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Œuvres complètes de lord Byron, Tome 6. George Gordon Byron
Читать онлайн.Название Œuvres complètes de lord Byron, Tome 6
Год выпуска 0
isbn
Автор произведения George Gordon Byron
Жанр Зарубежная классика
Издательство Public Domain
Vois-tu, mon neveu, c'était bon hier: à présent je n'ai plus de fiel contre cet homme.
Que voulez-vous dire? l'offense n'est-elle pas redoublée par cet inique; je ne dirai pas acquittement, car ils ont fait pis que de l'acquitter, en reconnaissant le crime, et ne le punissant pas.
Le crime est en effet redoublé, mais ce n'est plus par lui. Les Quarante ont conclu à un mois d'arrêt-il faut obéir aux Quarante.
Leur obéir! à eux, qui ont oublié ce qu'ils doivent à leur souverain?
Comment, oui-vous le comprenez donc, enfin, jeune homme? oui, soit comme citoyen qui réclame justice, soit comme souverain de qui elle émane; ils m'ont également dépouillé de mes droits; et cependant garde-toi d'arracher un cheveu de la tête de Steno: il ne la portera pas long-tems.
Pas douze heures, si vous m'en laissiez la permission. Si vous m'aviez entendu froidement, vous auriez compris que mon intention ne fut jamais qu'il s'échappât; seulement je voulais modérer ces excès de violence qui ne nous permettaient pas de méditer sur cette affaire.
Non, mon neveu, il faut qu'il vive, pour le moment, du moins. – Qu'est-ce aujourd'hui qu'une vie telle que la sienne? Dans les tems anciens, on se contentait d'une seule victime, pour les sacrifices ordinaires; mais pour les grandes expiations, il fallait une hécatombe.
Vos vœux seront ma loi; et cependant je brûle de vous prouver combien l'honneur de notre maison m'est cher.
Ne craignez rien, l'occasion de le prouver ne vous manquera pas; mais ne soyez pas violent comme je le fus. Maintenant, je ne puis concevoir ma propre colère: – pardonnez-la moi, je vous prie.
Oh! mon oncle! vous, guerrier, et homme d'état; vous, le maître de la république, vous l'êtes donc aussi de vous-même! J'étais réellement surpris de vous voir, dans cette fureur et à votre âge, oublier ainsi toute modération, toute prudence: il est vrai que la cause-
Oui, pensez à la cause-ne l'oubliez pas. – Quand vous irez prendre du repos, que le souvenir en perce dans vos songes; et quand le jour renaîtra, qu'il se place entre le soleil et vous; qu'il ternisse d'un sinistre nuage vos plus beaux jours d'été: c'est ainsi qu'il me suivra. – Mais pas un mot, pas un signe. – Laissez-moi tout conduire. – Nous aurons beaucoup à faire, et vous aurez votre tâche. Maintenant, éloignez-vous; j'ai besoin d'être seul.
Avant que je ne parte, reprenez, je vous prie, ce que vous aviez répudié; jusqu'à ce que vous puissiez le changer en diadême. Je vous quitte, en vous priant, en toute chose, de compter sur moi, comme sur votre plus proche et plus fidèle parent, non moins que sur le citoyen et le sujet le plus loyal.
