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regrettèrent alors amèrement de n'avoir pas annexé dix ans plus tôt cette prodigieuse richesse, et l'on sait avec quelle activité fiévreuse ils l'exploitent depuis le commencement de la guerre; ils y ont fait, dit-on, des travaux gigantesques, des tunnels, des voies ferrées qui ont apporté à nos mines une plus-value considérable.

      En 1912, l'Allemagne produisait vingt-sept millions de tonnes de minerai de fer dont vingt provenaient de la Lorraine annexée. Elle en demandait en outre onze millions à l'étranger. Or, ces onze millions sont à peu près le produit annuel du bassin de Briey. Donc, en s'emparant de ce bassin, comme elle y est fermement résolue, si elle est victorieuse, elle trouverait chez elle les trente-huit à quarante millions de fer dont elle a besoin pour sa formidable consommation.

      La même année, la France produisait dix-neuf millions de fer, dont quatorze provenaient de la Meurthe-et-Moselle. En reprenant aux Allemands la partie de la Lorraine qu'ils lui ont volée, elle augmentera sa production de vingt millions, ce qui fera d'elle une des premières puissances métallurgiques du monde, sinon la première de toutes. Par là même, avantage non moins précieux, elle appauvrira singulièrement sa rivale.

      Mais pour que cette immense réserve de fer nous donne tout le rendement que nous sommes en droit d'en attendre, il nous faudrait avoir sur place une quantité suffisante de charbon. Or, nous ne l'avions pas en Lorraine française et nous étions obligés de faire venir le combustible de loin à grands frais.

      Heureusement, il y a, à peu de distance, dans la Lorraine annexée, un bassin houiller d'une énorme puissance qui semble placé là tout exprès pour continuer et compléter notre bassin métallurgique. C'est la vallée de la Sarre, qui nous a appartenu, et que nous devons d'autant plus revendiquer que sa richesse jadis ignorée nous apparaît aujourd'hui aussi inépuisable qu'indispensable à notre industrie. Le bassin de Sarrebruck ajouté à celui de Briey décuplera la puissance métallurgique de la France.

      L'Allemagne produisait en 1912 cent soixante-dix-sept millions de tonnes de houille, dont seize millions provenaient du bassin de la Sarre. La France n'en trouvait dans ses mines que quarante et un millions dont vingt-huit dans le Nord et le Pas-de-Calais. Son déficit, qu'elle comblait par une coûteuse importation, était d'environ seize millions, c'est-à-dire l'équivalent de la production du bassin de Sarrebruck, d'où il suit que, en reprenant ce bassin qui lui a été volé, elle trouverait chez elle tout ce qui lui est nécessaire et ne serait plus tributaire de l'étranger.

      Douloureuse fatalité! Depuis un an, nos ennemis occupent et exploitent nos deux sources les plus abondantes de fer et de houille, le bassin de Briey et les mines du Nord et du Pas-de-Calais. Ils nous ont ainsi privés du plus formidable instrument de guerre! Au jour des règlements, il faudra tenir compte non seulement de la valeur matérielle de ces richesses minérales, mais encore et surtout de la valeur militaire qu'elles auraient eue pour nous pendant les hostilités[1].

      Ajoutons un fait d'une grande importance et d'une savoureuse opportunité: c'est que la majeure partie des gisements houillers de la Sarre est la propriété privée de la couronne royale de Prusse et que, en se les appropriant, la France, sans léser les intérêts particuliers, fera seulement payer à la malfaisante dynastie des Hohenzollern une modeste partie de la rançon de son pays.

      Si, de plus, nous annexons la province de Cologne et si le régime douanier de l'Allemagne est renversé à notre profit, nous pourrons faire venir par des voies ferrées la houille de la vallée de la Ruhr et de la région westphalienne, encore plus abondante que celle de la vallée de la Sarre.

      La Prusse rhénane au-dessus de l'Eifel est une contrée très peuplée et très riche où le commerce et l'industrie ont pris depuis un siècle un incroyable essor.

