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Le chasseur noir. Emile Chevalier
Читать онлайн.Название Le chasseur noir
Год выпуска 0
isbn
Автор произведения Emile Chevalier
Жанр Зарубежная классика
Издательство Public Domain
Le soleil allait se coucher. Les rayons de son disque de feu inondaient de lumière la petite cavalcade qui gravissait en silence le flanc de la montagne.
– Ah! la liberté, murmura le trappeur, c’est une fichue bonne chose, surtout quand il fait beau temps et que la nature a bonne mine. Mais voilà un pauvre diable qui s’est fourré dans une maudite petite difficulté! Ces vermines-là vont vous le mener à leur village et le brûler ni plus ni moins que si c’était un Hottentot. Il n’est pas avenant, ô Dieu, non! Il a un faux air de chien enragé qui ne me va pas, c’est vrai; mais je ne puis me faire à l’idée qu’il passera l’arme à gauche avant que son temps ne soit venu.
Un bruissement fit tourner la tête au chasseur qui se trouva face à face avec un jeune garçon de treize à quatorze ans arrivé près de lui sans qu’il s’en doutât.
Ce garçon était fort beau, et tous ses mouvements étaient empreints d’une grâce adorable.
Ses yeux grands et rêveurs impressionnaient singulièrement; son teint bruni, mais relevé sur les joues par une légère teinte rosée, disait qu’il était métis ou bois-brûlé pour nous servir de la locution indigène.
Des boucles de cheveux noirs comme le jais jouaient autour de son cou sur des épaules d’un galbe exquis. Un léger capot[7] de peau de daim, élégamment frangé avec des piquants de porc-épic et des verroteries emprisonnait sa taille svelte et faite au tour. Des manches de ce vêtement s’échappaient deux mains si mignonnes, si délicates que plus d’une grande dame les eût jalousées. Ses mitasses et ses mocassins étaient aussi en peau de daim, coquettement ouvragée en rassade[8].
Le seul défaut qu’on eût trouvé en lui, c’est qu’il était trop efféminé pour qu’on pût espérer le voir prendre un développement plus viril; toutefois, ce défaut inspirait plutôt un sentiment d’admiration que de mépris, car il y avait dans les yeux de ce bel enfant une flamme qui glaçait toute idée de dédain ou de pitié.
Un sourire folâtrait sur ses lèvres, quand le trappeur se tourna vers lui.
– Ah! c’est toi, Sébastien?
– Oui, c’est moi, Nicolas. Je vous ai vu glisser sur le versant pour observer quelque chose, et je suis venu. Montagnais[9], vous vous parliez à vous-même?
– Tu as de bons yeux et de bonnes oreilles, garçon, ô Dieu, oui! Mais, suis mon avis, et ne t’éloigne pas du camp.
– C’est que, voyez-vous, le camp est bien seul quand vous n’y êtes pas, répliqua Sébastien d’un ton de bouderie enfantine. Et je n’aime pas à vous perdre de vue, père Nicolas.
– Le camp, bien seul! bien seul, quand Infortune et Maraudeur y sont – une paire de bêtes aussi friandes de toi que d’une bosse de bison fraîche. Dieu te bénisse, garçon, quelle meilleure compagnie veux-tu? Eh! n’est-ce pas plaisir que de s’asseoir à la porte du camp et de voir l’Hérissé brouter l’herbe tendre, ou faire gigoter ses sabots en l’air quand il est de belle humeur?
Nous ferons remarquer en passant qu’Infortune et Maraudeur étaient deux honnêtes chiens – les fidèles amis et compagnons du trappeur – tandis que l’Hérissé était le nom d’un cheval favori, éprouvé par mille pérégrinations à travers les prairies.
– Ce sont sans doute d’excellentes créatures, répliqua l’adolescent, mais si bonnes qu’elles soient, elles ne valent pas le montagnais Nicolas, à qui je suis redevable…
– Ne parlons pas de ça, petiot; car, je te le répète, ça soulèvera une diablesse de maudite petite difficulté entre nous, si tu ne cesses de bavasser de dette de reconnaissance et d’un tas de bêtises pareilles! Crois-tu donc qu’un grossier trappeur comme moi ait jamais fait plus que son devoir? As-tu jamais vu un individu qui ait fait plus que son devoir? l’as-tu vu? l’as-tu jamais vu?
