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il se tourne progressivement vers des sédatifs puissants qu’il mêle à l’alcool pour se calmer et être en état de se rendre à son travail. Vient un jour où il est incapable de continuer et il reste chez lui et s’enivre de nouveau. Peut-être ira-t-il voir le médecin qui lui donnera de la morphine ou un autre calmant pour qu’il se remette. Puis, c’est le début des visites à l’hôpital ou à la clinique.

      Ce portrait que nous venons de brosser du véritable alcoolique est loin d’être complet ; les comportements varient d’un sujet à un autre. Cependant, il en présente une description générale.

      Pourquoi se conduit-il ainsi ? Si des centaines d’expériences lui ont prouvé qu’un seul verre peut déclencher la débâcle avec toute la souffrance et l’humiliation qu’elle entraîne, pourquoi le prend-il ? Pourquoi ne peut-il pas s’abstenir de boire ? Qu’est-il advenu du bon sens et de la volonté qu’il montre parfois encore dans d’autres domaines ?

      Peut-être n’y aura-t-il jamais de réponse définitive à ces questions. Les opinions sont grandement partagées quant aux facteurs qui expliquent pourquoi l’alcoolique réagit différemment des gens normaux. On ne peut encore expliquer pourquoi, passé un certain stade, il n’y a presque rien que l’on puisse faire pour lui. Cela demeure une énigme.

      Nous savons que l’alcoolique qui s’abstient de boire – et cette abstinence peut durer des mois, voire des années – a un comportement semblable à celui d’un homme normal. Nous sommes aussi certains que s’il touche de nouveau à l’alcool, il se produit un phénomène physique et mental qui le rend virtuellement incapable de s’arrêter. Tous les alcooliques qui ont fait cette expérience ne pourront que la confirmer.

      Les observations précédentes resteraient vaines et purement théoriques si notre homme ne prenait jamais ce premier verre qui déclenche le cycle infernal. Cela nous amène à croire que le problème est d’ordre psychique plutôt que physique. Si on lui demande pourquoi il a commencé à prendre cette dernière cuite, il est probable qu’il donnera toutes sortes d’excuses. Bien que certains arguments et justifications puissent être plausibles, aucun ne fait le poids devant les ravages d’une cuite. Les raisons invoquées par l’alcoolique s’apparentent à celles de l’homme qui se frapperait le crâne à coups de marteau pour ne pas sentir son mal de tête. Si vous faites observer à un alcoolique l’absurdité de son raisonnement, ou il s’en moquera, ou il s’en irritera et refusera de parler.

      Parfois, l’alcoolique répondra franchement ; cependant, si étrange que cela puisse sembler, il ne sait pas plus que vous ce qui l’a poussé à prendre ce premier verre. Certains buveurs ont des excuses dont ils sont assez contents, mais au fond d’eux-mêmes, ils ne savent pas pourquoi ils agissent de la sorte. Une fois qu’ils sont dominés par ce mal, ils deviennent confus. D’une part, ils sont obsédés par l’idée qu’un jour ils réussiront à s’en sortir et d’autre part, ils se doutent bien que la partie est perdue.

      Peu de gens sont capables de mesurer à quel point cela est vrai. La famille et les amis de l’alcoolique sentent vaguement que celui-ci est anormal, mais chacun attend le jour où il sortira de sa léthargie et retrouvera sa force de volonté.

      La vérité tragique est que s’il s’agit d’un véritable alcoolique, ce jour peut ne jamais arriver. Il a perdu tout contrôle. Tout alcoolique atteint le stade où même la plus grande volonté de cesser de boire n’est plus d’aucun secours. Dans presque tous les cas, ce moment tragique survient bien avant qu’on ne l’ait soupçonné.

      Nous sommes forcés de reconnaître que la plupart d’entre nous, alcooliques, pour une raison inconnue, avons perdu notre liberté de choix devant l’alcool ; notre prétendue volonté n’existe à peu près plus. Parfois, nous sommes incapables de nous rappeler suffisamment les souffrances et les humiliations subies un mois ou même une semaine plus tôt. Nous sommes sans défense devant le premier verre.

