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Le crime de l'Opéra 2. Fortuné du Boisgobey
Читать онлайн.Название Le crime de l'Opéra 2
Год выпуска 0
isbn
Автор произведения Fortuné du Boisgobey
Жанр Зарубежная классика
Издательство Public Domain
– Si je vous affirmais que ce n’est pas vrai, vous ne me croiriez pas, je suppose, dit-il sans s’émouvoir.
– Non, et je vous engage à vous épargner la peine de mentir. Comment voulez-vous que je vous croie? Vous m’avez déclaré vous-même, il n’y a pas deux heures, qu’en pareil cas un galant homme niait toujours.
– Je l’ai dit et je le répète. Mais vous admettez aussi qu’un galant homme peut avoir été accusé faussement.
– Non. Personne n’a intérêt à vous désigner comme ayant été l’amant de ma femme.
– Qu’en savez-vous? J’ai des ennemis, et je m’en connais un entre autres qui est très capable d’avoir imaginé ce moyen de se débarrasser de moi, sans exposer sa personne. Remarquez, je vous prie, que je ne proteste pas, que je ne discute pas, et même que je ne refuse pas de vous rendre raison.
– C’est tout ce qu’il me faut. Marchons.
– Tout à l’heure. Veuillez me laisser achever. Je ne serai pas long.
»Vous avez reçu, à ce que je vois, une nouvelle lettre du drôle qui ne cesse depuis trois mois de dénoncer votre femme, et cette fois il a plu à ce drôle de me désigner à votre vengeance. J’ai le droit de vous demander si cette lettre est signée, et, si elle l’est, je puis exiger que vous m’accompagniez chez son auteur, afin de me mettre à même de le forcer à avouer en votre présence qu’il m’a lâchement calomnié. Je l’y forcerai, je vous en réponds, et je lui ferai avaler son épître, s’il refuse le duel à mort que je lui proposerai.
– La lettre n’est pas signée.
– Très bien! Alors, je ne peux m’en prendre qu’à vous, qui ajoutez foi à une accusation anonyme portée contre moi par un vil coquin. Et si vous ne me cherchiez pas querelle, c’est moi qui vous demanderais satisfaction, car vous m’insultez en supposant que je vous ai trompé, vous qui avez été mon camarade, et presque mon ami.
– Ces trahisons-là sont très bien vues dans le monde où vous vivez.
– Cela se peut, mais ce qu’on ne tolèrerait dans aucun monde, c’est le procédé dont j’aurais usé aujourd’hui en vous faisant raconter vos infortunes de ménage si je les avais causées. Me croire capable d’une action si basse, c’est m’insulter, je vous le répète, et je ne tolère pas les insultes. Donc, nous allons nous battre.
– À la bonne heure! trouvez vite un témoin et partons.
– Pardon! je n’ai pas fini. Je tiens absolument à vous dire, avant de vous suivre sur le terrain, ce que je compte faire après la rencontre. Vous allez m’objecter que je ne ferai rien du tout, attendu que vous êtes certain de me tuer. Eh bien, je vous affirme que vous ne me tuerez pas. Vous êtes d’une jolie force à toutes les armes, mais je suis plus fort que vous.
– Nous verrons bien, dit le marin avec impatience.
– Vous le verrez, en effet. Je vous blesserai, et quand je vous aurai blessé, pour vous apprendre à me soupçonner d’une vilenie, je prendrai la peine de vous prouver que l’accusation que vous avez admise si légèrement était absurde, et que non seulement je n’ai jamais été l’amant de votre femme, mais que je ne l’ai jamais vue.
»Maintenant, j’ai tout dit et je suis prêt à vous suivre partout où il vous plaira de me conduire. Permettez-moi seulement d’aller prendre chez lui un ami que je tiens à avoir pour témoin, par la raison qu’il est inutile d’ébruiter cette affaire, et que je suis sûr de sa discrétion.
Le baleinier semblait hésiter un peu. La péroraison du capitaine avait fait sur lui une certaine impression, mais il n’était pas homme à reculer après s’être tant avancé, et il fit signe à Bernache de le suivre. Le maître mécanicien ne payait pas de mine et n’avait pas l’élocution facile, mais il ne manquait pas de bon sens, et il risqua une observation fort sage.
