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La Saga de Njal. Anonyme
Читать онлайн.Название La Saga de Njal
Год выпуска 0
isbn 4064066085384
Автор произведения Anonyme
Жанр Языкознание
Издательство Bookwire
VIII
Hrut revint chez lui. Il fronça le sourcil très fort quand il sut que sa femme était partie. Il se tint pourtant tranquille et resta chez lui tout l'hiver, sans parler de son affaire à personne.
L'été suivant, il partit pour l'Alting et son frère Höskuld avec lui. Ils avaient beaucoup de monde. En arrivant, il demanda si Mörd Gigja était au ting. On lui dit qu'il y était. Chacun crut qu'ils allaient parler de leur affaire; mais il n'en fut rien.
Un jour, comme les gens étaient venus au tertre de la loi, Mörd prit des témoins, et déclara qu'il réclamait à Hrut le bien de sa fille; et il évaluait ce bien à quatre-vingt-dix cents; il déclara qu'il sommait Hrut d'avoir à lui payer cette somme, sous peine d'une amende de trois marks; il déclara qu'il appelait l'affaire devant le tribunal de district qui devait en connaître selon la loi; et il finit en disant: «Ceci est ma déclaration légale, faite de manière que chacun puisse l'entendre, au tertre de la loi.»
Quand il eut cessé de parler, Hrut répondit: «Tu poursuis cette affaire, qui est celle de ta fille, par avarice et par chicane, tu n'y mets ni bon vouloir, ni aucun sentiment d'amitié. Mais je ne te laisserai pas sans réponse, car ces biens qui sont en ma possession, tu ne les a pas encore entre tes mains. Ma réponse est celle-ci, et j'en prends à témoins tous ceux qui sont au tertre de la loi, et qui peuvent nous entendre: je te défie en combat singulier dans l'île. La dot toute entière sera l'enjeu, j'y ajouterai des biens d'une valeur égale, et celui qui sera le vainqueur aura l'une et l'autre part. Mais si tu ne veux pas combattre contre moi, alors tu perdras tout droit sur les biens que tu réclames.»
Mörd ne répondit rien: il prit conseil de ses amis au sujet du combat. Jörand le Godi lui dit: «Tu n'as pas besoin de nos conseils dans cette affaire; tu sais que si tu combats contre Hrut, tu y perdras à la fois la vie et les biens. Sa cause est bonne: il est fort, et c'est le plus brave des hommes.» Alors Mörd parla, et il dit qu'il ne voulait pas combattre contre Hrut. Il s'éleva une grande clameur et beaucoup de murmures sur le tertre de la loi, et Mörd fut couvert de honte en cette affaire.
Les gens quittèrent le ting, et retournèrent chez eux. Les deux frères, Höskuld et Hrut, s'en allèrent à l'Ouest, vers le Reykjardal. Ils vinrent à Lund, où ils furent les hôtes de Thjostolf, fils de Björn Gullberi, qui demeurait là. Il y avait eu beaucoup de pluie tout le jour, les gens avaient été mouillés, et on avait fait de longs feux dans la salle. Thjostolf, le maître de la maison, était assis entre Höskuld et Hrut. Deux petits garçons jouaient à terre (c'étaient des enfants adoptifs de Thjostolf) et une petite fille jouait avec eux. Ils disaient toutes sortes de sottises, car c'étaient des enfants sans raison. L'un d'eux dit: «Je vais être Mörd, et je vais te sommer de te séparer de ta femme, puisque vous ne pouvez pas vivre ensemble.» L'autre répondit: «Moi je serai Hrut, et je te déclare déchu de tes droits sur la dot, puisque tu ne veux pas te battre avec moi.» Ils répétèrent cela plusieurs fois, et il y eut de grands rires parmi les gens de la maison. Alors Höskuld se fâcha, et frappa avec une baguette l'enfant qui faisait Mörd. La baguette l'atteignit au visage et le blessa. «Va-t'en, dit Höskuld, et ne te moque pas de nous.» Mais Hrut dit: «Viens près de moi.» Et l'enfant vint. Hrut tira un anneau d'or de son doigt, le lui donna, et dit: «Va, et maintenant n'insulte plus personne.» L'enfant s'en alla en disant: «Tu es un homme de grand cœur, et je m'en souviendrai toujours.» Cela fit dire beaucoup de bien de Hrut.
Après cela, ils retournèrent chez eux, dans l'Ouest. Et ici finit la querelle entre Hrut et Mörd.
