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Bel-Ami / Милый друг. Ги де Мопассан
Читать онлайн.Название Bel-Ami / Милый друг
Год выпуска 1885
isbn 978-5-17-158401-6
Автор произведения Ги де Мопассан
Серия Bilingua подарочная: иллюстрированная книга на языке оригинала с переводом
Издательство Издательство АСТ
– Vous avez, madame, les plus jolies boucles d'oreilles que j'aie jamais vues.
Elle se tourna vers lui en souriant:
– C'est une idée à moi de pendre des diamants comme ça, simplement au bout d'un fil. On dirait vraiment de la rosée, n'est-ce pas?
Il murmura, confus de son audace et tremblant de dire une sottise:
– C'est charmant… mais l'oreille aussi fait valoir la chose.
Elle le remercia d'un regard, d'un de ces clairs regards de femme qui pénètrent jusqu'au cœur.
Et comme il tournait la tête, il rencontra encore les yeux de Mme Forestier, toujours bienveillants, mais il crut y voir une gaieté plus vive, une malice, un encouragement.
Tous les hommes maintenant parlaient en même temps, avec des gestes et des éclats de voix; on discutait le grand projet du chemin de fer métropolitain. Le sujet ne fut épuisé qu'à la fin du dessert, chacun ayant une quantité de choses à dire sur la lenteur des communications dans Paris, les inconvénients des tramways, les ennuis des omnibus et la grossièreté des cochers de fiacre.
Puis on quitta la salle à manger pour aller prendre le café. Duroy, par plaisanterie, offrit son bras à la petite fille. Elle le remercia gravement, et se haussa sur la pointe des pieds pour arriver à poser la main sur le coude de son voisin.
En entrant dans le salon, il eut de nouveau la sensation de pénétrer dans une serre. De grands palmiers ouvraient leurs feuilles élégantes dans les quatre coins de la pièce, montaient jusqu'au plafond, puis s'élargissaient en jets d'eau.
Des deux côtés de la cheminée, des caoutchoucs, ronds comme des colonnes, étageaient l'une sur l'autre leurs longues feuilles d'un vert sombre, et sur le piano deux arbustes inconnus, ronds et couverts de fleurs, l'un tout rose et l'autre tout blanc, avaient l'air de plantes factices, invraisemblables, trop belles pour être vraies.
L'air était frais et pénétré d'un parfum vague, doux, qu'on n'aurait pu définir, dont on ne pouvait dire le nom.
Et le jeune homme, plus maître de lui, considéra avec attention l'appartement. Il n'était pas grand; rien n'attirait le regard en dehors des arbustes; aucune couleur vive ne frappait; mais on se sentait à son aise dedans, on se sentait tranquille, reposé; il enveloppait doucement, il plaisait, mettait autour du corps quelque chose comme une caresse.
Les murs étaient tendus avec une étoffe ancienne d'un violet passé, criblée de petites fleurs de soie jaune, grosses comme des mouches.
Des portières en drap bleu gris, en drap de soldat où l'on avait brodé quelques œillets de soie rouge, retombaient sur les portes; et les sièges, de toutes les formes, de toutes les grandeurs, éparpillés au hasard dans l'appartement, chaises longues, fauteuils énormes ou minuscules, poufs et tabourets, étaient couverts de soie Louis XVI ou de beau velours d'Utrecht, fond crème, à dessins grenat.
– Prenez-vous du café, monsieur Duroy?
Et Mme Forestier lui tendait une tasse pleine, avec ce sourire ami qui ne quittait point sa lèvre.
– Oui, madame, je vous remercie.
Il reçut la tasse, et comme il se penchait plein d'angoisse pour cueillir avec la pince d'argent un morceau de sucre dans le sucrier que portait la petite fille, la jeune femme lui dit à mi-voix:
– Faites donc votre cour à Mme Walter.
Puis elle s'éloigna avant qu'il eût pu répondre un mot.
Il but d'abord son café qu'il craignait de laisser tomber sur le tapis; puis, l'esprit plus libre, il chercha un moyen de se rapprocher de la femme de son nouveau directeur et d'entamer une conversation.
