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Poésies. Arthur Rimbaud
Читать онлайн.Название Poésies
Год выпуска 0
isbn
Автор произведения Arthur Rimbaud
Жанр Зарубежная классика
Издательство Public Domain
C’est que la voix des mers folles, immense râle,
Bisait ton sein d’enfant, trop humain et trop doux;
C’est qu’un matin d’avril, un beau cavalier pâle,
Un pauvre fou, s’assit muet à tes genoux!
Ciel! Amour! Liberté! Quel rêve, à pauvre Folle!
Tu te fondais à lui comme une neige au feu:
Tes grandes visions étranglaient ta parole
– Et l’Infini terrible effara ton œil bleu!
– Et le Poète dit qu’aux rayons des étoiles
Tu viens chercher la nuit, les fleurs que tu cueillis,
Et qu’il a vu sur l’eau, couchée en ses longs voiles,
La blanche Ophélia flotter comme un grand lys.
BAL DES PENDUS
Au gibet noir manchot aimable,
Dansent, dansent les paladins,
Les maigres paladins du diable,
Les squelettes de Saladins.
Messire Belzébuth tire par la cravate
Ses petits pantins noirs grimaçant sur le ciel,
Et, leur claquant au front un revers de savate,
Les fait danser danser aux sons d’un vieux Noël!
Et les pantins choqués enlacent leurs bras grêles:
Comme des orgues noirs, les poitrines à jour
Que serraient autrefois les gentes damoiselles,
Se heurtent longuement dans un hideux amour
Hurrah! Les gais danseurs, qui n’avez plus de panse!
On peut cabrioler les tréteaux sont si longs!
Hop! qu’on ne sache plus si c’est bataille ou danse!
Belzébuth enragé racle ses violons!
ô durs talons, jamais on n’use sa sandale!
Presque tous ont quitté la chemise de peau:
Le reste est peu gênant et se voit sans scandale.
Sur les crânes, la neige applique un blanc chapeau:
Le corbeau fait panache à ces têtes fêlées,
Un morceau de chair tremble à leur maigre menton:
On dirait, tournoyant dans les sombres mêlées,
Des preux, raides, heurtant armures de carton.
Hurrah! La bise siffle au grand bal des squelettes!
Le gibet noir mugit comme un orgue de fer!
Les loups vont répondant des forêts violettes:
À l’horizon, le ciel est d’un rouge d’enfer. .
Holà, secouez-moi ces capitans funèbres
Qui défilent, sournois, de leurs gros doigts cassés
Un chapelet d’amour sur leurs pâles vertèbres:
Ce n’est pas un moustier ici, les trépassés!
Oh! voilà qu’au milieu de la danse macabre
Bondit dans le ciel rouge un grand squelette fou
Emporté par l’élan, comme un cheval se cabre:
Et, se sentant encor la corde raide au cou,
Crispe ses petits doigts sur son fémur qui craque
Avec des cris pareils à des ricanements,
Et, comme un baladin rentre dans la baraque,
Rebondit dans le bal au chant des ossements.
Au gibet noir manchot aimable,
Dansent, dansent les paladins,
Les maigres paladins du diable,
Les squelettes de Saladins.
LE CHATIMENT DE TARTUFE
Tisonnant, tisonnant son cœur amoureux sous
Sa chaste robe noire, heureux, la main gantée,
Un jour qu’il s’en allait, effroyablement doux,
Jaune, bavant la foi de sa bouche édentée,
Un jour qu’il s’en allait, «Oremus,»
– un Méchant Le prit rudement par son oreille benoîte
Et lui jeta des mots affreux, en arrachant
Sa chaste robe noire autour de sa peau moite!
Châtiment!.. Ses habits étaient déboutonnés,
Et le long chapelet des péchés pardonnés
S’égrenant dans son cœur, Saint Tartufe était pâle!..
Donc, il se confessait, priait, avec un râle!
L’homme se contenta d’emporter ses rabats…
– Peuh! Tartufe était nu du haut jusques en bas!
LE FORGERON
Palais des Tuileries, vers le 10 août 1792
Le bras sur un marteau gigantesque, effrayant
D’ivresse et de grandeur, le front vaste, riant
Comme un clairon d’airain, avec toute sa bouche,
Et prenant ce gros-là dans son regard farouche,
Le Forgeron parlait à Louis Seize, un jour
Que le Peuple était là, se tordant tout autour,
Et sur les lambris d’or traînant sa veste sale.
Or le bon roi, debout sur son ventre, était pâle,
Pâle comme un vaincu qu’on prend pour le gibet,
Et, soumis comme un chien, jamais ne regimbait,
Car ce maraud de forge aux énormes épaules
Lui disait de vieux mots et des choses si drôles,
Que cela l’empoignait au front, comme cela!
«Or tu sais bien, Monsieur, nous chantions tra la la
Et nous piquions les bœufs vers les sillons des autres:
Le Chanoine au soleil filait des patenôtres
Sur des chapelets clairs grenés de pièces d’or
Le Seigneur, à cheval, passait, sonnant du cor
Et l’un avec la hart, l’autre avec la cravache
Nous fouaillaient. – Hébétés comme des yeux de vache,
Nos yeux ne pleuraient plus; nous allions, nous allions,
Et quand nous avions mis le pays en sillons,
Quand nous avions laissé dans cette terre noire
Un peu de notre chair. . , nous avions un pourboire:
On nous faisait flamber nos taudis dans la nuit;
Nos petits y faisaient un gâteau fort bien cuit.
… «Oh! je ne me plains pas. Je te dis mes bêtises,
C’est entre nous. J’admets que tu me contredises.
Or n’est-ce pas joyeux de voir au mois de juin
Dans les granges entrer des voitures de foin
Énormes? De sentir l’odeur de ce qui pousse,
Des vergers quand il