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cette même question, en vous laissant maître de la résoudre à votre guise.

      —Oh! dans ce cas...

      —Chut!... voici venir votre première épreuve. Si vous n'êtes pas l'homme fort que j'ai cru, bonsoir. Tenez ferme!... Une cheminée va vous tomber sur la tête.

      Les expressions étaient triviales, mais le ton était si expressif que Paul, effrayé, entrevit les plus fantastiques dangers et rassembla toute son énergie.

      Bien lui en prit, car il put étouffer le cri de surprise et de colère que devait lui arracher la vue de la femme qui entrait.

      La vicomtesse, la Zora du jeune M. de Gandelu, c'était sa Rose, à lui, dans une toilette qui, pour avoir été achetée toute faite, n'en était pas moins étourdissante.

      Évidemment, elle avait de belles dispositions, et, conseillée par l'intelligent Gaston, elle devait aller loin... Et la preuve, c'est qu'elle avait sur le nez un binocle qu'elle maintenait à grand'peine, et qui paraissait la gêner énormément.

      Elle était intimidée pourtant, et M. de Gandelu, la traînait presque.

      —Auriez-vous peur; lui disait-il. Je la trouverais drôle?... Arrivez donc, puisque je vous affirme qu'il va chasser ses domestiques.

      Zora-Rose installée dans un fauteuil, le séduisant jeune homme se retourna vers le célèbre fournisseur des cours du Nord.

      —Eh bien! lui demanda-t-il, avez-vous pensé à nous? Avez-vous cherché et composé la toilette qui convient à la beauté de madame?

      Van Klopen ne répondit pas. Il avait les sourcils froncés, le visage contracté du devin qui, assis sur le trépied, attend l'inspiration.

      —J'y suis!... s'écria-t-il enfin avec un geste grandiose, j'y suis, j'ai trouvé, je vois!

      —Hein!... fit Gaston influencé, quel homme!

      —Écoutez, poursuivit le couturier, l'œil brillant de l'enthousiasme des grands inventeurs. Costume de ville d'abord: polonaise à corsage large, cordelières croisées à la pensionnaire; corsage, manches et sous-jupe d'un marron vigoureux; jupe de dessus «cheveux de la reine», avec échancrures ovoïdes; robe bouffante relevée en coquilles.

      Il eût pu parler longtemps ainsi, Zora-Rose ne l'entendait plus.

      Elle venait d'apercevoir Paul, et, en dépit de son audace nouvelle, sa terreur était si grande qu'elle était près de se trouver mal.

      Qu'allait-il advenir de cette inexplicable rencontre?

      Comment Paul pouvait-il rester calme en apparence, se contenir, lorsqu'elle lisait dans ses yeux les plus épouvantables menaces?

      Son malaise devenait si manifeste, qu'à la fin le jeune M. de Gandelu la remarqua.

      Mais ne connaissant pas Paul, qu'il avait à peine aperçu en entrant, doué d'une perspicacité un peu bornée, il se méprit complètement aux causes du trouble affreux de Rose-Zora.

      —Arrêtez! cria-t-il à Van Klopen, arrêtez! arrêtez!... Voyez l'effet de la joie! Je connais cela, moi. Dix louis qu'elle va avoir une crise de nerfs! Ah! mais non, il n'en faut pas!...

      Durant cette scène, B. Mascarot n'avait pas perdu son protégé de vue. Le jugeant près d'éclater, il pensa que prolonger l'épreuve serait à la fois absurde et imprudent.

      —Je vous laisse, cria-t-il à Van Klopen; n'oubliez pas nos conventions. Monsieur et madame, mes respects.

      Sachant comment se retirer sans traverser le salon, il prit le bras de Paul et l'entraîna. Il était temps.

      Lorsqu'ils furent sur l'escalier, délivrés des empressements des chasseurs de l'antichambre, alors seulement l'honorable placeur respira.

      —Que pensez-vous de l'aventure? demanda-t-il.

      Si pénible avait été la contrainte que Paul s'était imposée, la rage de l'amour-propre offensé serrait si bien ses dents, qu'il lui fut impossible de répondre autrement que par un gémissement sourd.

      —Diable!... pensa l'honnête directeur de l'agence de la rue Montorgueil, il a été rudement touché. Peu importe, il s'est assez bien tenu et le grand air va le remettre.

      Point. Arrivé dans la rue, Paul eût été contraint de s'arrêter, tant ses jambes flageolaient, s'il n'eût eu un point d'appui.

      Son digne protecteur ne pouvait le traîner en cet état, aussi eut-il un soupir de satisfaction en apercevant un petit café à sa convenance.

      —Entrons ici, dit-il, vous prendrez quelque chose, et cela vous remontera le moral.

      Ils allèrent s'établir dans une étroite salle où ils étaient seuls, et au bout de dix minutes, après avoir bu deux verres de rhum, Paul reprit figure humaine, le sang remontait à ses joues.

      —Cela va mieux? demanda le placeur.

      —Oui.

      Il faut battre le fer pendant qu'il est chaud. Quand B. Mascarot a étourdi son homme, il l'achève sans lui laisser le loisir de respirer.

      Il y a un quart-d'heure, reprit-il, je vous ai promis de vous rappeler vos bonnes dispositions au sujet de M. de Gandelu...

      —Assez, interrompit violemment Paul, assez!...

      Le digne placeur eut un paternel sourire.

      —Voyez pourtant, fit-il, comme, selon la position, les points de vue changent. Voici que vous commencez à devenir raisonnable.

      —Oui, je suis raisonnable, c'est-à-dire que je veux être riche, moi aussi... Ah! vous n'aurez plus à me presser. C'est moi qui vous sommerai de réaliser vos promesses. Je ne veux plus avoir à subir une humiliation comme celle d'aujourd'hui.

      B. Mascarot eut un haussement d'épaules que son protégé ne vit pas.

      —Vous êtes en colère? fit-il.

      —La colère passera, mes dispositions resteront les mêmes.

      Maintenant que Paul s'avançait, le placeur battait en retraite. C'est la tactique indiquée.

      —Ne vous engagez pas sans réfléchir, dit-il. En ce moment, vous êtes encore votre maître; demain, si vous vous abandonnez à moi, il vous faudra abdiquer votre libre arbitre.

      —J'irai jusqu'au bout.

      Le placeur triomphait enfin.

      —C'est bien!... fit-il froidement. Le docteur Hortebize vous présentera chez M. Martin-Rigal, le père de Mlle Flavie, et moi, huit jours après le mariage, je vous donnerai une couronne de duc à faire peindre sur vos équipages.

       Table des matières

      Lorsqu'elle avait annoncé à André qu'elle s'en remettrait à la loyauté de M. de Breulh-Faverlay, Mlle de Mussidan avait consulté les intérêts de son amour bien plus que ses forces.

      Elle dut le reconnaître lorsque seule, en face d'elle-même, elle se demanda comment tenir sa promesse.

      Tout son être se révoltait à cette idée qu'elle allait être forcée de demander un rendez-vous à un homme, et qu'il faudrait le laisser lire jusqu'au fond de son âme.

      Un étranger l'eût moins épouvantée que M. de Breulh.

      Il lui paraissait, et c'était juste, que par ce seul fait qu'il avait recherché sa main, c'est-à-dire désiré sa personne, il avait acquis des droits sur sa pensée même.

      Debout près de la cheminée, elle s'appuyait 
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