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L'assassinat du Pont-rouge. Charles Barbara
Читать онлайн.Название L'assassinat du Pont-rouge
Год выпуска 0
isbn
Автор произведения Charles Barbara
Жанр Зарубежная классика
Издательство Public Domain
Tout en disant cela, Clément inclinait vers la terre un front chargé de rêveries funèbres, ce qui était au moins l'aveu d'une satisfaction bornée.
Quant aux faits qu'il venait d'égrener complaisamment, ils étaient appuyés de preuves si catégoriques, que l'authenticité n'en pouvait être mise en doute ; aussi, Max ne se préoccupait-il que de connaître le prix auquel Clément avait obtenu une aussi belle place et tant de travaux lucratifs par-dessus le marché. »
« Voilà où je t'attendais ! » s'écria tout à coup ce dernier en se levant. Il ferma son registre et le remit en place. À la vue du dîner qui était servi : « Mais, dit-il avec une inflexion de voix plus calme, mettons-nous à table, nous causerons tout aussi bien en mangeant. » Il ajouta d'un air profondément ironique : « D'ailleurs, m'est avis qu'il te faut des forces, en prévision des faiblesses que pourra te causer le récit de mes turpitudes préméditées, formellement voulues… »
Ils n'étaient pas assis depuis cinq minutes l'un devant l'autre et n'avaient pas mangé trois bouchées, que la vieille sourde entra à l'improviste.
Clément, qui lui avait fait comprendre qu'on n'avait plus besoin d'elle, la regarda avec colère.
« Qu'est-ce qu'il y a ? lui cria-t-il brutalement.
– Mme Rosalie vous demande, répondit la vieille femme.
– Ah ! fit Clément avec des marques d'impatience et de mauvaise humeur, cette diablesse de Rosalie est insupportable ; elle ne peut pas rester un moment seule, il faut toujours que je sois là. »
Cependant il s'excusa auprès de son ami et suivit la vieille Marguerite.
Destroy ne savait que penser de tout cela. Quoiqu'il n'eût sous les yeux que des objets capables d'égayer l'esprit, il n'en sentait pas moins des bouffées de tristesse l'oppresser, à peu près comme dans une étincelante et joyeuse cuisine, la fumée acre des viandes grillées vous prend à la gorge et vous étouffe.
Clément ne tarda pas à revenir.
« Maintenant, dit-il, nous ne serons plus dérangés ; je lui ai fait prendre un peu d'opium.
– Qu'avait-elle ? demanda Max.
– Est-ce que je sais ? fît Clément en haussant les épaules ; elle ne pouvait pas dormir, elle rêvait les yeux ouverts… Laissons cela, revenons à ce que je te disais… »
Chapitre 5. Ses confidences
Après avoir mangé quelque temps en silence, il poursuivit :
« Le titre seul de mes travaux te stupéfie, et tu te demandes ce que j'ai fait pour les avoir. Rien que de facile. Du moment où l'on se décide à ne reculer devant aucune énormité, on ne saurait manquer de réussir. Rappelle-toi en quelles circonstances j'avais accepté la place que j'occupais, il y a deux ans. Je sortais de maladie, j'étais exténué, affreux à voir. En plein hiver, par un froid rigoureux, outre que j'étais sans linge, j'avais un pantalon de toile, des souliers informes, un chapeau gris digne du reste. Pour avoir spéculé incessamment sur l'obligeance d'autrui, je ne trouvais plus que des gens impitoyables jusqu'à la férocité. D'ailleurs, les hommes sont comme les chiens, les haillons les offusquent : je n'inspirais pas moins de peur que de mépris. Il fallait bien, puisque je tenais encore à vivre, user de l'unique ressource que m'offrait le hasard. Mais la fureur me fouettait par instants, comme eût fait le supplice du knout ; sans balancer j'eusse à l'occasion commis un crime. Un dernier désastre acheva de m'exaspérer. Le patron chez lequel, depuis trois mois, moyennant soixante francs par mois et un logement infect, je balayais les bureaux et faisais les courses, disparut tout à coup. Il ne se bornait pas à