– Moi, à ta place, mon vieux Crozon, dit-il timidement, avant d’aller me cogner avec ce monsieur, qui n’a pas plus peur que toi, ça se voit bien, je lui demanderais de faire avant le coup de torchon ce qu’il te propose de faire après.
– Qu’est-ce que tu me chantes là, toi? grommela le loup de mer.
– Elle est bien facile à comprendre, ma chanson. Monsieur déclare qu’il n’a jamais vu ni connu ta femme, et je mettrais ma main au feu qu’il ne ment pas. Mais, puisque tu refuses de croire à la parole d’un officier, pourquoi ne le pries-tu pas de te montrer qu’il dit la vérité?
– Je suis curieux de savoir comment il s’y prendrait, dit Crozon, en haussant les épaules.
– Parbleu! il me semble que c’est bien simple, répondit le judicieux mécanicien. Ta femme ne sait rien de ce qui se passe, n’est-ce pas? Tu ne lui as jamais parlé de monsieur?
– Non. Ensuite?
– Elle est chez toi, malade… hors d’état de sortir. Par conséquent, elle n’a pu te suivre…
– Non, cent fois non.
– Eh bien, il me semble que si nous allions la voir tous les trois, et si tu lui disais que monsieur est un camarade à toi, tu connaîtrais bien à sa figure si…
– Pardon, monsieur, interrompit Nointel; je ne sais si votre proposition serait agréée par M. Crozon, mais moi je refuse absolument de me soumettre à une épreuve de ce genre. Je trouve au-dessous de ma dignité de jouer une comédie qui d’ailleurs n’amènerait pas le résultat que vous espérez. Madame Crozon n’éprouverait aucune émotion en me voyant, puisque je lui suis absolument inconnu; mais M. Crozon pourrait croire qu’elle a dissimulé ses impressions. Ce n’est pas par de tels moyens que je me propose de le convaincre… lorsque je lui aurai donné la leçon qu’il mérite.
Le capitaine avait manœuvré avec une habileté rare, et il avait calculé d’avance la portée de ses discours qui tendaient tous à calmer un furieux et qui semblaient être débités tout exprès pour l’exaspérer davantage. Le capitaine connaissait les jaloux, pour les avoir pratiqués, et il s’était dit que plus il prendrait de haut l’accusation portée contre lui par cet affolé, plus il aurait de chances de le ramener à la raison. Le pis qui pût lui arriver, c’était d’être forcé d’aller sur le terrain, et cette rencontre ne l’effrayait pas, car il se croyait à peu près certain de mettre Crozon hors de combat, et par conséquent hors d’état de tuer sa femme. Il se demandait même s’il ne valait pas mieux que l’affaire finît ainsi.
Mais, pendant qu’il parlait, un revirement s’opérait dans les idées du mari, qui commençait à réfléchir. Il hésita longtemps, ce mari malheureux; il lui en coûtait de faire un pas en arrière, et pourtant il était frappé du calme et de la fermeté que montrait Nointel. Enfin il s’écria:
– Vous ne voulez pas du moyen de Bernache… vous prétendez que vous en avez un autre pour me prouver que je vous accuse à tort. Dites-le donc, votre moyen.
– À quoi bon? Vous ne l’admettriez pas.
– Dites toujours.
– Non. J’aime mieux me battre.
– Parce que vous savez bien que vous ne me convaincriez pas.
– Je vous convaincrais parfaitement. Mais pour cela, il me faudrait peut-être du temps, et vous n’avez pas l’air disposé à attendre. Moi, je n’y tiens pas non plus. Finissons-en. Avez-vous une voiture en bas?
– Du temps? Comment, du temps? Expliquez-vous.
– Vous le voulez? soit! mais avouez que j’y mets de la complaisance. Eh bien, si vous étiez de sang-froid, je vous proposerais de me montrer la lettre anonyme que vous venez de recevoir. Vous m’avez