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Les Trois Mousquetaires / Три мушкетера. Александр Дюма
Читать онлайн.Название Les Trois Mousquetaires / Три мушкетера
Год выпуска 1844
isbn 978-5-9925-1601-2
Автор произведения Александр Дюма
Серия Littérature classique (Каро)
Издательство КАРО
– Mal, monsieur, mal », répondit une voix que le jeune homme reconnut pour celle de Planchet ; car tout en monologuant tout haut, à la manière des gens très préoccupés, il s’était engagé dans l’allée au fond de laquelle était l’escalier qui conduisait à sa chambre.
« Comment, mal ? que veux-tu dire, imbécile ? demanda d’Artagnan, qu’est-il donc arrivé ?
– Toutes sortes de malheurs.
– Lesquels ?
– D’abord M. Athos est arrêté.
– Arrêté ! Athos ! arrêté ! pourquoi ?
– On l’a trouvé chez vous ; on l’a pris pour vous.
– Et par qui a-t-il été arrêté ?
– Par la garde qu’ont été chercher les hommes noirs que vous avez mis en fuite.
– Pourquoi ne s’est-il pas nommé ? pourquoi n’a-t-il pas dit qu’il était étranger à cette affaire ?
– Il s’en est bien gardé, monsieur ; il s’est au contraire approché de moi et m’a dit : « C’est ton maître qui a besoin de sa liberté en ce moment, et non pas moi, puisqu’il sait tout et que je ne sais rien. On le croira arrêté, et cela lui donnera du temps ; dans trois jours je dirai qui je suis, et il faudra bien qu’on me fasse sortir. »
– Bravo, Athos ! noble coeur, murmura d’Artagnan, je le reconnais bien là ! Et qu’ont fait les sbires ?
– Quatre l’ont emmené je ne sais où, à la Bastille ou au For- l’Évêque ; deux sont restés avec les hommes noirs, qui ont fouillé partout et qui ont pris tous les papiers. Enfin les deux derniers, pendant cette expédition, montaient la garde à la porte ; puis, quand tout a été fini, ils sont partis, laissant la maison vide et tout ouvert.
– Et Porthos et Aramis ?
– Je ne les avais pas trouvés, ils ne sont pas venus.
– Mais ils peuvent venir d’un moment à l’autre, car tu leur as fait dire que je les attendais ?
– Oui, monsieur.
– Eh bien, ne bouge pas d’ici ; s’ils viennent, préviens-les de ce qui m’est arrivé, qu’ils m’attendent au cabaret de la Pomme de Pin ; ici il y aurait danger, la maison peut être espionnée. Je cours chez M. de Tréville pour lui annoncer tout cela, et je les y rejoins.
– C’est bien, monsieur, dit Planchet.
– Mais tu resteras, tu n’auras pas peur ! dit d’Artagnan en revenant sur ses pas pour recommander le courage à son laquais.
– Soyez tranquille, monsieur, dit Planchet, vous ne me connaissez pas encore ; je suis brave quand je m’y mets, allez ; c’est le tout de m’y mettre ; d’ailleurs je suis Picard.
– Alors, c’est convenu, dit d’Artagnan, tu te fais tuer plutôt que de quitter ton poste.
– Oui, monsieur, et il n’y a rien que je ne fasse pour prouver à monsieur que je lui suis attaché. »
« Bon, dit en lui-même d’Artagnan, il paraît que la méthode que j’ai employée à l’égard de ce garçon est décidément la bonne : j’en userai dans l’occasion. »
Et de toute la vitesse de ses jambes, déjà quelque peu fatiguées cependant par les courses de la journée, d’Artagnan se dirigea vers la rue du Colombier.
M. de Tréville n’était point à son hôtel ; sa compagnie était de garde au Louvre ; il était au Louvre avec sa compagnie.
Il fallait arriver jusqu’à M. de Tréville ; il était important qu’il fût prévenu de ce qui se passait. D’Artagnan résolut d’essayer d’entrer au Louvre. Son costume de garde dans la compagnie de M. des Essarts lui devait être un passeport.
