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L'archéologie égyptienne. Gaston Maspero
Читать онлайн.Название L'archéologie égyptienne
Год выпуска 0
isbn
Автор произведения Gaston Maspero
Жанр Зарубежная классика
Издательство Public Domain
Au dehors, l’avant-mur en pierres sèches était séparé du corps de la place par un fossé de 30 à 40 mètres de large ; il épousait assez exactement le contour général et dominait la plaine de 2 ou 3 mètres, selon les endroits ; vers le nord, il était coupé par le chemin tournant qui descend en plaine. Ces dispositions, si habiles qu’elles fussent, n’empêchèrent point la place de succomber ; une large brèche pratiquée au sud, entre les deux saillants les plus rapprochés du fleuve, marque le point d’attaque choisi par l’ennemi. Les grandes guerres entreprises en Asie sous la XVIIIe dynastie révélèrent aux Égyptiens des formes nouvelles de fortifications. Les nomades de la Syrie méridionale avaient des fortins où ils se réfugiaient sous la menace de l’invasion.
Les villes cananéennes et hittites, Ascalon, Dapour, Mérom, étaient entourées de murailles puissantes, le plus souvent en pierre et flanquées de tours ; celles d’entre elles qui s’élevaient en plaine, comme Qodshou, étaient enveloppées d’un double fossé rempli d’eau).
Les Pharaons transportèrent dans la vallée du Nil les types nouveaux, dont ils avaient éprouvé l’efficacité dans leurs campagnes. Dès les commencements de la XIXe dynastie, la frontière orientale du Delta, la plus faible de toutes, était couverte d’une ligne de forts analogues aux forts cananéens ; non contents de prendre la chose, les Égyptiens avaient pris le mot et donnaient à ces tours de garde le nom sémitique de magadîlou. La brique ne parut plus dès lors assez solide, au moins pour les villes exposées aux incursions des peuplades asiatiques, et les murs d’Héliopolis, ceux de Memphis même, se revêtirent de pierre. Rien ne nous est resté jusqu’à présent de ces forteresses nouvelles, et nous en serions réduits à nous figurer, d’après les peintures, l’aspect qu’elles pouvaient avoir, si un caprice royal ne nous en avait laissé un modèle dans un des endroits où on s’attendait le moins à le rencontrer, dans la nécropole de Thèbes. Quand Ramsès III établit son temple funéraire, il voulut l’envelopper d’une enceinte à l’apparence militaire, en souvenir de ses victoires syriennes.
Un avant-mur en pierre, crénelé, haut de 4 mètres en moyenne, court le long du flanc est ; la porte est pratiquée au milieu, sous la protection d’un gros bastion quadrangulaire. Elle était large de 1 mètre, et flanquée de deux petits corps de garde oblongs, dont les terrasses s’élèvent d’environ 1m,50 au-dessus du rempart. Dès qu’on l’a franchie, on se trouve devant un véritable Migdol : deux corps de logis, embrassant une cour qui va se rétrécissant par ressauts, et réunis par un bâtiment à deux étages, percé d’une porte longue. Les faces orientales des tours sont assises sur un soubassement incliné en talus, haut de 5 mètres environ. Il était à deux fins : d’abord il augmentait la force de résistance du mur à l’endroit où on pouvait le saper, ensuite les projectiles qu’on jetait d’en haut, ricochant avec force sur l’inclinaison du plan, tenaient l’assaillant à distance. La hauteur totale est de 22 mètres, et la largeur de 25 mètres sur le devant ; les portions situées sur le derrière, à droite et à gauche de la porte, out été détruites dès l’antiquité. Les détails de l’ornementation sont adaptés au caractère moitié religieux, moitié triomphal de l’édifice ; il n’est pas probable que les forteresses réelles fussent décorées de consoles et de bas-reliefs analogues à ceux qu’on voit sur les côtés de la place d’armes. Tel qu’il est, le pavillon de Médinét-Habou est un exemple unique des perfectionnements que les Pharaons conquérants avaient apportés à l’architecture militaire.