dépouiller ses clients, à ruiner sa famille, il emportait jusqu'aux appointements de ses commis, jusqu'aux gages de ses domestiques. Le désespoir qui s'empara de Rosalie et de moi, à cette nouvelle, ne peut pas se rendre. Les soixante francs que nous volait cet homme représentait trente jours de notre vie. Nous ne nous étions certainement pas encore trouvés dans une position aussi effroyable. Il ne paraissait pas cette fois que nous pussions jamais sortir de cet abîme. Aussi, fatigués d'une lutte stérile, à bout de patience, passâmes-nous la nuit entière à mûrir sérieusement un projet de suicide. Le courage de mourir était de la faiblesse à côté de celui qui était nécessaire pour continuer de vivre ainsi, et, à coup sûr, nous eussions exécuté notre résolution, si, au matin, heureusement ou malheureusement, un souvenir ne m'avait subitement traversé l'esprit… »
Les propres paroles de Clément n'ajouteraient rien à l'intérêt de ce qu'il conta. Quelque six mois auparavant, en un jour où précisément il était habillé de neuf, il avait fait la connaissance d'un prêtre ; cela, du reste, bien à son insu. Par surprise, bien plus que par suite d'un goût naturel, car il n'aimait que médiocrement à boire, il s'était graduellement enivré dans une réunion de femmes et d'hommes. Accablé de chaleur, les nerfs agités, aux prises avec le besoin de respirer et d'agir, il se glissa furtivement dehors. Le grand air accrut son ivresse. Il faisait nuit. L'œil trouble, incapable de joindre deux idées, heurtant les passants et les murs, manquant à chaque pas de rouler à terre, il arriva, sans savoir comment, sur la place Saint-Sulpice, et, décidément trahi par ses forces, alla, d'oscillation en oscillation, s'affaisser aux pieds de la grille du séminaire. Il ne se souvenait pas de ce qui s'était passé depuis ce moment jusqu'à celui où il avait rouvert les yeux. Il s'était trouvé renversé sur une chaise, dans une salle nue ; quelqu'un rafraîchissait ses tempes avec de l'eau froide. À la lueur d'une lampe, il aperçut un prêtre, lequel lui demanda avec sollicitude :
« Eh bien ! monsieur, vous sentez-vous mieux actuellement ? »
Clément était stupéfait.
« Mais, comment est-ce que je me trouve ici ? s'écria-t-il.
– Comme je rentrais, répliqua l'ecclésiastique d'une voix pleine de sensibilité, vous gisiez à terre contre la porte, et je me suis permis de vous faire transporter en cet endroit pour vous y donner des soins. »
C'était bien le moins que Clément se montrât aimable envers un homme qui lui avait épargné l'ennui d'être ramassé dans la rue et probablement transporté dans un poste. Il répondit donc avec assez de politesse aux questions du prêtre sur la position qu'il occupait dans le monde. Il avoua qu'il était homme de lettres par nécessité ; puis, qu'il eût de préférence étudié les sciences naturelles, s'il lui eût été permis de suivre ses goûts. Il se trouvait que l'abbé s'était jadis occupé discrètement de physique et d'entomologie. De cette sympathie pour les mêmes choses dont ils parlèrent en courant, il résulta bientôt entre eux de l'aisance et une certaine intimité. Clément, avec une franchise qui frisait la brutalité, ne lui en déclara pas moins qu'il ne croyait à rien et qu'il était bien près de penser que la grande majorité des prêtres ne croyait pas à grand'chose. L'abbé ne sut que sourire à ces aveux. Il ne s'en cachait pas, Clément lui plaisait beaucoup, et il assurait qu'il serait très-heureux de le revoir.
« Il se peut, dit-il de l'air le plus riant, qu'au milieu de votre vie un peu aventureuse, vous ayez besoin, à un moment donné, d'un conseil, et, qui sait ? peut-être aussi d'une recommandation. Souvenez-vous alors que j'ai quelque crédit et venez mettre mon amitié à l'épreuve. »
Il dit encore :
« Tout en regrettant que votre belle