Adieu, mon digne neveu. (Prenant le bonnet ducal.) Misérable hochet, entouré de toutes les épines d'une couronne, mais incapable d'investir le front qui le porte de cette royale majesté au-dessus de l'insulte; vil et dégradé colifichet, je te reprends comme je ferais un masque. (Il le met sur sa tête.) Oh! comme ma tête souffre sous ton poids, comme mes tempes se soulèvent sous ton honteux fardeau! Ne pourrai-je donc te transformer en diadême? N'étoufferai-je pas ce Briarée despotique, dont les cent bras disposent du sénat, réduisent à rien le peuple, et font du prince un esclave? Dans ma vie, j'ai mis à fin des travaux non moins difficiles. – Ce fut à son profit, et voilà comme il m'en récompense. – Ne puis-je donc en demander le prix? Ah! que n'ai-je encore une seule année, un seul jour de ma forte jeunesse; alors que mon corps obéissait à mon ame comme le coursier à son maître: comme je foulerais aux pieds, sans avoir besoin de nombreux amis, tous ces confians patriciens. Maintenant, il faut que d'autres bras viennent servir les projets de mes cheveux blancs; mais, du moins, je saurai diriger cette tâche difficile: bien que je ne puisse encore enfanter qu'un chaos de pensées confuses, mon imagination est dans sa première opération; c'est à la réflexion qu'il appartient de les modifier. – L'armée est peu nombreuse dans-
Quelqu'un demande une audience de son altesse.
Je ne le puis. – Je ne veux voir personne, pas même un patricien. – Qu'il porte son affaire au conseil.
Seigneur, je lui porterai votre réponse: sa présence ne peut vous intéresser. – C'est un plébéien, et, si je ne me trompe, le commandant d'une galère.
Comment! le patron d'une galère, dites-vous? c'est-à-dire, un officier de l'état. Introduisez-le, il s'agit peut-être du service public.
On peut sonder ce patron; je vais l'essayer. Je sais que les citoyens sont mécontens; ils en ont sujet depuis la fatale journée de Sapienza, où la victoire resta aux Génois. Une autre cause encore, c'est que, dans l'état, ils ne sont plus rien, et moins que rien dans la ville, – de pures machines soumises au bon plaisir des nobles. Les troupes ont un long arriéré dans leur paie; on leur a fait souvent de vaines promesses; ils murmurent hautement; ils peuvent sourire à quelque espoir de changement: on pourrait les acquitter avec le pillage. – Mais les prêtres? – ou je me trompe fort, ou le clergé ne sera pas des nôtres; il me hait depuis cet instant d'emportement où, pour presser sa marche, je frappai l'évêque de Trévise, dont la lenteur m'était insupportable. Cependant, on peut les gagner, du moins le pontife romain leur chef, au moyen de quelques concessions opportunes. Mais, sur toute chose, il faut de la promptitude; au crépuscule de mes jours, je n'ai plus à moi que quelques lueurs. Si j'affranchis Venise, si je venge mes injures, j'aurai vécu assez long-tems, et je m'endormirai volontiers près de mes pères. Mais, si je ne le puis, mieux eût valu n'avoir vu que vingt printems; et, depuis soixante années, être descendu-où? – peu m'importe, où je serai bientôt-où tout doit finir. – Ne valait-il pas mieux ne jamais être, que de vivre courbé sous le joug de ces infâmes tyrans? Mais je réfléchis-il y a, de troupes réelles, trois mille hommes postés à-
Si son altesse le permet, le patron dont je lui ai parlé va solliciter son attention.
Laissez-nous, Vincenzo. (Vincenzo sort.) Avancez, monsieur. – Que voulez-vous?
Justice.
De qui?
De Dieu, et du Doge.
Hélas! mon ami, vous la demandez au moins respecté, au moins puissant des Vénitiens. Adressez-vous au conseil.
Je le ferais en vain; celui qui m'a offensé en fait partie.
Il y a du sang sur ton visage, d'où vient-il?
C'est le mien, et ce n'est pas la première fois qu'il coule pour Venise; mais c'est la première fois qu'un Vénitien le fait répandre. Un noble m'a frappé.
Il a vécu?
Il existe encore. – Car j'avais et je conserve encore l'espoir que vous, mon prince; vous, soldat comme moi, vous vengerez celui auquel les règles de la discipline et les lois de Venise interdisent le droit de se défendre lui-même; autrement-je n'en dis pas davantage.
Vous agiriez vous-même. – N'est-ce pas cela?
Je suis un homme, mon seigneur.
Eh bien! celui qui vous frappa l'est également.
On