Passé le règne de Ramsès III, les documents nous font presque entièrement défaut. Vers la fin du XIe siècle avant notre ère, les grands prêtres d’Ammon réparèrent les murs de Thèbes, de Gébéléïn et d’El-Hibéh en face de Feshn. Le morcellement du pays sous les successeurs de Sheshonq obligea les princes des nomes à augmenter le nombre des places fortes ; la campagne de Piónkhi, sur les bords du Nil, est une suite de sièges heureux. Rien, toutefois, ne nous autorise à penser que l’art de la fortification ait fait alors des progrès sensibles : quand les Pharaons grecs se substituèrent aux indigènes, ils le trouvèrent probablement tel que l’avaient constitué les ingénieurs de la XIXe et de la XXe dynastie.
3. Les travaux d’utilité publique
Un réseau permanent de routes est inutile dans un pays comme l’Égypte ; le Nil y est le chemin naturel du commerce, et des sentiers courant entre les champs suffisent à la circulation des hommes, à la menée des bestiaux, au transport des denrées de village à village. Des bacs payants pour passer d’une rive à l’autre du fleuve, des gués partout où le peu de profondeur des eaux le permettait, des levées de terre jetées à demeure en travers des canaux, complétaient le système. Les ponts étaient rares ; on n’en connaît jusqu’à présent qu’un seul sur le territoire égyptien, encore ne sait-on s’il était long ou court, en pierre ou en bois, supporté d’arches ou lancé d’une volée. Il franchissait, sous les murs mêmes de Zarou, le canal qui séparait le front oriental du Delta des régions désertes de l’Arabie Pétrée ; une enceinte fortifiée en couvrait le débouché du côté de l’Asie.
L’entretien des voies de communication, qui coûte si cher aux peuples modernes, entrait donc pour une très petite part dans la dépense des Pharaons ; trois grands services restaient seuls à leur charge, celui des entrepôts, celui des irrigations, celui des mines et carrières.
Les impôts étaient perçus et les traitements des fonctionnaires payés en nature. On distribuait chaque mois aux ouvriers du blé, de l’huile et du vin, de quoi nourrir leur famille, et, du haut en has de l’échelle hiérarchique, chacun recevait en échange de son travail des bestiaux, des étoffes, des objets manufacturés, certaines quantités de cuivre ou de métaux précieux. Les employés du fisc devaient donc avoir à leur disposition de vastes magasins où serrer les parties rentrées de l’impôt. Chaque catégorie avait son quartier distinct, clos de murs et fourni de gardiens vigilants, larges étables pour les bêtes, celliers où les amphores étaient empilées en couches régulières ou pendues en ligne le long des murs, avec la date de la récolte écrite sur la panse, greniers en forme de four, où le grain était versé par une lucarne pratiquée dans le haut et sortait par une trappe ménagée près du sol.
À Toukou, la Pithom de M. Naville, ce sont des chambres rectangulaires, de taille différente, jadis parquetées et sans communication l’une avec l’autre : le blé, introduit par le toit, suivait, pour ressortir, le chemin qu’il avait pris pour entrer.
Au Ramesséum de Thèbes, des milliers d’ostraca et de tampons de jarres ramassés sur les lieux prouvent que les ruines en briques situées immédiatement derrière le temple renfermaient les celliers du dieu ; les chambres sont de longs couloirs voûtés, accolés l’un à l’autre et surmontés autrefois d’une plate-forme unie.
Philae, Ombos, Daphnae, la plupart des villes frontières du Delta possèdent des entrepôts de ce genre, et l’on en découvrira bien d’autres le jour où l’on s’avisera de les chercher sérieusement. Le régime des eaux ne s’est pas modifié sensiblement depuis l’antiquité. Quelques canaux ont été creusés, un plus grand nombre se sont bouchés par la négligence des maîtres du pays ; mais les tracés et les méthodes de percement sont demeurés les mêmes. Elles n’exigent point de travaux d’art considérables. Partout où j’ai pu étudier les vestiges de canaux anciens, je n’ai relevé aucune trace de maçonnerie aux prises d’eau ou sur les points faibles du parcours. Ce sont de simples fossés à pic, larges de 6 à 20 mètres ; les terres extraites pendant l’opération étaient rejetées à droite et à gauche, et formaient, au-dessus de la berge, des talus irréguliers de 2 à 4 mètres de haut. Ils marchent en ligne droite, mais sans obstination ; le moindre mouvement de terrain