      Les conséquences presque certaines qu’un seul verre de bière va entraîner ne nous viennent pas à l’idée afin de nous en dissuader. Si ces pensées nous arrivent, elles sont floues et vite chassées par cette idée tenace que cette fois, nous allons nous comporter comme les autres. Nos mécanismes de défense sont totalement mis en échec, comme celui qui nous retient de mettre la main sur un poêle brûlant.

      « Cette fois, je ne me brûlerai pas, et voici comment je vais m’y prendre ! » se convainc l’alcoolique, le plus naturellement du monde. Parfois, aussi, il ne réfléchit pas du tout. Combien de fois, après un premier verre pris distraitement, ne nous sommes-nous pas demandé, au troisième ou au quatrième : « Pour l’amour de Dieu, comment ai-je bien pu recommencer ? » Puis, nous nous sommes tout de suite dit : « J’arrêterai après le sixième » ou encore, « De toute façon, à quoi bon essayer ? »

      Lorsque cette manière de penser s’est bien installée dans l’esprit du buveur alcoolique, tout secours humain est déjà probablement devenu inutile et le malade en mourra ou perdra totalement la raison, à moins qu’il ne soit enfermé avant. Ces faits choquants et brutaux ont été confirmés par une foule d’alcooliques au cours de l’histoire. Cependant, n’eût été la grâce de Dieu, nous compterions des milliers d’autres exemples de ce genre. Il y a tant de buveurs qui veulent arrêter de boire, mais qui ne le peuvent pas.

      Il y a une solution. La plupart d’entre nous n’aimions pas l’idée de faire notre inventaire, de marcher sur notre amour-propre, d’admettre nos défauts, toutes choses nécessaires pour que le processus de rétablissement réussisse pleinement. Cependant, nous avons vu que cela avait réellement marché pour d’autres et nous en étions venus à croire que la vie, telle que nous la vivions, était futile et sans espoir. C’est pourquoi, lorsque nous avons été abordés par ceux qui avaient réglé leur problème d’alcool, il ne nous restait rien d’autre à faire que de prendre le simple coffre d’outils spirituel qui nous était offert. Nous avons découvert un coin du paradis et nous avons été propulsés dans une quatrième dimension de l’existence que jamais nous n’aurions pu imaginer.

      C’est un fait évident, et rien de moins : nous avons fait une expérience spirituelle4 profonde et réelle, qui a complètement transformé notre attitude devant la vie, envers les autres ainsi qu’envers Dieu et son univers. Notre vie est maintenant centrée sur la certitude absolue que le Créateur est entré dans nos cœurs et dans nos vies par miracle. Il a commencé à faire pour nous des choses que nous n’aurions jamais pu réussir par nous-mêmes.

      Si vous êtes un alcoolique aussi gravement atteint que nous l’étions, nous croyons qu’il n’y a pas de demi-mesure si vous voulez régler votre problème. Nous en étions au point où la vie devenait impossible à vivre et si nous étions parvenus au stade où toute aide humaine est inutile, il ne nous restait que deux solutions : continuer jusqu’au bout en faisant taire, du mieux que nous aurions pu, la conscience que nous avions de notre intolérable situation ou accepter une aide spirituelle. Nous avons choisi la deuxième solution parce que nous désirions sincèrement nous rétablir et que nous étions prêts à fournir les efforts nécessaires.

      Voici l’histoire d’un homme d’affaires américain qui, bien que connu pour son talent, son jugement et sa forte personnalité, errait d’une clinique à l’autre. Après avoir consulté les plus grands psychiatres des États-Unis, il était allé en Europe pour rencontrer un médecin réputé, (le Dr Jung, psychiatre) qui l’a traité. Bien que les expériences passées de cet homme d’affaires l’ait rendu sceptique, il montrait une confiance peu commune à la fin du traitement. Sa forme physique et mentale était exceptionnellement bonne. Surtout, croyait-il, il avait acquis une telle connaissance des mécanismes de son esprit et de ses moindres ressorts qu’il était impensable qu’il puisse rechuter. Néanmoins, peu de temps après, il était de nouveau ivre. Le plus déconcertant était qu’il ne trouvait aucune explication satisfaisante à sa rechute.

      Il est retourné voir le célèbre médecin qu’il admirait grandement, et il lui a demandé de but en blanc de lui dire clairement pourquoi il ne pouvait pas se rétablir. Il désirait par-dessus tout redevenir maître

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