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Maria. Poème d'Ukraine. Malczewski Antoni
Читать онлайн.Название Maria. Poème d'Ukraine
Год выпуска 0
isbn
Автор произведения Malczewski Antoni
Жанр Повести
Издательство Public Domain
VII
Le signal est donné; au son aigu des trompettes, les fers des chevaux retentissent; le vaillant compagnon8 marche, suivi du fidèle soldat comme de son ombre; et par une rapide évolution, tous se pressent bruyamment vers l'étroite porte gothique, qui résonne avec de longs échos, et tremble jusqu'à la voûte. Bientôt le sabot du cheval heurte plus légèrement la terre moins dure; de plus en plus le fracas diminue, et déjà faible, lointain, il arrive sourdement jusqu'à l'oreille, de plus en plus fugitif. Les voici dans la campagne, où le soleil déjà fait voir tout son énorme globe, où ils s'ébattent joyeusement. Et avant d'aller chercher la gloire avec leurs étendards bariolés ils se baignent, comme les aigles, dans les torrents de la vive lumière. Mille panaches, mille diamants, revêtent l'éclat et la couleur, mille petits arcs-en-ciel se dessinent sur les armures. Et la victoire était dans leurs yeux perçants; et sur le rocher de leurs cœurs, fleurissaient la fidélité, la bravoure, et à leur tête marchait un guerrier jeune et altier. Mais quel est ce guerrier? Est-ce la gloire, est-ce le bonheur, qui enflamme son visage ombragé par une chevelure fine comme le lin? Oh! plus beaux cent fois que les tableaux de la nature colorés en rose par le matin, plus doux et plus brillants que les rayons de la gloire, cette flamme, qui s'entretient au foyer de son cœur; ce sourire, dans lequel il y a un peu de ce ravissement avec lequel les élus écoutent les hymnes des chérubins9. Monté sur un cheval ailé, au bord des grands ravins il conduisait en ordre les rangs silencieux. Ils disparurent dans un gouffre couvert de buissons, et franchissant le ravin, montrèrent encore une fois leurs têtes brillantes au-dessus des halliers. Arrivé sur l'autre bord, le jeune guerrier donna un commandement avec un signe, et ils marchèrent, marchèrent tous à la suite d'un alerte cosaque, dont un cheval sans fers marquait les traces légères, que le zéphyr et la rosée recouvraient de sable comme par un jeu d'enfants.
VIII
Et silencieuse, déserte est la plaine; ils ont disparu, les soldats; comme si le cœur avait besoin d'eux, ils ont laissé après eux le regret. L'œil s'égare à travers l'espace, et dans ce qu'il peut embrasser, il ne rencontre nul mouvement; nulle part il ne trouve à la reposer: sur la plaine étendue, le soleil darde ses rayons obliques; parfois une corneille croassante, et son ombre, passent; par instants, là-bas, dans les hautes herbes le grillon des champs fait cri-cri. Partout le silence… il y a seulement dans l'air je ne sais quelles rumeurs… Comment! sur toute cette terre, l'âme songeant au passé n'est-elle doucement attirée par aucun souvenir de nos aïeux, lorsqu'elle pourrait déposer le fardeau de ses mélancoliques rêveries? Non – que les ailés repliées, elle s'enfonce dans la terre; là, elle trouvera d'antiques armures que ronge la rouille, et des ossements, dont on ne sait de qui ils furent; là elle trouvera des germes entiers dans une cendre féconde, ou bien le ver s'agitant sur un cadavre encore frais. Mais sur la plaine, elle erre sans trouver d'appui, comme le désespoir, sans asile, sans but, sans limites.
