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je verrai si cette enveloppe vient de moi.

      Le paysan la lui tendit.

      C'était une enveloppe de plomb, très mince, comme en ont les cartouches de deux ou trois systèmes de fusils de chasse américains. Fait singulier, elle avaitété noircie par l'inflammation de la poudre, mais elle n'avaitété ni déchirée, ni même faussée par l'explosion. Elleétait si parfaitement intacte qu'on y pouvait lire encore, en lettres repoussées, le nom du fabricant: Klebb.

      – Cette enveloppe ne m'a jamais appartenu, fit le comte.

      Mais ilétait devenu fort pâle en disant cela, si pâle que sa femme se rapprocha de lui, l'interrogeant d'un regard où se lisait la plus horrible angoisse.

      – Eh bien?…

      Il ne répondit pas. Et telleétait en ce moment l'éloquence décisive de ce silence, que la comtesse parut sur le point de se trouver mal et murmura:

      – Cocoleu avait donc toute sa raison!

      Pas un détail de cette scène rapide n'avaitéchappé à M. Galpin-Daveline. Sur tous les visages, autour de lui, il avait pu surprendre l'expression d'une sorte d'épouvante. Pourtant, il ne fit aucune remarque. Il prit des mains de M. de Claudieuse cette enveloppe métallique, qui pouvait devenir une pièce à conviction de la plus terrible importance, et durant plus d'une minute il la retourna en tous sens, l'examinant au jour avec une scrupuleuse attention. Ensuite de quoi, s'adressant aux paysans, debout et respectueusement découverts à l'entrée:

      – Où avez-vous trouvé ce débris de cartouche, mes amis? interrogea-t-il.

      – Tout près de cette vieille tour, qui reste du vieux château, où l'on serre des outils et qui est toute couverte de lierre.

      Déjà M. Séneschal avait maîtrisé la stupeur dont il avaitété saisi en voyant blêmir et se taire le comte de Claudieuse.

      – Assurément, fit-il, ce n'est pas de là que l'assassin a tiré. De cette place, on ne voit même pas l'entrée de la maison.

      – C'est possible, répondit le juge, mais l'enveloppe d'une cartouche ne tombe pas nécessairement à l'endroit d'où l'on fait feu. Elle tombe quand on ouvre le tonnerre de l'arme pour recharger…

      C'était si exact que le docteur Seignebos lui-même n'osa pas protester.

      – Maintenant, mes amis, reprit M. Galpin-Daveline, lequel de vous a trouvé ce débris de cartouche?

      – Nousétions ensemble quand nous l'avons aperçu et ramassé.

      – Eh bien! dites-moi tous trois votre nom et votre domicile, pour que je puisse, au besoin, vous faire citer régulièrement.

      Ils obéirent, et cette formalité remplie, ils se retiraient, après force salutations, quand le galop d'un cheval retentit sur l'aire qui précédait la maison.

      L'instant d'après, l'homme qui avaitété expédié à Sauveterre pour chercher des médicaments entrait. Ilétait furieux.

      – Gredin de pharmacien! s'écria-t-il, j'ai cru que jamais il ne m'ouvrirait!

      Le docteur Seignebos s'était emparé des objets qu'on lui rapportait.

      S'inclinant alors devant le juge d'instruction, d'un air d'ironique respect:

      – Je n'ignore pas, monsieur, dit-il, combien il est urgent de faire couper le cou de l'assassin, mais je crois aussi pressant de sauver la vie de l'assassiné. J'ai interrompu le pansement de monsieur de Claudieuse plus peut-être que ne le permettait la prudence. Et je vous prie de vouloir bien me laisser seul faire en paix mon métier…

      6. Rien, désormais, ne retenait plus le juge d'instruction, le procureur de la République ni M. Séneschal…

      Rien, désormais, ne retenait plus le juge d'instruction, le procureur de la République ni M. Séneschal. À coup sûr, M. Seignebos eût pu s'exprimer plus convenablement, mais onétait fait aux façons brutales de ce cher docteur, car elle est inouïe, la facilité avec laquelle, en notre pays de courtoisie, lesêtres les plus grossiers se font accepter, sous prétexte qu'ils sont comme cela et qu'il faut bien les prendre tels qu'ils sont.