Il descendit donc la rue des Petits-Augustins, et remonta le quai pour prendre le Pont-Neuf. Il avait eu un instant l’idée de passer le bac ; mais en arrivant au bord de l’eau, il avait machinalement introduit sa main dans sa poche et s’était aperçu qu’il n’avait pas de quoi payer le passeur.
Comme il arrivait à la hauteur de la rue Guénégaud, il vit déboucher de la rue Dauphine un groupe composé de deux personnes et dont l’allure le frappa.
Les deux personnes qui composaient le groupe étaient : l’un, un homme ; l’autre, une femme.
La femme avait la tournure de Mme Bonacieux, et l’homme ressemblait à s’y méprendre à Aramis.
En outre, la femme avait cette mante noire que d’Artagnan voyait encore se dessiner sur le volet de la rue de Vaugirard et sur la porte de la rue de La Harpe.
De plus, l’homme portait l’uniforme des mousquetaires.
Le capuchon de la femme était rabattu, l’homme tenait son mouchoir sur son visage ; tous deux, cette double précaution l’indiquait, tous deux avaient donc intérêt à n’être point reconnus.
Ils prirent le pont : c’était le chemin de d’Artagnan, puisque d’Artagnan se rendait au Louvre ; d’Artagnan les suivit.
D’Artagnan n’avait pas fait vingt pas, qu’il fut convaincu que cette femme, c’était Mme Bonacieux, et que cet homme, c’était Aramis.
Il sentit à l’instant même tous les soupçons de la jalousie qui s’agitaient dans son coeur.
Il était doublement trahi et par son ami et par celle qu’il aimait déjà comme une maîtresse. Mme Bonacieux lui avait juré ses grands dieux qu’elle ne connaissait pas Aramis, et un quart d’heure après qu’elle lui avait fait ce serment, il la retrouvait au bras d’Aramis.
D’Artagnan ne réfléchit pas seulement qu’il connaissait la jolie mercière depuis trois heures seulement, qu’elle ne lui devait rien qu’un peu de reconnaissance pour l’avoir délivrée des hommes noirs qui voulaient l’enlever, et qu’elle ne lui avait rien promis. Il se regarda comme un amant outragé, trahi, bafoué ; le sang et la colère lui montèrent au visage, il résolut de tout éclaircir.
La jeune femme et le jeune homme s’étaient aperçus qu’ils étaient suivis, et ils avaient doublé le pas. D’Artagnan prit sa course, les dépassa, puis revint sur eux au moment où ils se trouvaient devant la Samaritaine, éclairée par un réverbère qui projetait sa lueur sur toute cette partie du pont.
D’Artagnan s’arrêta devant eux, et ils s’arrêtèrent devant lui.
« Que voulez-vous, monsieur ? demanda le mousquetaire en reculant d’un pas et avec un accent étranger qui prouvait à d’Artagnan qu’il s’était trompé dans une partie de ses conjectures.
– Ce n’est pas Aramis ! s’écria-t-il.
– Non, monsieur, ce n’est point Aramis, et à votre exclamation je vois que vous m’avez pris pour un autre, et je vous pardonne.
– Vous me pardonnez ! s’écria d’Artagnan.
– Oui, répondit l’inconnu. Laissez-moi donc passer, puisque ce n’est pas à moi que vous avez affaire.
– Vous avez raison, monsieur, dit d’Artagnan, ce n’est pas à vous que j’ai affaire, c’est à madame.
– À madame ! vous ne la connaissez pas, dit l’étranger.
– Vous vous trompez, monsieur, je la connais.
– Ah ! fit Mme Bonacieux d’un ton de reproche, ah monsieur ! j’avais votre parole de militaire et votre foi de gentilhomme ; j’espérais pouvoir compter dessus.
– Et moi, madame, dit d’Artagnan embarrassé, vous m’aviez promis…
– Prenez mon bras, madame, dit l’étranger, et continuons notre chemin. »
Cependant d’Artagnan,