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qu'ils payaient, plus élevées que celles des autres, ou qui parlaient de leurs rations, plus grosses que celles des autres, ou de la gloire que l'on pouvait conquérir en allant faire la guerre au-delà du Knife-Water.

      Kate osa s'avancer vers l'un d'eux, un homme jovial de la cinquantaine vêtu d'un uniforme qui faisait plus penser à un soldat d'opérette qu'à un vrai.

      “Hé, mon garçon ! Tu cherches l'aventure ? La bravoure ? Le risque de mourir tué par ses ennemis ? Eh bien, tu es au mauvais endroit !”

      “Au mauvais endroit ?” dit Kate, sans même se soucier d'avoir été prise pour un garçon.

      “Notre général est Massimo Caval, le soldat le plus prudent qui soit comme tout le monde le sait. Il ne livre bataille que quand il peut gagner. Il ne perd jamais ses hommes dans des confrontations stériles. Il ne —”

      “Donc, tu dis qu'il est un lâche ?” demanda Kate.

      “A la guerre, il vaut mieux être lâche, crois-moi”, dit le recruteur. “Six mois à fuir devant les forces ennemies pendant qu'elles s'ennuient, avec seulement un peu de pillage de temps à autre pour s'amuser un peu. Penses-y, cette vie, cette … attends, tu n'es pas un garçon, n'est-ce pas ?”

      “Non, mais je sais quand même me battre”, insista Kate.

      Le recruteur secoua la tête. “Non, pas pour nous, c'est impossible. Dégage !”

      Le recruteur avait beau avoir prétendu être un lâche, il semblait prêt à gifler Kate si elle restait où elle était. Donc, Kate poursuivit sa route.

      En ville, tant de choses paraissaient absurdes. La Maison des Oubliés avait été un endroit cruel mais, au moins, il y avait régné une sorte d'ordre. En ville, une fois sur deux, les gens semblaient faire tout ce qu'ils voulaient sans que les gestionnaires de la ville ne s'en préoccupent vraiment. La ville elle-même semblait assurément n'avoir aucune structure. Kate traversa un pont qui avait été envahi par des étals et des scènes de théâtre et même des petites maisons jusqu'à ce qu'il y reste à peine assez de place pour passer dessus, chose pour laquelle il avait été conçu à l'origine. Elle se rendit compte que certaines des rues dans laquelle elle marchait finissaient en queue de poisson, que certaines ruelles devenaient d'une façon ou d'une autre les toits de maisons situées plus bas avant de laisser la place à des échelles.

      En ce qui concernait les gens qui marchaient dans les rues, la ville entière ressemblait à un asile de fous. Il semblait y avoir une personne qui criait à chaque coin de rue, déclamant les bases de sa philosophie personnelle, demandant l'attention des passants pour le spectacle qu'elle allait présenter ou dénonçant l'implication du royaume dans les guerres qui se déroulaient de l'autre côté de l'océan.

      Les premières fois où Kate vit les silhouettes masquées des prêtres et des bonnes sœurs en train de mener les affaires mystérieuses de l'Ordre de la Déesse Masquée, elle se réfugia dans l’embrasure des portes mais, au bout de la troisième ou quatrième fois, elle poursuivit sa route. Elle vit un prêtre fouetter des prisonniers enchaînés et se demanda quel aspect de la miséricorde de la déesse cela représentait.

      Il y avait des chevaux partout dans la ville. Ils tiraient des chariots, portaient des cavaliers et certains des plus grands tiraient des charrettes pleines de toutes sortes de choses, de morceaux de pierre comme de tonneaux de bière. Les voir était une chose; les voler semblait en être tout à fait une autre.

      Finalement, Kate choisit un endroit devant la boutique d'un palefrenier, se rapprocha et attendit le bon moment. Pour voler quelque chose d'aussi gros qu'un cheval, il lui faudrait plus d'un moment d'inattention mais, à la base, c'était la même chose que voler une tourte. Elle entendait vagabonder les pensées des valets d'écurie. L'un d'eux sortait une jument de belle apparence en pensant à la femme noble à laquelle il allait l'emmener.

      Zut, il va lui falloir une selle d'amazone, pas celle-là.

      Cette pensée fut la seule invitation dont Kate avait besoin. Elle avança pendant que le palefrenier repartait hâtivement à l'intérieur, se disant probablement que personne ne pourrait voler ce cheval s'il revenait très vite. Kate se fraya un chemin entre les piétons qui encombraient la rue, imaginant le moment où ses mains saisiraient finalement les rênes —

      “Je te tiens !” dit une voix alors qu'une main s'abattait sur son épaule.

      L'espace d'un instant, Kate pensa que quelqu'un avait deviné ce qu'elle comptait faire mais, quand la silhouette qui l'avait saisie la retourna vers lui, Kate se rendit compte que c'était en fait un des garçons de l'orphelinat.

      Elle se tortilla pour s'enfuir et il la frappa violemment à l'estomac. Kate tomba à genoux et vit deux autres garçons arriver à toute vitesse.

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