Le chasseur leva les yeux au ciel, soupira et accentua ces gestes de l’exclamation suivante:
– O Dieu, non!
– La bénédiction du Seigneur s’étende sur vous, mon vieux ami! s’écria le jeune, garçon, pressant tendrement les grosses mains calleuses du trappeur.
– Câlin, va! tu n’es qu’un câlin, et je t’appellerai ainsi tant que tu seras avec moi. Ça n’est pas bien à toi de m’appeler vieux. Est-ce que j’ai l’air d’un vieux, voyons? Non, je ne suis pas vieux, ni de corps, ni d’esprit, car le maître de la vie, en me donnant un brin d’intelligence a balancé le compte par un coeur plein d’espoir et de dispositions joyeuses. Je n’aime pas les soucis et ne les ai jamais engendrés, quoique dans ma famille il y eût des gars qui ne faisaient qu’enfanter des soucis et qui sont morts sans rien payer pour ça, ô Dieu, oui! votre serviteur! Mais vois… les chiens sont sur la trace, car voilà Maraudeur qui rencontre en haut du plateau et Infortune qui goûte une voie derrière lui. Va-t-en, Câlin; je te rejoindrai dans un moment.
– Mais vous, vous ne m’avez pas dit ce que vous voyiez?
– Quatre Peaux-rouges, avec un captif, un blanc, un franc-trappeur, je parierais. Il était presque aussi sale qu’un Indien, oui bien, je le jure! Mais le feu l’aura bientôt purifié, répliqua soucieusement Nicolas. Allons, allons, retourne avec les chiens, et je serai à toi dès que j’aurai donné un coup d’oeil à mes attrappes[10].
– Vos attrappes! fit Sébastien d’un accent incrédule; vos attrappes! vous allez donner un coup d’oeil à vos attrappes, père Nicolas! Non, non; vous allez suivre ce parti d’Indiens. Je le lis dans vos yeux; vous aurez pitié du prisonnier. Mais si vous étiez tué, si vous étiez tué, père Nicolas! ce serait un bien mauvais jour pour Sébastien Delaunay. Songez quelle terrible chose pour lui d’être laissé seul dans ces incommensurables solitudes!
– Tu oublies les chiens, mon cher enfant, dit Nicolas, avec un sourire bienveillant. Heureusement pour l’affection qu’ils te portent, ils ne t’ont pas entendu faire cette remarque. Maraudeur en eût mangé sa queue de dépit, et Infortune ne se fût jamais pardonné d’être née chienne. Éloigne-toi, je te prie. Tu ne voudrais pas me faire de la peine, n’est-ce point?
– Vous êtes brave, Nicolas, et vous ne pouvez voir une créature dans l’embarras, je le sais. Mais je crains que vous ne vous exposiez, que vous ne risquiez votre vie pour ce captif. Ne secouez pas la tête. J’en suis aussi sûr que si je vous voyais à l’oeuvre. J’irai avec vous.
– Pour quoi faire, bonté divine! gêner mes mouvements, me retarder; te mettre dans une méchante difficulté. Merci, garçon. Mais j’ai dit non et c’est non. Celui qui sent une piste doit aller vite; comme l’ombre il doit passer d’un point à un autre et aussi mollement que l’ombre.
– Je vous obéirai, dit tristement Sébastien. Mais promettez moi de faire bien attention et de ne pas me priver de mon unique protecteur.
– Je le promets. La témérité et l’imprudence seraient nuisibles. Je ne courrai aucun risque… si je puis. Je serai subtil comme le serpent, dangereux autant que possible. Appelle les chiens; qu’ils ne viennent pas avec moi!
Le jeune garçon partit avec répugnance et remonta lentement vers le plateau, tandis que Nicolas descendait rapidement à la vallée.
Le soleil éteignait ses feux à l’horizon et les brumes du crépuscule se traînaient déjà dans les gorges de la montagne. Le trappeur atteignit une piste fraîche. Il s’y arrêta un moment, inspecta sa carabine et son équipement, serra sa ceinture et reprit sa marche comme un homme qui a pris un grand parti. Ses allures fermes et sûres prouvaient que la contrée lui était familière.
– Je