      En Alsace, on a découvert entre Cernay et Mulhouse, dans la forêt de Nonnenbruck, des gisements de potasse qui, d'après les calculs du spécialiste Foerster, pourraient fournir 300 millions de potasse pure et vaudraient au moins soixante milliards. L'exploitation en est à peine commencée. La concession en a été achetée à l'État par de puissantes sociétés financières de Berlin. Pour ne pas léser les droits des particuliers, on pourrait forcer le gouvernement allemand, à titre d'indemnité de guerre, de rembourser l'argent qu'il a perçu de cette opération, et cette richesse fabuleuse reviendrait alors naturellement à la France.

      Mais il est une autre richesse plus précieuse encore: c'est une population de sept à huit millions d'habitants qui s'ajouterait fort avantageusement à la nôtre et augmenterait sérieusement notre puissance militaire. Il y a là pour nous un intérêt vital.

      La morale, la religion et le patriotisme gémissent également du fléau de la dépopulation qui sévit de plus en plus en France. Il faut espérer que la conscience publique, douloureusement éclairée par la guerre, comprendra qu'il faut absolument enrayer ce mal, et que les berceaux s'épanouiront bientôt, drus et joyeux, sur nos tombes sanglantes. Mais, en attendant, ce sera pour nous un immense avantage de pouvoir tirer chaque année quelques corps d'armée de cette riche pépinière de guerriers, de cette rive gauche du Rhin, qui en a tant fourni à la France sous l'Empire, sous la Révolution et, même avant son annexion, sous la Monarchie.

      [Note 1: Consulter l'intéressant article: L'Allemagne et le fer, de M. Fernand Engerand, député du Calvados. Correspondant du 25 mars 1915.]

       Table des matières

      #NOTRE DROIT HISTORIQUE#

       L'intérêt corrobore le droit.

      Quelques Français trop scrupuleux pourraient faire cette objection: «Est-ce que les avantages matériels et même la nécessité de la défense nationale que vous invoquez nous autorisent à occuper les terres de nos voisins? Nous reprochons justement à de Moltke d'avoir dit: «Il est vrai que l'Alsace et la Lorraine appartiennent à la France, mais, comme nous en avons besoin, nous avons le droit de les prendre.» Or n'est-ce pas le même raisonnement que nous appliquons aux provinces rhénanes? N'est-ce pas la même désinvolture dans la même injustice?»

      C'est entendu, l'intérêt ne remplace pas le droit et ne le crée pas, mais, quand il s'y ajoute, il le corrobore. Or, c'est bien notre cas. Nous ne devons pas prendre le bien d'autrui; mais la question est précisément, et avant tout, de savoir à qui appartiennent les marches du Rhin, abstraction faite de l'avantage que leur possession peut assurer à l'occupant. Or, comme nous le verrons plus loin, elles ont été gauloises environ deux mille ans avant d'être germaniques.

      L'Allemagne ne les a accaparées qu'au Xe siècle après Jésus-Christ, en vertu d'une diplomatie légale, mais arbitraire, d'un droit féodal abusif, qui partageait les nations comme un patrimoine entre les membres d'une même famille régnante, sans tenir compte des sympathies et des affinités électives des populations.

      On pourrait dire aussi, sans tomber dans des subtilités de casuistique, qu'un peuple a le droit de vivre et par conséquent de prendre contre ses voisins toutes les mesures de défense que leur perfidie et leur brutalité rendent nécessaires. S'ils en souffrent, ils ne doivent s'en prendre qu'à eux-mêmes. Par conséquent, alors même que la rive gauche du Rhin, ce qui n'est pas, appartiendrait historiquement à l'Allemagne, celle-ci aurait perdu son droit de propriété, par l'usage criminel qu'elle en a fait depuis un demi-siècle; nous aurions le droit de la lui enlever à titre de châtiment pour le passé et de précaution pour l'avenir.

      Cela soit dit pour marquer la différence qui existe entre notre thèse et le raisonnement d'apache du maréchal de Moltke. Mais nous n'avons même pas besoin de recourir à ce droit de représailles: nous en avons un autre plus ancien et plus direct, c'est le droit historique.

      * * * * *

       Valeur du droit historique

      Les Allemands font sonner très haut ce qu'ils appellent leur droit historique. Ils revendiquent toute terre où

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