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marchons en suivant la spirale terrible

      Vers le but inconnu,

      Par un enfer vivant sans caverne ni gouffre,

      Sans bitume enflammé, sans mers aux flots de soufre,

      Sans Belzébuth cornu.

      Voici contre un carreau comme un reflet de lampe

      Avec l’ombre d’un homme. Allons, montons la rampe,

      Approchons et voyons.

      Ah! c’est toi, docteur Faust! Dans la même posture

      Du sorcier de Rembrandt sur la noire peinture

      Aux flamboyants rayons.

      Quoi! tu n’as pas brisé tes fioles d’alchimiste,

      Et tu penches toujours ton grand front chauve et triste

      Sur quelque manuscrit!

      Dans ton livre, aux lueurs de ce soleil mystique,

      Quoi! tu cherches encor le mot cabalistique

      Qui fait venir l’Esprit.

      Eh bien! Scientia, ta maîtresse adorée

      A tes chastes désirs s’est-elle enfin livrée?

      Ou, comme au premier jour,

      N’en es-tu qu’à baiser sa robe ou sa pantoufle,

      Ta poitrine asthmatique a-t-elle encor du souffle

      Pour un soupir d’amour?

      Quel sable, quel corail a ramené ta sonde?

      As-tu touché le fond des sagesses du monde?

      En puisant à ton puits,

      Nous as-tu dans ton seau fait monter toute nue

      La blanche Vérité jusqu’ici méconnue?

      Arbre, où sont donc tes fruits?

      Faust

      J’ai plongé dans la mer sous le dôme des ondes;

      Les grands poissons jetaient leurs ondes vagabondes

      Jusques au fond des eaux;

      Léviathan fouettait l’abîme de sa queue,

      Les Syrènes peignaient leur chevelure bleue

      Sur les bancs de coraux.

      La seiche horrible à voir, le polype difforme,

      Tendaient leurs mille bras, le caïman énorme

      Roulait ses gros yeux verts;

      Mais je suis remonté, car je manquais d’haleine;

      C’est un manteau bien lourd pour une épaule humaine

      Que le manteau des mers!

      Je n’ai pu de mon puits tirer que de l’eau claire;

      Le Sphinx interrogé continue à se taire;

      Si chauve et si cassé,

      Hélas! j’en suis encore à peut-être, et que sais-je?

      Et les fleurs de mon front ont fait comme une neige

      Aux lieux où j’ai passé.

      Malheureux que je suis d’avoir sans défiance

      Mordu les pommes d’or de l’arbre de science!

      La science est la mort.

      Ni l’upa de Java, ni l’euphorbe d’Afrique,

      Ni le mancenilier au sommeil magnétique.

      N’ont un poison plus fort.

      Je ne crois plus à rien. J’allais, de lassitude,

      Quand vous êtes venus, renoncer à l’étude

      Et briser mes fourneaux.

      Je ne sens plus en moi palpiter une fibre,

      Et comme un balancier seulement mon coeur vibre

      A mouvements égaux.

      Le néant! Voilà donc ce que l’on trouve au terme!

      Comme une tombe, un mort, ma cellule renferme

      Un cadavre vivant.

      C’est pour arriver là que j’ai pris tant de peine,

      Et que j’ai sans profit, comme on fait d’une graine,

      Semé mon âme au vent.

      Un seul baiser, ô douce et blanche Marguerite,

      Pris sur ta bouche en fleur, si fraîche et si petite,

      Vaut mieux que tout cela.

      Ne cherchez pas un mot qui n’est pas dans le livre;

      Pour savoir comme on vit n’oubliez pas de vivre.

      Aimez, car tout est là!

VI

      La spirale sans fin dans le vide s’enfonce;

      Tout autour, n’attendant qu’une fausse réponse

      Pour vous pomper le sang,

      Sur leurs grands piédestaux semés d’hiéroglyphes,

      Des Sphinx aux seins pointus, aux doigts armés de griffes,

      Roulent leur oeil luisant.

      En passant devant eux, à chaque pas l’on cogne

      Des os demi rongés, des restes de charogne,

      Des crânes sonnant creux.

      On voit de chaque trou sortir des jambes raides,

      Des apparitions monstrueusement laides

      Fendent l’air ténébreux.

      C’est ici que l’énigme est encor sans Oedipe,

      Et qu’on attend toujours le rayon qui dissipe

      L’antique obscurité.

      C’est ici que la mort propose son problème,

      Et que le voyageur, devant sa face blême

      Recule épouvanté.

      Ah que de nobles coeurs et que d’âmes choisies,

      Vainement, à travers toutes les poésies,

      Toutes les passions,

      Ont poursuivi le mot de la page fatale

      Dont les os gisent là sans pierre sépulcrale

      Et sans inscriptions!

      Combien, don Juans obscurs, ont leurs listes remplies

      Et qui cherchent encor! Que de lèvres pâlies

      Sous les plus doux baisers,

      Et qui n’ont jamais pu se joindre à leur chimère!

      Que de désirs au ciel sont remontés de terre

      Toujours inapaisés!

      Il est des écoliers qui voudraient tout connaître,

      Et qui ne trouvent pas pour valet et pour maître

      De Méphistophélès.

      Dans les greniers, il est des Faust sans Marguerite

      Dont l’enfer ne veut pas et que Dieu déshérite;

      Tous ceux-là, plaignez-les!

      Car ils souffrent un mal, hélas! inguérissable;

      Ils mêlent une larme à chaque grain de sable

      Que le temps laisse choir.

      Leur coeur, comme un orfraie au fond d’une ruine,

      Râle piteusement dans leur maigre poitrine

      L’hymne du désespoir.

      Leur vie est comme un bois à la fin de l’automne,

      Chaque souffle qui passe arrache à leur couronne

      Quelque reste de vert.

      Et

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