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Jim l'indien. Gustave Aimard
Читать онлайн.Название Jim l'indien
Год выпуска 0
isbn
Автор произведения Gustave Aimard
Жанр Зарубежная классика
Издательство Public Domain
– Combien de temps était-il resté dans cette curieuse position ?
– Eh ! une semaine, au moins ; n’est-ce pas, Polly ?
– Oh ! John ! fit mistress Brainerd avec un accent de reproche.
– Bien plus ! poursuivit impitoyablement oncle John ; Maggie, ayant entrepris de jouer la fameuse sonate, Étoile et Bannière, frappa inutilement les touches, pas un son ne sortit, puis, lorsqu’on fit du feu, l’atmosphère dégela, les notes alors s’envolèrent une à une et jouèrent un air bizarre. Le même Jour, l’argent vif du thermomètre descendit si bas qu’il sortit par-dessous l’instrument, depuis lors il n’a plus pu marcher. Oui, mon pauvre Adolphe, tous les hivers nous avons des froids pareils.
– Eh bien, mon oncle, il n’y a pas de danger que je reste ici pour les affronter, vos hivers ! Comment les Indiens peuvent-ils les supporter ?
– Ah ? je savais bien que notre cousin ne resterait pas longtemps sans aborder ce sujet, s’écria rieusement Maria ; je m’étonnais à chaque instant de ne pas l’avoir entendu faire une question là-dessus.
Comment ils les supportent ?… Avez-vous jamais entendu dire qu’un Indien soit mort de froid ?… Dans l’hiver dont je te parle, Christian Jim vint ici, au retour de la chasse. Ce gaillard là avait tout juste assez de vêtements pour ne pas nous faire rougir : Eh bien ! lorsque sa femme lui demande s’il avait froid, il se mit à rire et retroussa ses manches.
– J’aimerais voir cet Indien. De quelle tribu est-il ? demanda Halleck avec une animation extraordinaire.
– Il est Sioux ; ces gens-là pullulent autour de nous.
– Peuplade splendide ! race noble, chevaleresque, superbe ! n’est-ce pas ?
Pour la première fois de la soirée, l’oncle John éclata d’un rire retentissant ; la bonne mistress Brainerd, elle-même, ne put se contenir. Quant à Maria, son hilarité n’avait pas de bornes.
– Ah çà ! mais, qu’avez-vous donc tous ?… demanda l’artiste un peu décontenancé par l’accueil fait à son interjection.
– Dans trois mois d’ici, tu riras plus fort que nous, mon cher enfant, se hâta de dire mistress Brainerd pour le consoler ; la poésie et le romantique de tes idées ne pourront tenir devant la vulgaire réalité.
– Quel malheur ! Maria m’en a dit autant sur le paquebot. Je croyais avoir la chance de pénétrer assez loin dans l’Ouest, pour y voir la vraie race rouge, dans sa pureté originaire.
– Oh ! tu en trouveras, mon bon, reprit l’oncle John ; tu verras des spécimens purs dans cette région ; à première vue tu en auras assez.
– J’aimerais à en dessiner quelques-uns… les chefs les plus soignés ?… J’ai entendu parler d’un Petit-Corbeau, lorsque j’étais à Saint-Paul. Voilà un portrait que je voudrais faire, ah ! comme j’enlèverais çà !
– Dans mon opinion, ce sera plutôt lui qui t’enlèvera, si l’occasion se présente. C’est un diable, un brigand incarné, un vrai Sauvage.
– À quoi doit-il sa réputation ?
– On ne sait pas trop ; répondit Will ; à peu de chose, assurément : c’est lui qui…
Le jeune homme s’arrêta court ; il venait de rencontrer un regard furibond de son père, appuyé d’un « Ahem » vigoureux qui fit résonner les verres.
Ce télégramme échangé entre le père et le fils, ne fût caché pour personne ; peut-être deux ou trois convives en devinèrent la vraie signification : tous demeurèrent pendant quelques instants muets et embarrassés. À la fin, Halleck, avec la présence d’esprit et la courtoisie qui le caractérisaient, s’empressa de détourner la conversation.
– Vous ne pourrez nier, dit-il, que les Hommes rouges n’aient fourni quelques individus remarquables, dignes d’être comparés à nos plus grands généraux ; Philippe, Pontiac, Tecumseh, et quelques autres ; sans doute il n’y en n’a pas en abondance parmi eux, mais, je voue le répète, mes amis, ce qui caractérise le Sauvage, c’est la force, vis antica ! ajouta-t-il en promenant autour de lui un regard convaincu.
– Nul doute qu’Albert Pike ne se soit aperçu de cela, depuis longtemps ; riposta l’oncle John avec un sérieux perfide ; et j’estime que si nous avions accepté les alliances offertes par les Comanches dans la guerre du Mexique, le casus belli serait aujourd’hui tranché.
– Vous êtes tous ligués contre moi, je perds mon éloquence avec vous. Maggie ! ne pourriez-vous pas prendre un peu mon parti ?
La jeune fille rougit à cette interpellation inattendue, et répondit avec une petite voix douce.
– Je serais bien ravie, mon cousin, d’être votre alliée. Jadis, j’aurais eu un peu les mêmes idées que vous, mais une courte résidence ici a sufi pour les dissiper. Je crois, en vérité, que notre existence occidentale ne renferme aucun élément romantique.
– Eh bien ! je ne vous parlerai plus raison puisque vous êtes tous contre moi ! Oncle John, quel gibier y a-t-il dans le Minnesota ?
– De toute espèce. Depuis l’ours gris jusqu’à la fourmi.
– Vous n’avez pas la prétention de me faire croire que, dans vos parages, on trouve des monstres pareils ?
Quoi ? des fourmis ?
– Non ; des ours grizzly.
– On ne les voit guères hors des montagnes ; mais on rencontre assez souvent les autres espèces dans les prairies. Il n’y a pas une semaine que Maggie, en cueillant des fraises, se trouva, sans s’en douter, nez à nez avec un de ces gros messieurs bruns.
– Vous voulez plaisanter ! s’écria Halleck dans la consternation : et, comment cela s’est-il passé ?
– On ne pourrait dire lequel fut plus effrayé, de la fille ou de l’ours. Chacun s’est sauvé à toutes jambes ; l’ours, peut-être, court encore. En en parlant, Adolphe, voudriez-vous manger une tranche d’ours braisé ?
– Oh ! ne me parlez pas de ça ! j’aimerais mieux manger du mulet ou du cheval !
– Peuh ! je ne dis pas…. ces animaux ont un autre goût…. un autre fumet…
– Je vous crois, et ne désire pas faire la comparaison. Peut-on bien supporter pareille mangeaille ! Allez donc proposer à un habitué de la ménagerie de New York des beefsteaks de Sampson l’ours qui a mangé le vieil Adam Grizzly !
– Enfin, mon cher neveu, tu ferais comme les Indiens, après tout : et tu y prendrais goût, peut-être.
Halleck fit une grimace négative et tendit son assiette à mistress Brainerd en disant :
– Chère tante, veuillez me donner une petite tranche de votre excellent roastbeef ; je me sens un appétit féroce, ce soir.
– Vous ne pouvez vous imaginer… Si c’était bien cuit, bien tendre, bien servi devant vous… observa le jeune Will avec un tranquille sourire ; vous en digéreriez très bien une portion.
– Impossible, impossible ! je vous le répète. Il y a des choses auxquelles on ne peut se faire. Je ne suis pas difficile à contenter,