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Gabriel Lambert. Dumas Alexandre
Читать онлайн.Название Gabriel Lambert
Год выпуска 0
isbn
Автор произведения Dumas Alexandre
Жанр Зарубежная классика
Издательство Public Domain
Tout ce que l'art avait pu aristocratiser en lui avait pris un certain caractère d'élégance; ses cheveux d'un blond fade étaient coupés à la mode, ses favoris rares étaient taillés avec régularité.
Mais la main qu'il me tendait pour que je lui tâtasse le pouls était commune, les soins qu'il en avait pris depuis quelque temps n'avaient pu en corriger la grossièreté native; ses ongles étaient mal faits, rongés, vulgaires; et, près de son lit, des bottes qu'il avait quittées le matin même indiquaient que son pied était, comme la main, d'origine toute plébéienne.
Comme je l'ai dit, le blessé avait la fièvre, et cependant cette fièvre, quoique assez forte, avait peine à donner de l'expression à ses yeux, qui, à ce que je remarquai, ne se fixaient presque jamais directement ni sur un homme ni sur une chose; en échange, sa parole était d'une agitation et d'une volubilité extrêmes.
– Ah! vous voilà donc, mon cher docteur, me dit-il; eh bien! vous le voyez, je ne suis pas encore mort, et vous êtes un grand prophète; mais suis-je hors de danger, docteur? Ce maudit coup d'épée! il était bien appliqué. Il passe donc sa vie à faire des armes, ce spadassin, ce calomniateur, ce misérable Olivier?
Je l'interrompis.
– Pardon, lui dis-je, je suis le médecin et l'ami de monsieur d'Hornoy; c'est lui que j'ai suivi sur le terrain, et non pas vous.
«Je vous connais de ce matin, monsieur; et lui, je le connais depuis dix ans.
«Vous comprenez donc que, si vous continuez à l'attaquer, je serai forcé de vous prier de vous adresser à quelqu'un de mes confrères.
– Comment, docteur, s'écria le blessé, vous m'abandonneriez dans l'état où je suis? ce serait affreux. Sans compter que vous trouverez peu de pratiques qui paieront comme moi.
– Monsieur!
– Oh! oui, je sais, vous faites tous semblant d'être désintéressés; puis quand vient, comme on dit, le quart d'heure de Rabelais, vous savez bien présenter votre mémoire.
– C'est possible, monsieur, qu'on ait ce reproche à faire à quelques-uns de mes confrères, mais je vous prouverai, quant à moi, en ne prolongeant pas mes visites au-delà du terme strictement nécessaire, que l'avidité que vous reprochez à mes collègues n'est pas mon défaut dominant.
– Allons, voilà que vous vous fâchez, docteur?
– Non, je réponds à ce que vous me dites.
– C'est qu'il ne faut pas trop faire attention à ce que je dis; vous savez, nous autres gentilshommes, nous avons quelquefois la parole un peu leste; pardonnez-moi donc.
Je m'inclinai, il me tendit la main.
– J'ai déjà tâté votre pouls, lui dis-je, il est aussi bon qu'il peut l'être.
– Allons, voilà que vous me gardez rancune parce que j'ai dit du mal de monsieur Olivier; il est votre ami, j'ai eu tort; mais il est tout simple que je lui en veuille, à part le coup d'épée qu'il m'a donné.
– Et que vous êtes venu chercher, répondis-je, d'une façon à ce qu'il ne vous la refusât point, vous en conviendrez.
– Oui, je l'ai insulté; mais je voulais me battre avec lui, et quand on veut se battre avec les gens il faut bien les insulter.
«Pardon, docteur, voulez-vous me rendre le service de sonner?
Je tirai le cordon de la sonnette, un des valets entra.
– Est-on venu s'informer de ma santé de la part de monsieur de Macartie?
– Non, monsieur le baron, répondit le laquais.
– C'est singulier, murmura le malade, visiblement fâché de ce manque d'intérêt.
Il y eut un instant de silence, pendant lequel je fis un mouvement pour prendre ma canne.
– Car vous savez ce qu'il m'a fait, votre ami Olivier?
– Non. J'ai entendu parler de quelques mots dits sur vous au club, n'est-ce point cela?
– Il m'a fait, ou plutôt il a voulu me faire manquer un mariage magnifique: une jeune personne de dix-huit ans, belle comme les amours, et cinquante mille livres de rente, rien que cela.
– Et comment a-t-il pu vous faire manquer ce mariage?
– Par ses calomnies, docteur: en disant qu'il ne connaissait personne de mon nom à la Guadeloupe; tandis que mon père, le comte de Faverne, possède là-bas deux lieues de terrain, une habitation magnifique avec trois cents noirs. Mais j'ai écrit à monsieur de Malpas, le gouverneur, et dans deux mois ces papiers seront ici; on verra lequel de nous deux a menti.
– Olivier pourra s'être trompé, monsieur, mais il n'aura pas menti.
– Et, en attendant, voyez-vous, il est cause que celui qui devait être mon beau-père n'envoie pas même demander de mes nouvelles.
– Il ignore peut-être que vous vous êtes battu?
– Il ne l'ignore pas, puisque je le lui avais dit hier.
– Vous le lui avez dit?
– Certainement. Lorsqu'il m'a rapporté les propos que monsieur Olivier tenait sur moi, je lui dis: «Ah! c'est comme cela! eh bien! pas plus tard que ce soir, j'irai lui chercher une querelle, à ce beau monsieur Olivier, et l'on verra si j'en ai peur.
Je commençai à comprendre le courage momentané de mon malade. C'était de l'argent placé à cent pour cent; un duel pouvait lui rapporter une jolie femme et cinquante mille livres de rente; il s'était battu.
Je me levai.
– Quand vous reverrai-je, docteur?
– Demain je viendrai lever l'appareil.
– J'espère que si l'on parle de ce duel devant vous, docteur, vous direz que je me suis bien conduit.
– Je dirai ce que j'ai vu, monsieur.
– Ce misérable Olivier, murmura le blessé, j'aurais donné cent mille francs pour le tuer sur le coup.
– Si vous êtes assez riche pour payer cent mille francs la mort d'un homme, répondis-je, vous devez moins regretter votre mariage, qui n'ajoutait que cinquante mille livres de rente à votre fortune.
– Oui; mais ce mariage me plaçait, ce mariage me permettait de cesser des spéculations hasardeuses; un jeune homme, d'ailleurs, né avec des goûts aristocratiques, n'est jamais assez riche. Aussi je joue à la Bourse; il est vrai que j'ai du bonheur: le mois passé j'ai gagné plus de trente mille francs.
– Je vous en fais mon compliment, monsieur. A demain.
– Attendez donc … je crois qu'on a sonné!
– Oui.
– On vient?
– Oui.
Un domestique entra.
Pour la première fois, je vis les yeux du baron s'arrêter fixement sur un homme.
– Eh bien?.. demanda-t-il, sans donner le temps au valet de parler.
– Monsieur le baron, dit le valet, c'est monsieur le comte de Macartie qui fait demander de vos nouvelles.
– En personne?
– Non, il envoie son valet de chambre.
– Ah! fit le malade, et vous avez répondu?..
– Que monsieur le baron était grièvement blessé, mais que le docteur avait répondu de lui.
– Est-ce vrai, docteur, que vous répondez de moi?
– Eh! oui, mille fois oui, repris-je; à moins cependant que vous ne fassiez quelque imprudence.
– Oh! quant à cela, soyez tranquille. Dites-moi, docteur, puisque