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la mère de Lex.

      Elle s’y attendait, notamment à cause de ce qui se trouvait dans la bibliothèque de sa mère. La biographie de Dolly Parton était beaucoup plus usée que Crime et Châtiment.

      – Et on peut savoir ce que tu faisais hier soir de si important et qui t’as empêché de nous appeler ? M’éviter à tout prix, car tu savais que je ne serais pas contente ?

      – Non, Maman, dit Lex la mâchoire serrée. J’étais chez Colin. Puis nous avons rompu. De toute façon je ne suis pas obligée de t’appeler dès qu’il m’arrive quelque chose, tu sais ? Je suis adulte.

      – Tu as rompu avec Colin ? s’écria sa mère. Non mais, Lex ! Tu nous fais quoi ? Tu essaies de t’autodétruire ? Vous étiez ensemble depuis des mois. Tu ne te rajeunis pas et je veux avoir des petits-enfants un jour. Que vas-tu faire maintenant, sans personne pour t’entretenir ?

      Lex ferma les yeux en se pinçant le nez.

      – Je vais m’entretenir toute seule. J’ai mes indemnités de licenciement et je vais trouver autre chose. D’ailleurs Maman, c’est pour ça que je voulais t’appeler.

      – Tu veux que Roger te pistonne ? supposa sa mère. Il peut sans doute te trouver une place au département comptabilité. Il cherche toujours du monde pour gérer l’administration quotidienne. Je peux lui demander de donner ton CV…

      – Non. Merci, mais… non.

      Lex prit une profonde inspiration. Comptable ? Vraiment ? Sa mère semblait être passée d’une colère sourde à une solution. C’était une femme d’affaires animée par la logique et l’action. Elle savait qu’il fallait se dépêcher pour bien faire, ce qui expliquait sûrement pourquoi elle était aussi déçue de savoir que Lex avait coupé court à sa carrière et à sa relation en une journée. Mais il était hors de question pour Lex d’abandonner si facilement et de devenir comptable. Lex lui annonça rapidement, comme on arrachait un pansement.

      – Je veux que tu m’aides. Je vais ouvrir ma propre librairie d’occasion. J’ai juste besoin d’un petit apport d’argent, un investissement. Je te rembourserais avec mes bénéfices.

      Il y eut une longue pause, atrocement longue pour Lex, qui avait l’impression que chaque seconde durait des heures.

      – Je pense que je capte mal, Alexis, dit froidement sa mère. J’ai cru entendre que tu voulais ouvrir une librairie d’occasion.

      – Oui, c’est ce que j’ai dit, répondit Lex, sa gorge devenant sèche. Maman c’est ce que j’ai toujours voulu. C’est le moment idéal. Je dois juste me lancer.

      – Oh oui, c’est ce que tu as toujours voulu, lança sa mère. Surtout que ça a très bien fonctionné quand ton père s’est lancé. Ça nous a détruit et tu le sais. Ça a détruit notre mariage. Non. Je ne te laisserais pas foutre ta vie en l’air pour un rêve qui date de ton enfance. Ça fait bien longtemps Alexis. Il ne reviendra pas, même si tu ouvres une librairie pour lui.

      Lex reprit une inspiration, sentant ces mots l’atteindre droit au cœur. C’était cruel, d’autant plus que c’était vrai. Elle le savait. Ce n’était pas juste pour ramener son père. Ce n’était pas ça du tout.

      Elle voulait faire la seule chose qu’elle avait vraiment aimé, mettre tout son cœur à l’ouvrage et peut-être restaurer l’héritage qui aurait toujours dû être le sien.

      – Je…, Lex déglutit difficilement, essayant de ne pas pleurer et cherchant ses mots. Je sais que je peux réussir.

      Sa mère souffla de l’autre côté du fil, sa respiration grésilla dans le combiné.

      – J’allais te proposer de prendre en charge ton loyer jusqu’à ce que tu retombes sur tes pieds, mais tu peux faire une croix sur ton investissement, dit-elle fermement. Je ne te donnerais pas d’argent supplémentaire tant que tu n’auras pas abandonné ce rêve ridicule. Jusqu’à ce que tu grandisses et que je sois sûre que tu ne dépenses pas mon aide dans tes histoires de contes de fées. J’enverrai mes chèques directement à ton propriétaire. J’ai déjà ses coordonnées vu que je t’ai aidé avec ta caution.

