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ce sac, quelle sottise !

      CYRANO.

      Mais quel geste !…

      LA DISTRIBUTRICE, toussant derrière son petit comptoir.

      Hum !…

      (Cyrano et Le Bret se retournent. Elle s’avance intimidée.)

      Monsieur… Vous savoir jeûner… le cœur me fend…

      (Montrant le buffet.)

      J’ai là tout ce qu’il faut…

      (Avec élan.)

      Prenez !

      CYRANO, se découvrant.

      Ma chère enfant,

      Encor que mon orgueil de Gascon m’interdise

      D’accepter de vos doigts la moindre friandise,

      J’ai trop peur qu’un refus ne vous soit un chagrin,

      Et j’accepterai donc…

      (Il va au buffet et choisit.)

      Oh ! peu de chose ! – un grain

      De ce raisin…

      (Elle veut lui donner la grappe, il cueille un grain.)

      Un seul !… ce verre d’eau…

      (Elle veut y verser du vin, il l’arrête.)

      limpide !

      – Et la moitié d’un macaron !

      (Il rend l’autre moitié.)

      LE BRET.

      Mais c’est stupide !

      LA DISTRIBUTRICE.

      Oh ! quelque chose encor !

      CYRANO.

      Oui. La main à baiser.

      (Il baise, comme la main d’une princesse, la main qu’elle lui tend.)

      LA DISTRIBUTRICE.

      Merci, monsieur.

      (Révérence.)

      Bonsoir.

      (Elle sort.)

      Scène V

      Cyrano, Le Bret, puis le portier.

      CYRANO, à Le Bret.

      Je t’écoute causer.

      (Il s’installe devant le buffet et rangeant devant lui le macaron.)

      Dîner !…

      (… le verre d’eau.)

      Boisson !…

      (… le grain de raisin.)

      Dessert !…

      (Il s’assied.)

      Là, je me mets à table !

      – Ah !… j’avais une faim, mon cher, épouvantable !

      (Mangeant.)

      – Tu disais ?

      LE BRET.

      Que ces fats aux grands airs belliqueux

      Te fausseront l’esprit si tu n’écoutes qu’eux !…

      Va consulter des gens de bon sens, et t’informe

      De l’effet qu’a produit ton algarade.

      CYRANO, achevant son macaron.

      Énorme.

      LE BRET.

      Le Cardinal…

      CYRANO, s’épanouissant.

      Il était là, le Cardinal ?

      LE BRET.

      A dû trouver cela…

      CYRANO.

      Mais très original.

      LE BRET.

      Pourtant…

      CYRANO.

      C’est un auteur. Il ne peut lui déplaire

      Que l’on vienne troubler la pièce d’un confrère.

      LE BRET.

      Tu te mets sur les bras, vraiment, trop d’ennemis !

      CYRANO, attaquant son grain de raisin.

      Combien puis-je, à peu près, ce soir, m’en être mis ?

      LE BRET.

      Quarante-huit. Sans compter les femmes.

      CYRANO.

      Voyons, compte !

      LE BRET.

      Montfleury, le bourgeois, de Guiche, le vicomte,

      Baro, l’Académie…

      CYRANO.

      Assez ! tu me ravis !

      LE BRET.

      Mais où te mènera la façon dont tu vis ?

      Quel système est le tien ?

      CYRANO.

      J’errais dans un méandre ;

      J’avais trop de partis, trop compliqués, à prendre ;

      J’ai pris…

      LE BRET.

      Lequel ?

      CYRANO.

      Mais le plus simple, de beaucoup.

      J’ai décidé d’être admirable, en tout, pour tout !

      LE BRET, haussant les épaules.

      Soit ! – Mais enfin, à moi, le motif de ta haine

      Pour Montfleury, le vrai, dis-le-moi !

      CYRANO, se levant.

      Ce Silène,

      Si ventru que son doigt n’atteint pas son nombril,

      Pour les femmes encor se croit un doux péril,

      Et leur fait, cependant qu’en jouant il bredouille,

      Des yeux de carpe avec ses gros yeux de grenouille !…

      Et je le hais depuis qu’il se permit, un soir,

      De poser son regard, sur celle… Oh ! j’ai cru voir

      Glisser sur une fleur une longue limace !

      LE BRET, stupéfait.

      Hein ?

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