Tout à coup il s'aperçut qu'elle tenait à la main sa tasse vide; et, comme elle se trouvait loin d'une table, elle ne savait où la poser. Il s'élança.
– Permettez, madame.
– Merci, monsieur.
Il emporta la tasse, puis il revint:
– Si vous saviez, madame, quels bons moments m'a fait passer la Vie Française quand j'étais là-bas dans le désert. C'est vraiment le seul journal qu'on puisse lire hors de France, parce qu'il est plus littéraire, plus spirituel et moins monotone que tous les autres. On trouve de tout là dedans.
Elle sourit avec une indifférence aimable, et répondit gravement:
– M. Walter a eu bien du mal pour créer ce type de journal, qui répondait à un besoin nouveau.
Et ils se mirent à causer. Il avait la parole facile et banale, du charme dans la voix, beaucoup de grâce dans le regard et une séduction irrésistible dans la moustache. Elle s'ébouriffait sur sa lèvre, crépue, frisée, jolie, d'un blond teinté de roux avec une nuance plus pâle dans les poils hérissés des bouts.
Ils parlèrent de Paris, des environs, des bords de la Seine, des villes d'eaux, des plaisirs de l'été, de toutes les choses courantes sur lesquelles on peut discourir indéfiniment sans se fatiguer l'esprit.
Puis, comme M. Norbert de Varenne s'approchait, un verre de liqueur à la main, Duroy s'éloigna par discrétion.
Mme de Marelle, qui venait de causer avec Mme Forestier, l'appela:
– Eh bien! monsieur, dit-elle brusquement, vous voulez donc tâter du journalisme?
Alors il parla de ses projets, en termes vagues, puis recommença avec elle la conversation qu'il venait d'avoir avec Mme Walter; mais, comme il possédait mieux son sujet, il s'y montra supérieur, répétant comme de lui des choses qu'il venait d'entendre. Et sans cesse il regardait dans les yeux de sa voisine, comme pour donner à ce qu'il disait un sens profond.
Elle lui raconta à son tour des anecdotes, avec un entrain facile de femme qui se sait spirituelle et qui veut toujours être drôle; et, devenant familière, elle posait la main sur son bras, baissait la voix pour dire des riens, qui prenaient ainsi un caractère d'intimité. Il s'exaltait intérieurement à frôler cette jeune femme qui s'occupait de lui. Il aurait voulu tout de suite se dévouer pour elle, la défendre, montrer ce qu'il valait; et les retards qu'il mettait à lui répondre indiquaient la préoccupation de sa pensée.
Mais tout à coup, sans raison, Mme de Marelle appela: «Laurine!» et la petite fille s'en vint.
– Assieds-toi là, mon enfant, tu aurais froid près de la fenêtre.
Et Duroy fut pris d'une envie folle d'embrasser la fillette, comme si quelque chose de ce baiser eût dû retourner à la mère.
Il demanda d'un ton galant et paternel:
– Voulez-vous me permettre de vous embrasser, mademoiselle?
L'enfant leva les yeux sur lui d'un air surpris. Mme de Marelle dit en riant:
– Réponds: «Je veux bien, monsieur, pour aujourd'hui; mais ce ne sera pas toujours comme ça.»
Duroy, s'asseyant aussitôt, prit sur son genou Laurine, puis effleura des lèvres les cheveux ondés et fins de son front.
La mère s'étonna:
– Tiens, elle ne s'est pas sauvée: c'est stupéfiant. Elle ne se laisse d'ordinaire embrasser que par les femmes. Vous êtes irrésistible, monsieur Duroy.
Il rougit, sans répondre, et d'un mouvement léger il balançait la petite fille sur sa jambe.
Mme Forestier s'approcha, et, poussant un cri d'étonnement:
– Tiens, voilà Laurine apprivoisée, quel miracle!
Jacques Rival aussi s'en venait, un cigare à la bouche, et Duroy se leva pour partir, ayant peur de gâter par quelque mot maladroit la besogne faite, son œuvre de conquête commencée.
Il salua, prit et serra doucement la petite main tendue des femmes, puis secoua avec force la main des hommes. Il remarqua que celle de Jacques Rival était sèche et chaude et répondait