IX
Il faut maintenant parler d'Halgerd, la fille d'Höskuld. Elle avait grandi et c'était la plus belle femme qu'on pût voir. Elle était de haute taille, et à cause de cela, on l'appelait Halgerd au long jupon. Elle avait de beaux cheveux, si longs qu'elle pouvait s'en couvrir tout entière; mais elle était prodigue et elle avait le cœur dur. Son père nourricier s'appelait Thjostolf. Il était d'une famille des îles du Sud. C'était un homme fort et brave. Il avait tué beaucoup de monde, et n'avait jamais payé d'amende à personne. On disait qu'il n'était pas fait pour changer l'humeur d'Halgerd.
Il y avait un homme nommé Thorvald. Il était fils d'Usvif. Il demeurait au rivage de Medalfell, au pied de la montagne. Il était riche en biens. Il possédait les îles qu'on appelle les îles des ours, et qui sont dans le Breidafjord. Il avait là ses provisions de morue et de farine. Thorvald était fort, accort, d'humeur un peu vive.
Un jour, son père et lui parlaient ensemble et ils se demandaient où Thorvald pourrait bien chercher femme. Mais il ne trouvait point de parti qui fût assez bon pour lui. Alors Usvif dit: «Veux-tu demander Halgerd au long jupon, la fille d'Höskuld?»--«Je le veux» dit-il. «Vous n'irez guère ensemble, dit Usvif. C'est une femme impérieuse, et toi, tu es d'humeur rude, et tu n'aimes pas à céder.»--«Et pourtant je tenterai l'aventure, dit Thorvald, et il ne sert à rien de vouloir m'en empêcher.»--«C'est toi aussi qui y risques le plus» dit Usvif.
Ils partirent donc pour faire leur demande. Ils arrivèrent à Höskuldstad et y furent bien reçus. Ils vinrent tout de suite à leur affaire, et firent leur demande. Höskuld répondit: «Je sais qui vous êtes, et je ne veux pas user de tromperie avec vous: ma fille a le cœur dur. Pour sa figure et ses manières, vous verrez vous-même.» Thorvald reprit: «Fais tes conditions; ce n'est pas son humeur qui m'empêchera de conclure le marché.» Ils parlèrent donc des conditions; et Höskuld ne demanda point l'avis de sa fille, (car il avait envie de la marier); et ils se mirent d'accord sur le marché. Alors Höskuld tendit la main, Thorvald la prit et se déclara fiancé à Halgerd. Après quoi il s'en retourna.
X
Höskuld dit à Halgerd le marché qu'il avait fait. Elle répondit: «Me voilà sûre à présent de ce que je crains depuis longtemps; tu ne m'aimes pas autant que tu l'as toujours dit, puisque tu n'as pas pensé que ce fût la peine de me parler de cette affaire; je ne trouve pas, du reste, que ce parti soit aussi beau que tu m'avais promis.» Et on voyait bien, à ses façons, qu'elle se trouvait mal mariée. Höskuld lui dit: «Je me soucie peu de ton orgueil: il ne changera rien à mon marché. C'est moi qui décide et non pas toi quand nous ne sommes pas d'accord.»--«L'orgueil est grand dans ta famille, dit-elle; il n'est pas étonnant que j'en aie ma part.» Et elle s'en alla.
Elle vint trouver Thjostolf, son père nourricier, et lui dit ce qui avait été décidé: elle était très-triste. Thjostolf lui dit: «Aie bon courage; tu seras mariée une seconde fois, et alors on te demandera ton avis. Et moi je ferai tout pour t'être agréable, sauf contre ton père ou contre Hrut.» Ils n'en dirent pas davantage.
Höskuld fit ses préparatifs pour la noce, et monta à cheval pour inviter du monde. Il vint à Hrutstad et appela Hrut au dehors pour lui parler. Hrut sortit, et ils se mirent à parler ensemble. Höskuld lui conta son marché, et l'invita à la noce: «Et je veux, mon frère, dit-il, que tu ne le trouves pas mauvais, si je ne t'ai pas fait savoir cela avant que le marché fût conclu.»--«Je crois que je ferais mieux de ne pas m'en mêler, dit Hrut, car ce mariage ne donnera de bonheur à personne, ni à lui, ni à elle. Je viendrai pourtant à la noce, si tu trouves que par là je te ferai honneur.»--«Certainement je le trouve, dit Höskuld,» et il s'en retourna.
Usvif et Thorvald invitèrent aussi du monde, et il n'y eut pas en tout moins de cent invités.
Il y avait un homme nommé Svan. Il demeurait sur le Bjarnarfjord, dans un domaine qui s'appelait