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L'étourdi. Molière Jean Baptiste Poquelin
Читать онлайн.Название L'étourdi
Год выпуска 0
isbn
Автор произведения Molière Jean Baptiste Poquelin
Жанр Зарубежная классика
Издательство Public Domain
Anselme
Etre mort de la sorte !
Mascarille
Il a certes, grand tort :
Je lui sais mauvais gré d’une telle incartade.
Anselme
N’avoir pas seulement le temps d’être malade !
Mascarille
Non, jamais homme n’eut si hâte de mourir.
Anselme
Et Lélie ?
Mascarille
Il se bat, et ne peut rien souffrir :
Il s’est fait en maints lieux contusion et bosse,
Et veut accompagner son papa dans la fosse :
Enfin, pour achever, l’excès de son transport
M’a fait en grande hâte ensevelir le mort,
De peur que cet objet, qui le rend hypocondre,
A faire un vilain coup ne me l’allât semondre[7].
Anselme
N’importe, tu devais attendre jusqu’au soir ;
Outre qu’encore un coup j’aurais voulu le voir,
Qui tôt ensevelit, bien souvent assassine ;
Et tel est cru défunt, qui n’en a que la mine.
Mascarille
Je vous le garantis trépassé comme il faut.
Au reste, pour venir au discours de tantôt,
Lélie (et l’action lui sera salutaire)
D’un bel enterrement veut régaler son père,
Et consoler un peu ce défunt de son sort,
Par le plaisir de voir faire honneur à sa mort.
Il hérite beaucoup ; mais comme en ses affaires
Il se trouve assez neuf et ne voit encor guères,
Que son bien la plupart n’est point en ces quartiers,
Ou que ce qu’il y tient consiste en des papiers,
Il voudrait vous prier, ensuite de l’instance
D’excuser de tantôt son trop de violence,
De lui prêter au moins pour ce dernier devoir…
Anselme
Tu me l’as déjà dit, et je m’en vais le voir.
Mascarille (seul.)
Jusques ici du moins tout va le mieux du monde.
Tâchons à ce progrès que le reste réponde ;
Et, de peur de trouver dans le port un écueil,
conduisons le vaisseau de la main et de l’oeil.
Scène IV
Anselme, Lélie, Mascarille.
Anselme
Sortons ; je ne saurais qu’avec douleur très forte
Le voir empaqueté de cette étrange sorte.
Las ! en si peu de temps ! Il vivait ce matin !
Mascarille
En peu de temps parfois on fait bien du chemin.
Lélie (pleurant.)
Ah !
Anselme
Mais quoi, cher Lélie ! enfin il était homme.
On n’a point pour la mort de dispense de Rome.
Lélie
Ah !
Anselme
Sans leur dire gare, elle abat les humains,
Et contre eux de tout temps a de mauvais desseins.
Lélie
Ah !
Anselme
Ce fier animal, pour toutes les prières,
Ne perdrait pas un coup de ses dents meurtrières ;
Tout le monde y passe.
Lélie
Ah !
Mascarille
Vous avez beau prêcher,
Ce deuil enraciné ne se peut arracher.
Anselme
Si malgré ces raisons, votre ennui persévère,
Mon cher Lélie, au moins faites qu’il se modère.
Lélie
Ah !
Mascarille
Il n’en fera rien, je connais son humeur.
Anselme
Au reste, sur l’avis de votre serviteur,
J’apporte ici l’argent qui vous est nécessaire
Pour faire célébrer les obsèques d’un père.
Lélie
Ah ! ah !
Mascarille
Comme à ce mot s’augmente sa douleur !
Il ne peut, sans mourir, songer à ce malheur.
Anselme
Je sais que vous verrez aux papiers du bonhomme
Que je suis débiteur d’une plus grande somme :
Mais quand par ces raisons je ne vous devrais rien,
Vous pourriez librement disposer de mon bien.
Tenez, je suis tout vôtre, et le ferai paraître.
Lélie (s’en allant.)
Ah !
Mascarille
Le grand déplaisir que sent monsieur mon maître !
Anselme
Mascarille, je crois qu’il serait à propos
Qu’il me fît de sa main un reçu de deux mots.
Mascarille
Ah !
Anselme
Des événements l’incertitude est grande.
Mascarille
Ah !
Anselme
Faisons-lui