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de la chevalerie, fait dire à un cabaretier:

      «Est-ce qu'il y a une meilleure lecture au monde? J'ai lu deux ou trois de ces livres, et je puis bien assurer qu'ils m'ont donné la vie; et non-seulement à moi, mais encore à beaucoup d'autres. Car, dans la saison des blés, il vient ici quantité de moissonneurs, les jours de fête, et comme il s'en trouve toujours quelqu'un qui sait lire, nous nous mettons vingt ou trente autour de lui; et nous nous amusons si bien, qu'il ne peut finir de lire, ni nous de l'entendre. Il ne faut point que je mente: quand j'entends parler de ces terribles coups que donnent les chevaliers errants, je meurs d'envie d'aller chercher les aventures, et je ne m'ennuierais pas d'entendre lire les jours et les nuits.»

      Ce cabaretier-là ne dit rien qui ne soit l'exacte vérité. Et je citerais tel vigneron des vignes de la Franche-Comté qui n'a qu'un livre pour toute bibliothèque, les Aventures des quatre fils Aymon. Ce livre est même le seul volume du village. Au printemps, l'herbe pousse, le soleil luit dans l'herbe, les fleurs sourient au soleil; cela va bien, on est aux champs; l'été, la vigne fleurit et porte fruit; en automne, c'est la vendange et la pressée. Mais l'hiver, dans les longues veillées, là où il n'y a ni chanvreurs, habiles à dire des histoires, comme dans le Berri, ni colporteurs de passage, le vigneron prend son livre dans la huche; il le lit tout entier; lu, il le recommence, et il le relit tous les hivers. Le village entier assiste à ses lectures. Je vous assure que dans vingt ans, si le volume n'est pas trop déchiré, on le lira encore, sans ennui, avec une joie toujours aussi vive.

      Paul Boiteau.

       1857, au printemps.

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      Les moines du moyen âge, dans le silence de leurs couvents, ont recueilli la plupart des vieilles légendes et des vieilles chansons qui, avant eux et jusqu'à eux, rappelaient le souvenir des anciens personnages célèbres de cette Gaule franque qui devait devenir la France. Ces légendes et ces chansons, altérées par le temps comme une monnaie par l'usage, ne laissaient guère deviner que quelques-uns des traits de ces rois, de ces guerriers, de ces évêques d'autrefois; mais les moines qui, en ce temps-là, ne savaient pas ce que c'est que la critique, acceptaient cela pour de l'histoire. Ainsi ont été écrites les Grandes chroniques de Saint-Denis; ainsi ont été composées les Gesta Dagoberti ou les Faits et gestes de Dagobert, qui sont les deux principales sources de la présente légende.

      Les moines que Dagobert a protégés et enrichis (ceux de Saint-Denis particulièrement), lui ont gardé quelque reconnaissance. Ils ont eu soin de ne pas le traiter plus mal que les chansons ne le traitaient; ils ont même ajouté quelque chose à ces chansons. Par exemple, les miracles qui ont une couleur religieuse et que nous n'avons pas dû négliger.

      Nous nous en sommes donc tenu, à peu de chose près, au texte des deux ouvrages que nous indiquions tout à l'heure. Si nous avons emprunté un ou deux traits ailleurs, ç'a été pour que le tableau des moeurs du temps, même en une fable historique, eût une couleur plus marquée.

      Il eût été facile de se laisser entraîner, si on eût voulu, à propos de saint Éloi ou de saint Ouen, à analyser et à fondre en un même récit toutes les historiettes que les écrivains religieux ont de tout temps composées en leur honneur. C'est par douzaines que se comptent les biographies, latines ou françaises, de ces bienheureux évêques. Nous n'avons pas été séduit par le luxe des merveilleuses actions qui s'y trouvent décrites et nous en avons cru l'exposition trop monotone. On remarquera peut-être dans ce récit un épisode ingénieux dont l'idée première ne nous appartient pas et qui a été mis en scène par un maître en l'art de conter (Alexandre Dumas: Impressions de voyage en Suisse): nous aurions bien voulu lui prendre aussi son style et nous lui offrons ici nos remercîments pour la gracieuse façon qu'il a de permettre aux gens d'entrer dans son pré.

      Peut-être doutera-t-on de l'authenticité de quelques-uns des événements que nous disons puisés dans des vieilles chroniques? Nous ne nous opposons pas à ce qu'on en doute, et nous demandons seulement qu'on ait quelque indulgence pour une légende qui est écrite ici pour la première fois.

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      La chanson du bon roi Dagobert et du grand saint Éloi.

      Tout le monde connaît la chanson du bon roi Dagobert et du grand saint Éloi. Cette chanson rappelle le souvenir d'un roi qui fut un chasseur sans pareil et d'un grand saint qui a fait quelques actions mémorables; il n'y a pas en France d'ancien roi et de saint plus populaires. Le bon roi Dagobert est l'ami des petits enfants, et le grand saint Éloi voit briller son image sur l'enseigne de tôle de tous les maréchaux ferrants des campagnes.

      Lorsque le cor de chasse, au fond des bois, entonne l'air joyeux de la chanson, l'imagination se met bien vite en train. Tous les couplets défilent, l'un après l'autre, comme une procession de mascarade. On croit voir le bon roi Dagobert et le grand saint Éloi qui se promènent familièrement; on sourit à l'aspect de la culotte du monarque; on aperçoit bientôt son bel habit vert percé au coude, ses bas qui laissent voir les mollets, sa barbe mal faite, sa perruque ébouriffée, son manteau court, son chapeau mis de travers; on suit le roi lorsqu'il va chasser «dans la plaine d'Anvers» et qu'un lapin lui fait peur; lorsqu'il demande un grand sabre de bois à la place de son grand sabre de fer; lorsqu'il envoie au lavoir ses chiens galeux, et en bien d'autres circonstances que la chanson aurait pu laisser de côté. Mais ces images singulières ne sont pas tout à fait d'accord avec la vérité. Ce bon roi Dagobert, si étourdi, si peu soigneux de sa personne, mangeur si avide, buveur si infatigable, chasseur si effarouché, guerrier si timide, si pacifique ami de saint Éloi, si prompt à la riposte enjouée, ce Dagobert-là ne ressemble guère au véritable Dagobert Ier, fils du cruel Chlother II, petit-fils de la cruelle Frédégonde, roi des Franks de Neustrie, d'Austrasie, de Bourgogne et d'Aquitaine.

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