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Persuasion. Austen Jane
Читать онлайн.Название Persuasion
Год выпуска 0
isbn http://www.gutenberg.org/ebooks/36777
Автор произведения Austen Jane
Жанр Зарубежная классика
Издательство Public Domain
Il semblait que M. Shepherd, dans ses efforts pour disposer Sir Walter en faveur d'un marin, eût été doué d'une seconde vue, car la première offre vint d'un amiral Croft, dont son correspondant de Londres lui avait parlé.
Selon le rapport qu'il se hâta d'en faire à Kellynch, l'amiral, natif de Somersetshire et possesseur d'une très belle fortune, désirait s'établir dans son pays, et était venu à Tauton chercher dans les annonces s'il trouverait quelque chose à sa convenance dans le voisinage; n'en trouvant pas et entendant dire que Kellynch était peut-être à louer, il s'était présenté chez M. Shepherd pour avoir des renseignements détaillés.
Il avait montré un vif désir de louer, et fourni la preuve qu'il était un locataire recommandable.
«Qui est-ce que l'amiral Croft?» demanda Sir Walter d'un ton froid et soupçonneux.
M. Shepherd répondit qu'il était noble, et Anna ajouta:
«Il est vice-amiral: il était à Trafalgar; depuis, il a été aux Indes, et y est resté, je crois, plusieurs années.
– Alors il est convenu, dit Sir Walter, que sa figure est aussi jaune que les parements et les collets d'habits de ma livrée.»
M. Shepherd se hâta de l'assurer que l'amiral avait une figure cordiale, avenante, un peu hâlée et fatiguée, il est vrai; mais qu'il avait des manières de parfait gentleman; que probablement il ne ferait aucune difficulté quant aux conditions; qu'il cherchait avant tout, et immédiatement, une maison confortable; qu'il payerait la convenance, et n'aurait pas été surpris si Sir Walter avait demandé davantage. M. Shepherd fut éloquent, et donna sur la famille de l'amiral tous les détails qui faisaient de celui-ci un locataire désirable. Il était marié et sans enfants, c'est ce qu'on pouvait désirer de mieux. Il avait vu Mme Croft, qui avait assisté à leur conversation.
«C'est une vraie Lady, fine, et qui cause bien. Elle a fait plus de questions sur la maison, les conditions, les impôts, que l'amiral lui-même. Elle semble plus familière que lui avec les affaires. J'ai appris aussi qu'elle n'est pas inconnue dans cette contrée, pas plus que son mari. Elle est la sœur d'un gentilhomme qui demeurait à Montfort, il y a quelques années. Quel était donc son nom, Pénélope? ma chère, aidez-moi. Le frère de Mme Croft?»
Mme Clay causait avec miss Elliot d'une façon si animée, qu'elle n'entendit pas.
«Je n'ai aucune idée de ce que vous voulez dire, Shepherd, dit Sir Walter. Je ne me rappelle aucun gentilhomme demeurant à Montfort, depuis le vieux gouverneur Trent.
– Par exemple, c'est trop fort, je crois que j'oublierai bientôt mon nom. Un nom que je connaissais si bien; ainsi que le gentleman, je l'ai vu cent fois. Il vint me consulter sur un délit de voisin, saisi sur le fait: un des domestiques du fermier s'introduisant dans son jardin, un mur éboulé, des pommes volées; puis, malgré mon avis, une transaction eut lieu. C'est vraiment singulier.
– Je suppose que vous voulez parler de M. Wenvorth, dit Anna.
– C'est bien cela. Il eut la cure de Montfort pendant deux ans. Vous devez vous le rappeler.
– Wenvorth? ah! oui, le ministre de Montfort, vous m'avez dérouté par le mot gentilhomme. Je croyais que vous parliez d'un homme possédant des propriétés. M. Wenvorth n'en avait aucune, je crois. C'est un nom inconnu, il n'est pas allié aux Straffort. On se demande comment les noms de notre noblesse deviennent si communs?»
M. Shepherd, s'apercevant que cette parenté des Croft ne leur faisait aucun bien dans l'esprit de Sir Walter, n'en parla plus et mit tout son zèle à s'étendre sur ce qui leur était favorable: leur âge, leur fortune, la haute idée qu'ils s'étaient faite de Kellynch; ajoutant qu'ils ne désiraient rien tant que d'être les locataires de Sir Walter. Cela eût semblé un goût extraordinaire vraiment, s'ils avaient pu connaître les devoirs d'un locataire de Sir Walter.