      Donc, après avoir salué la comtesse de Claudieuse, après avoir serré la main du comte en lui promettant de promptes et sûres informations, ils sortirent.

      Faute d'aliments, l'incendie s'éteignait. Quelques heures avaient suffi pour anéantir le fruit de longues années de soins et de travaux incessants. De ce domaine charmant et tant envié du Valpinson, rien ne restait plus que des pans de murs calcinés et croulants, des amas de cendres noires et des monceaux de décombres d'où montaient encore des spirales de fumée.

      Grâce au capitaine Parenteau, tout ce qu'on avait pu arracher aux flammes avaitété transporté à une certaine distance et mis à l'abri vers les ruines du vieux château. là s'entassaient les meubles et les effets sauvés. là se voyaient les charrettes et les instruments d'agriculture, des harnais, des barriques vides, des sacs d'avoine ou de blé. làétaient attachés les bestiaux qu'onétait parvenu, au prix de mille dangers, à tirer de leursécuries: des chevaux, des bœufs, quelques moutons et une douzaine de vaches qui meuglaient lamentablement.

      Peu de gens s'étaientéloignés. Avec plus d'acharnement que jamais, les pompiers, aidés des paysans, continuaient à inonder les restes du bâtiment principal. Ils n'avaient rien à redouter du feu, mais ils conservaient le vague espoir de préserver d'une carbonisation complète les corps de Bolton et de Guillebault, ces deux infortunés qui avaient péri victimes de leur courage.

      – Quel fléau que le feu!… murmura M. Séneschal.

      Ni M. Daubigeon ni M. Galpin-Daveline ne répondirent. Eux aussi, même après tant d'émotions violentes, ils se sentaient le cœur serré par le sinistre spectacle qui s'offrait à leurs regards.

      C'est qu'un incendie n'est rien, sur le moment même, tant que dure la fièvre du péril et l'espoir du salut, tant que les flammeséclairent l'horizon de leurs rouges reflets! Le lendemain seulement, quand tout est fini, éteint, on mesure l'horreur du désastre.

      Mais les pompiers venaient d'apercevoir le maire de Sauveterre et ils le saluaient de leurs acclamations. Rapidement il se dirigea vers eux, et pour la première fois depuis que l'alarme avaitété donnée, le juge d'instruction et le procureur de la République se trouvèrent seuls.

      Ilsétaient debout, très rapprochés, et pendant un bon moment ils gardèrent le silence, chacun cherchant à surprendre dans les yeux de l'autre le secret de ses pensées.

      Enfin:

      – Eh bien?… demanda M. Daubigeon.

      M. Galpin-Daveline tressaillit.

      – C'est uneépouvantable affaire! murmura-t-il.

      – Quelle est votre opinion?

      – Eh! le sais-je moi-même!… J'ai la tête perdue, il me semble que je suis le jouet d'un infernal cauchemar!

      – Croiriez-vous donc à la culpabilité de monsieur de Boiscoran?

      – Je ne crois rien. Ma raison me crie qu'il est innocent, qu'il ne peut pas ne pas l'être, et cependant je vois s'élever contre lui des charges accablantes.

      Le procureur de la Républiqueétait consterné.

      – Hélas! murmura-t-il, pourquoi vousêtes-vous obstiné, envers et contre tous, à interroger Cocoleu, un malheureux idiot!…

      Mais le juge d'instruction se révolta.

      – Me reprocheriez-vous donc, monsieur, interrompit-il violemment, d'avoir obéi aux inspirations de ma conscience?

      – Je ne vous reproche rien.

      – Un crime abominable aété commis; tout ce quiétait humainement possible, mon devoir me commandait de le tenter pour en découvrir l'auteur.

      – Oui!… Et l'homme qu'on accuse est votre ami, et hier encore vous mettiez son amitié au nombre de vos meilleures chances d'avenir…

      – Monsieur!

      – Cela

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