas de soie et de souliers de satin blanc; des flots de rubans aux deux couleurs adoptées par lui sortaient, abondants et pleins d'élégance, de toutes les ouvertures de son pourpoint et à l'endroit des jarretières.

      Mgr Gaston était peu aimé, encore moins estimé. Nous avons dit le tort que lui avait fait dans ce monde brave, élégant et chevaleresque, sa conduite dans le procès de Chalais; aussi fut-il accueilli par un silence général.

      En l'entendant annoncer, la princesse Marie avait jeté un coup-d'œil d'intelligence à la douairière de Longueville. Dans la journée, on avait reçu une lettre de Son Altesse Royale qui prévenait Mme de Longueville de sa visite pour le soir et la priait, s'il était possible, de lui ménager quelques minutes d'entretien avec la princesse Marie, à laquelle il avait, disait-il, des choses de la plus haute importance à communiquer.

      Il s'avança vers la princesse Marie, en sifflotant un petit air de chasse; mais comme on savait que devant la reine même il ne pouvait s'empêcher de siffler, personne ne s'inquiéta de cette inconvenance, pas même la princesse Marie, qui lui tendit gracieusement la main.

      Le prince la lui baisa en l'appuyant longtemps et fortement contre ses lèvres, puis il salua courtoisement Mme la douairière de Longueville, s'inclina presque légèrement devant Mme de Combalet, et s'adressant à la fois aux cavaliers et aux dames:

      – Par ma foi, dit-il, mesdames et messieurs, je vous recommande la nouvelle invention de M. Souscarrières; rien de plus commode, sur mon honneur. Connaissez-vous cela, princesse?

      – Non, monseigneur, j'en ai entendu parler seulement par quelques personnes qui ont employé ce véhicule pour me venir saluer ce soir.

      – C'est en vérité ce qu'il y a de plus commode, et quoique nous ne soyons pas grands amis, M. de Richelieu et moi, je ne puis qu'applaudir à cette innovation pour laquelle il a donné privilége à M. de Bellegarde. Son père, qui est grand écuyer, n'aura dans toute sa vie rien inventé de pareil, et je proposerais de donner le revenu de toutes ses charges à son fils pour le service qu'il nous rend. Imaginez-vous, princesse, une brouette fort propre, doublée de velours, avec glaces quand on veut voir, rideaux quand on ne veut pas être vu, et où l'on est très bien assis. Il y en a pour aller seul et d'autres pour aller à deux. Cela est porté par des Auvergnats, qui vont au pas, au trot ou au galop, selon les besoins et la rétribution du voituré.

      J'ai essayé du pas tant que j'ai été dans le Louvre, et du trot quand j'ai été sorti; ils ont le pas fort cadencé et le trot fort doux. Ce qu'il y a de commode, c'est qu'ils viennent, si le temps est mauvais, vous chercher jusque dans le vestibule, où ne peuvent venir vous prendre les carrosses, et ce qu'il y a de merveilleux, c'est que le marchepied n'existant pas, on n'est jamais crotté; on pose la chaise, cela s'appelle une chaise, et celui qui en sort se trouve de niveau avec le parquet. Il ne tiendra pas à moi, je vous jure, que l'invention ne devienne à la mode. Je vous la recommande, duc, dit-il en s'adressant à Montmorency et en le saluant de la tête.

      – Je m'en suis servi aujourd'hui même, dit le duc en s'inclinant, et je suis en tout point de l'avis de Votre Altesse.

      Puis se retournant du côté du duc de Guise, qui, lui aussi, se trouvait là:

      – Bonjour, mon cousin, dit-il, quelles nouvelles de la guerre?

      – C'est à vous, monseigneur, qu'il faut en demander; plus les rayons du soleil sont près de nous, plus ils nous éclairent.

      – Oui, quand ils ne nous aveuglent pas. Quant à moi, je suis plus que borgne en politique; et si cela continue, je solliciterai la princesse Marie de vouloir bien demander une chambre pour moi à ses voisins MM. les Quinze-Vingts.

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