IX
Sous les vieux tilleuls méditait le vieux Porte-glaive10, soutenant de sa tête flétrie le poids de ses afflictions; quoique vêtu d'un noir joupan11, si triste auprès de ses cheveux blancs, il avait porté d'éclatantes couleurs, autrefois, quand il servait sa patrie; sa patrie! dont le nom, au milieu des combats, dans les conseils, dans les élections orageuses12 et les festins bruyants, allumait en lui un feu pur; avec quelle joie son cœur s'élançait vers elle, comme au printemps l'oiseau vers le soleil! Mais le ciel brillant s'est assombri… quoi?… il est passé, le temps de ces émotions. Dans sa vie reste la douleur, la fleur est desséchée. Il songeait, et le déshonneur qui le menaçait avait voilé d'un crêpe impénétrable les douleurs passées, les chagrins présents. Oh! tant qu'il aura un souffle, le feu d'un orgueil acharné n'enveloppera pas si vite et si misérablement la terre où il naquit! Oh! tant que son noir joupan revêtira des membres vivants, dans sa main desséchée brillera au besoin le vieux sabre!… Mais où vais je?… Il songeait, le Porte-glaive, et promenait ça et là son regard fier, plein d'aversion, de colère, et peut-être de mépris.
X
Auprès de lui une jeune femme… quoi! si jeune, et déjà s'est obscurci le rayon brillant de sa beauté! Ni costume élégant, ni fleurs, ne la parent. Des yeux noirs baisses… une robe de deuil… l'affliction sur ses traits;… elle incline sa tête silencieuse, dont tout l'éclat est dans le sourire de la patience. Par instants, au milieu de ces ombres épaisses de la douleur, une pensée, un souvenir, colorent subitement ses joues, lueur faible et pâle: ainsi parfois la lune en plein éclat, anime d'une vie surnaturelle les traits d'une statue. Belle et noble figure, qui s'envolait vers les anges, environnée déjà du charme de leur pureté, quand l'haleine dévorante des passions de ce monde a terni cette fleur en bouton, et flétri ce jeune cœur comme eût fait l'automne. La voilà encore sur le chemin, où le vent la secoue: être destiné au ciel, chargé des lourdes chaînes de la terre, elle porte un cœur desséché, et brille pourtant comme l'aurore. Pareille à ces fruits de la mer Morte13 dont la couleur ravissante promet au voyageur épuisé de fatigue un nectar, et qui lui donnent des cendres. Dans chacun de ses mouvements une douce tristesse: ni larmes, ni amertume, dans son regard voilé. Non! des chagrins déjà passés on ne voit plus les ravages. C'est le tombeau tranquille d'une espérance perdue. C'est le flambeau du bonheur, qui brûlait dans sa prunelle: le flambeau s'est éteint, et la fumée a obscurci ce visage.
XI
Auprès de lui une jeune femme… sur le livre de vie, craintive colombe, aux portes même de la lumière s'est élevée dans sa foi, et d'une aile tremblante a cherché son nid loin de la terre. Au-dessus des splendeurs du monde et de son faux éclat, apparaît comme un blanc plumage, l'humble vertu qui s'abaisse14; la fibre qui rattache son cœur au ciel tressaille, quand une goutte de douce rosée tombe sur sa blessure. Elle lève les yeux au ciel, avec cette expression touchante qui met en un seul regard tous les sentiments à la fois, et, dans un rayon de lumière montre l'espérance de l'avenir et la douleur du passé, comme deux tendres sœurs, accourant pour se rejoindre. Elle lève les yeux vers le ciel, car elle a senti combien il est doux, pour une âme noble, égarée dans l'affliction après la perte de son bonheur, et que les aspirations et les terreurs mondaines laissent déjà froide, de soupirer après son origine! Combien il est doux, au lieu de se perdre dans le chaos d'ici-bas, de disparaître, de s'effacer à jamais sous l'étreinte de la mort. – Et celui qui eût vu alors ce visage rayonnant, et eût regardé dans l'âme pure du sombre Porte-glaive, celui qui eût vu ces tilleuls rameux, ces antiques vêtements, dont la coupe convient si bien à l'imagination, celui qui eût vu la lumière et les parfums entourer tout-à-coup leurs tempes de l'auréole des martyrs, oh! peut-être, reportant son souvenir vers des siècles reculés, Vers des lieux moins sombres, vers un pays fameux, et lointain, sur les bords du Jourdain, à l'ombre des palmiers, se fût assis rêveur, à côté de la famille d'Israël; et dans
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