      – Maman ! s’écria Lex.

      Comment pouvait-elle faire ça ? Elle savait que Lex aurait beaucoup de mal, même pour les petites choses comme les courses et elle était assez aisée pour l’aider. Même si elle était soulagée de ne pas avoir à se préoccuper de son loyer, c’était aussi un calvaire de devoir accepter la charité de sa mère. Surtout si elle s’accompagnait de la condition d’abandonner son rêve si rapidement.

      – C’est pour ton bien, ma chérie, dit sa mère gentiment malgré le ton grave de sa voix. Tu sais que je t’aime et que Roger tient aussi à toi. Mais je ne vais pas financer cette obsession ridicule. Reprends-toi en main et reviens à la réalité. Nous serons là pour toi à ce moment-là.

      L’appel se coupa et Lex regarda le combiné dans sa main en se demandant comment sa propre mère pouvait avoir autant tort.

      Elle allait devoir trouver un autre moyen de réaliser son rêve.

      CHAPITRE QUATRE

      Lex s’aspergea le visage d’eau, observant son reflet dans le miroir. Elle y voyait le même visage qu’elle avait toujours eu : des lèvres pulpeuses qu’elle avait héritées de sa mère, des yeux marron foncé surmontés par ses sourcils parfaitement dessinés et son nez retroussé. Tout cela encadré par ses cheveux : une frange coupée juste au-dessus des sourcils, le reste tombant jusqu’aux épaules.

      – Alexis Blair, dit-elle en se regardant droit dans les yeux. Tu peux le faire. Tu vas réaliser ton rêve.

      Elle se fixa quelques minutes de plus, jusqu’à ce qu’elle soit sûre d’être convaincue puis elle se détourna et s’essuya les mains. Sa vie semblait mal engagée : elle était au chômage, célibataire et devait compter sur sa mère pour payer son loyer.

      Ça ne voulait pas dire que son rêve était sans espoir.

      – Toucher le fond, se dit-elle à voix haute pour mieux se réconforter, signifie que tu peux repartir de zéro. Tu n’as plus rien à perdre. C’est ton moment.

      Elle s’assit en face de son ordinateur, sentant son sang crépiter d’excitation et d’anticipation. Elle pouvait le faire, elle y arriverait.

      Lex y avait bien réfléchi depuis l’appel de sa mère quelques heures auparavant, et elle n’avait pas beaucoup d’options devant elle. Elle ne pouvait pas ouvrir une librairie sans capital et elle n’en avait pas assez pour demander un prêt à la banque. De plus, il lui faudrait du temps pour faire ses recherches : trouver un emplacement, des fournisseurs, calculer les coûts et monter un business plan. Et du temps, elle n’en avait pas.

      Elle savait qu’une librairie d’occasion était un projet viable. Par exemple, la librairie The Strand à New York avait tellement de succès qu’elle était célèbre dans le monde entier ! Lex n’avait même pas besoin d’être célèbre. Elle devait juste gagner assez d’argent pour en vivre. Ce n’était pas invraisemblable.

      Pour se lancer, elle avait d’abord besoin d’un travail. Pour autant, ça ne voulait pas dire que ce travail devait être une perte de temps : un autre détour dans la quête de son rêve. Il pourrait même l’aider à l’atteindre. Elle avait commencé comme éditrice pour apprendre à connaître le marché et elle avait réussi. Maintenant elle voulait du concret, de l’expérience.

      Et si elle voulait ouvrir une librairie d’occasion dans une petite ville, alors la meilleure préparation ne serait-elle pas de travailler dans une librairie d’occasion dans une petite ville ?

      Lex fit craquer ses doigts, fixant la page ouverte du moteur de recherche devant elle. Elle devait trouver l’endroit idéal : un magasin qui vendait des livres d’occasion et surtout qui cherchait à embaucher. Elle n’était pas difficile, elle préfèrerait une position de manager qui payait mieux pour

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