L'affaire réussit cependant, quoique Sir Walter regardât d'un mauvais œil quiconque prétendait habiter sa maison, trouvant qu'on était trop heureux de l'obtenir, même aux plus dures conditions.
Il autorisa M. Shepherd à négocier la location et à prendre jour avec l'amiral pour visiter la propriété. Sir Walter ne brillait pas par le jugement; il comprit cependant qu'on pouvait difficilement trouver un meilleur locataire. Sa vanité était flattée du rang de l'amiral. «J'ai loué ma maison à l'amiral Croft» sonnerait bien mieux qu'à «monsieur un tel», qui exige toujours un mot d'explication. L'importance d'un amiral s'annonce de soi, mais il n'éclipse jamais un baronnet. Dans leurs relations réciproques, Sir Elliot aurait toujours le pas. Élisabeth désirait si fort un changement, qu'elle ne dit pas un mot qui pût retarder la décision. Anna quitta la chambre pour rafraîchir ses joues brûlantes; elle alla dans son allée favorite et se dit avec un doux soupir: «Dans quelques mois peut-être, il sera ici.»
CHAPITRE IV
Ce n'était pas M. Wenvorth le ministre, mais Frédéric Wenvorth, son frère, qui, nommé commandant après l'action de Saint-Domingue, s'était établi, en attendant de l'emploi, dans le comté de Somerset, dans l'été de 1806, et avait loué pour six mois à Montfort. C'était alors un jeune homme remarquablement beau, intelligent, spirituel et brillant, et Anna était une très jolie fille, douce, modeste, gracieuse et sensée. Ils se connurent, s'éprirent rapidement l'un de l'autre. Ils jouirent bien peu de cette félicité exquise. Sir Walter, sans refuser positivement son consentement, manifesta un grand étonnement, une grande froideur et une ferme résolution de ne rien faire pour sa fille. Il trouvait cette alliance dégradante, et lady Russel, avec un orgueil plus excusable et plus modéré, la considérait comme très fâcheuse. Anna Elliot! avec sa beauté, sa naissance, son esprit, épouser à dix-neuf ans un jeune homme qui n'avait d'autre recommandation que sa personne, d'autre espoir de fortune que les chances incertaines de sa profession, et pas de relations qui puissent l'aider à obtenir de l'avancement! La pensée seule de ce mariage l'affligeait; elle devait l'empêcher si elle avait quelque pouvoir sur Anna.
Le capitaine Wenvorth avait eu de la chance et gagné beaucoup d'argent comme capitaine; mais il dépensait facilement ce qui arrivait de même, et il n'avait rien acquis. Plein d'ardeur et de confiance, il comptait obtenir bientôt un navire. Il avait toujours été heureux, il le serait encore.
Cette confiance, exprimée avec tant de chaleur, avait quelque chose de si séduisant, qu'elle suffisait à Anna; mais lady Russel en jugeait autrement. Ce caractère ardent, cette intrépidité d'esprit, lui semblaient plutôt un mal. Il était brillant et téméraire; elle goûtait peu l'esprit, et elle avait pour l'imprudence presque un sentiment d'horreur. Elle condamna cette liaison à tous égards.
Combattre une telle opposition était impossible pour la douce Anna. Elle aurait pu résister au mauvais vouloir de son père, même sans être encouragée par un regard ou une bonne parole de sa sœur; mais lady Russel, qu'elle avait toujours aimée et respectée, si ferme et si tendre dans ses conseils, ne pouvait pas les donner en vain. Son opposition ne provenait pas d'une prudence égoïste: si elle n'avait pas cru consulter plus encore le bien du jeune homme que celui de sa filleule, elle n'aurait pas empêché ce mariage.
Cette conscience du devoir rempli fut la principale consolation de lady Russel, dans cette rupture.
Elle en avait grand besoin, car elle avait à lutter contre l'opinion, et contre Wenvorth. Celui-ci quitta le pays.
Quelques mois avaient vu le commencement et la fin de leur liaison; mais le chagrin d'Anna fut durable. Ce souvenir assombrit sa jeunesse, et elle perdit sa fraîcheur et sa gaieté.
Sept années s'étaient écoulées depuis, et le temps seul avait un peu effacé ces tristes impressions. Aucun voyage, aucun événement extérieur n'était venu la distraire. Dans leur petit cercle, elle n'avait vu personne qu'elle pût comparer à Wenvorth; son esprit raffiné, son goût délicat, n'avaient pu trouver l'oubli dans un attachement