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      Martinez avait été en train de contempler la lumière brillante du jour par la fenêtre. Alors, il se tourna vers Luke. Son visage n’avait pas de problème. Il avait toujours été bel homme et il l’était encore. Dieu, ou le diable, ou celui qui s’occupait de ces choses, avait épargné le visage de Martinez.

      — Bonjour et adieu, hein ? T’as raison, Stone. Tu es en un seul morceau, tu vas sortir d’ici, probablement obtenir une promotion, une sorte de citation. Tu ne combattras plus jamais parce que tu seras passé en psychiatrie. Tu piloteras un bureau, tu te feras plus d’argent, tu enverras d’autres gars au casse-pipe. T’as raison, mec.

      Luke resta tranquillement assis. Il plia une jambe par-dessus l’autre. Il ne dit pas un mot.

      — Sais-tu que Murphy est passé me voir il y a deux semaines ? Je lui ai demandé s’il comptait aller te voir, mais il a dit que non. Il ne voulait pas te voir. Stone ? Stone cire les pompes des huiles. Pourquoi faudrait-il qu’il aille voir Stone ? Murphy dit qu’il va prendre les trains de marchandises et traverser tout le pays, comme un clochard. C’est ce qu’il prévoit de faire. Tu sais ce que je pense ? Je pense qu’il va se tirer une balle dans la tête.

      — Je suis désolé de ce qui s’est passé, dit Luke.

      Cependant, Martinez n’écoutait pas.

      — Comment va ta femme, mec ? La grossesse se passe bien ? Le petit Luke arrive ? C’est vraiment bien, Stone. Je suis heureux pour toi.

      — Robby, qu’est-ce que je t’ai fait ? dit Luke.

      Les larmes commencèrent à couler sur le visage de Martinez. Il frappa le lit de ses poings.

      — Regarde-moi, mec ! Je n’ai plus de jambes ! Je vais pisser et chier dans une poche le reste de ma vie, OK ? Je ne peux pas marcher. Je ne remarcherai plus jamais. Je ne peux pas …

      Il secoua la tête.

      — Je ne peux pas …

      Alors, Martinez commença à pleurer.

      — Ce n’est pas moi qui l’ai fait, dit Luke.

      Sa voix paraissait petite et faible, comme la voix d’un enfant.

      — Si ! C’est toi qui l’as fait ! C’est toi qui l’as fait. C’est toi. C’était ta mission. Nous étions tes hommes. Maintenant, nous sommes tous morts. Tous sauf toi.

      Luke secoua la tête.

      — Non. C’était la mission de Heath. J’étais juste —

      — Salaud ! Tu ne faisais que suivre les ordres, mais tu aurais pu dire non.

      Luke ne dit rien. Martinez respirait profondément.

      — Je t’ai dit de me tuer.

      Il serra les dents.

      — Je t’ai dit … de … me … tuer. Maintenant, regarde ce … cette horreur. C’est ta faute.

      Il secoua la tête.

      — Tu aurais pu le faire. Personne n’aurait su.

      Luke le regardait fixement.

      — Je ne pouvais pas te tuer. Tu es mon ami.

      — Ne dis pas ça ! dit Martinez. Je ne suis pas ton ami.

      Il tourna la tête vers le mur.

      — Sors de ma chambre.

      — Robby …

      — Combien d’hommes as-tu tués, Stone ? Combien, hein ? Cent ? Deux cents ?

      Luke parla à peine plus fort que s’il murmurait. Il répondit honnêtement.

      — Je ne sais pas. J’ai arrêté de compter.

      — Tu ne pouvais pas tuer un homme par faveur ? Faire une faveur à ton soi-disant ami ?

      Luke ne répondit pas. Il n’avait jamais pensé à une telle chose. Tuer ses propres hommes ? Maintenant, il se rendait compte que c’était possible.

      Pendant une fraction de seconde, Luke se retrouva sur cette colline ce matin froid. Il voyait Martinez allongé sur le dos, en train de pleurer. Luke se tenait au-dessus de lui. Il n’avait plus de munitions. Il n’avait plus que la baïonnette tordue en main. Il s’accroupissait à côté de Martinez, la baïonnette dépassant de son poing comme une pointe. Il la levait au-dessus du cœur de Martinez et …

      — Je ne veux pas te voir, dit alors Martinez. Je veux que tu sortes de ma chambre. Allez, va-t’en, Stone ! Sors tout de suite.

      Soudain, Martinez commença à hurler. Il prit le bouton d’appel de l’infirmière sur la table de chevet et commença à le frapper de son pouce.

      — Je veux que tu partes ! Sors ! Dehors !

      Luke se leva. Il leva les mains.

      — OK, Robby. OK.

      — DEHORS !

      Luke se dirigea vers la porte.

      — J’espère que tu mourras, Stone. J’espère que ton bébé mourra.

      Alors, Luke se retrouva dans le hall. Deux infirmières venaient vers lui. Elles ne couraient pas, mais elles marchaient vite.

      — Est-ce qu’il va bien ? dit la première.

      — Tu m’as entendu, Stone ? J’espère que ton …

      Cependant, Luke s’était déjà couvert les oreilles et courait dans le hall. Il traversa le bâtiment en courant aussi vite que possible et en haletant. Il vit le panneau SORTIE, tourna vers lui et sortit brusquement par les portes doubles. Alors, il courut sur un sentier en béton dans les jardins. Çà et là, des gens se retournaient pour le regarder, mais Luke continuait à courir. Il courut jusqu’à ce que ses poumons commencent à le brûler.

      Un homme arrivait dans l’autre sens. Il était plus âgé, mais large et fort. Il marchait droit, comme un militaire, mais il portait un jean et un blouson de cuir. Ce ne fut que lorsque Luke l’eut presque rejoint qu’il se rendit compte qu’il le connaissait.

      — Luke, dit l’homme. Où cours-tu, mon garçon ?

      Luke s’arrêta. Il se pencha et posa les mains sur les genoux. Sa respiration était rauque et difficile. Il se força à aspirer de grandes goulées d’air.

      — Don, dit-il. Oh, mon Dieu, Don, c’est pas la forme.

      Il se releva. Il tendit la main pour serrer celle de Don Morris, mais Don le prit dans ses bras et le serra fort. Luke fut tellement ému qu’il ne trouva pas de mots pour décrire ce qu’il ressentait. Don était comme un père pour lui. Son émotion grandit. Il se sentit en sécurité. Il se sentit soulagé. Il eut l’impression d’avoir passé très longtemps à garder beaucoup de choses en lui-même, des choses que Don savait intuitivement sans qu’il soit nécessaire de les lui dire. Être serré par Don Morris, c’était comme retourner chez soi.

      Au bout d’un long moment, ils s’écartèrent l’un de l’autre.

      — Que faites-vous ici ? dit Luke.

      Il avait cru que Don était venu de Washington pour voir les huiles de Fort Bragg, mais Don lui fit comprendre son erreur en seulement quelques mots.

      — Je suis venu te chercher, dit-il.

      * * *

      — C’est une bonne affaire, dit Don. Tu n’obtiendras pas mieux.

      Ils roulaient dans les rues pavées bordées d’arbres du centre-ville de Fayetteville dans une berline de location quelconque. Don était au volant, Luke à la place du passager. Les gens étaient assis à des cafés en plein air et à des restaurants le long des trottoirs. C’était une ville militaire et beaucoup des gens qui se promenaient dehors se tenaient droit et étaient en bonne forme.

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