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cette somme mais combien le faisaient et quelles souffrances devaient-ils endurer pendant les années que ça leur prenait ?

      “Cette fille aurait dû être liée par contrat synallagmatique il y a plusieurs jours !” dit la sœur masquée en montrant Sophia du doigt. “Eh bien, demain, elle le sera. Elle sera vendue comme la misérable ingrate qu'elle est. Dorénavant, les beaux jours seront finis pour elle. Il n'y aura pas d'hommes bons qui veulent acheter une femme ou de nobles qui recherchent une domestique.”

      En ce lieu, c'était ce qui passait pour une bonne vie, pour une vie facile. Sophia détestait ce fait presque autant qu'elle détestait les gens de ce lieu. Elle détestait aussi l'idée de ce qui risquerait de lui arriver. Elle avait été sur le point de devenir l'épouse d'un prince et, maintenant …

      “Les seuls qui voudront une créature aussi méchante qu'elle”, dit la sœur O’Venn, “sont des hommes cruels aux intentions encore plus cruelles. Cette fille est responsable de son sort et, maintenant, elle ira où elle devra aller.”

      “Où vous choisirez de m'envoyer !” répliqua Sophia parce qu'elle venait de voir dans les pensées de la sœur masquée qu'elle avait convoqué les pires hommes qu'elle connaisse. Rien qu'être capable de voir ce genre de chose constituait une sorte de tourment. Sophia regarda encore chacune des sœurs masquées, essayant de percer leur voile du regard pour atteindre les femmes qui se trouvaient derrière.

      “Si je vais être emmenée par des gens comme ceux-là, c'est seulement parce que vous choisissez de m'envoyer chez eux. Vous choisissez de nous lier par contrat. Vous nous vendez comme si nous n'étions rien !”

      “Tu n'es rien”, dit la sœur O’Venn en remettant la cheville dans la bouche de Sophia.

      Sophia la fusilla du regard et elle lut dans ses pensées pour essayer de trouver une trace d'humanité quelque part à l'intérieur. Elle n'y trouva rien que de la cruauté déguisée en fermeté nécessaire et du mal se faisant passer comme du devoir, sans aucune croyance véritable derrière. La sœur O’Venn aimait simplement faire souffrir les faibles.

      Alors, elle fit souffrir Sophia et Sophia ne put que crier.

      Elle se jeta contre les cordes, essaya de se dégager ou au moins de trouver un tout petit peu d'espace dans lequel elle puisse échapper au fouet qui la déchirait pour lui arracher sa pénitence. Cependant, elle ne pouvait rien faire mis à part crier, supplier sans mots en mordant le bois pendant que ses pouvoirs envoyaient ses cris par télépathie en espérant que sa sœur les entendrait quelque part à Ashton.

      Il n'y eut aucune réponse hormis le sifflement constant du cuir tressé dans l'air et son choc contre son dos ensanglanté. La sœur masquée la battait avec une force en apparence inépuisable. Il vint alors un moment où les jambes de Sophia ne purent plus la porter et où elle n'eut même plus la force de crier.

      Quelque temps après cela, elle avait dû s'évanouir mais cela ne faisait aucune différence. A ce stade, même les cauchemars de Sophia étaient violents et lui rappelaient ses vieux rêves d'une maison en feu et des hommes qu'il avait fallu qu'elle sème. Quand elle reprit conscience, les sœurs avaient fini et les autres étaient partis depuis longtemps.

      Encore attachée, Sophia pleura pendant que la pluie essuyait le sang que sa torture avait fait couler. Il aurait été facile de s'imaginer que cela ne pourrait jamais être pire, mais si.

      Cela pouvait devenir bien pire.

      Et demain, cela le serait.

      CHAPITRE DEUX

      Kate se tenait au-dessus d'Ashton et la regardait brûler. Elle avait cru qu'elle serait heureuse de la voir disparaître mais ce n'était pas seulement la Maison des Oubliés ou les espaces où les travailleurs des quais gardaient leurs barges.

      C'était la totalité de la ville.

      Le bois et le chaume brûlaient et Kate sentait la terreur des gens qui se trouvaient dans le grand cercle de maisons. Des coups de canon rugissaient par-dessus les hurlements des mourants et Kate voyait des séries de bâtiments tomber aussi facilement que s'ils étaient en papier. On entendait des tromblons et les flèches remplissaient si bien l'air qu'il était difficile de voir le ciel qui s'étendait au-delà. Elles s'abattaient et Kate les traversait avec le calme étrange et détaché que l'on ne peut ressentir que lorsqu'on rêve.

      Non, ce n'était pas un rêve. C'était plus que ça.

      Quels que soient les pouvoirs de la fontaine de Siobhan, ils couraient en Kate, maintenant, et elle voyait la mort tout autour d'elle. Les chevaux couraient dans les rues et les cavaliers tuaient les gens avec des sabres. Elle entendait des cris tout autour d'elle et ils semblaient remplir la ville de façon aussi inévitable que le feu. Même la rivière semblait être en feu, maintenant, bien que, en fait, comme le voyait Kate, c'étaient les barges qui la recouvraient sur toute sa largeur qui brûlaient. Le feu sautait d'une barge à l'autre pendant que les hommes faisaient tout leur possible pour s'en éloigner. Comme Kate avait déjà été sur une barge, elle devinait que ces flammes devaient être terrifiantes.

      Il y avait des silhouettes qui couraient dans les rues et il était facile de faire la différence entre les citoyens en proie à la panique et les hommes en uniforme ocre qui les suivaient avec des épées et les tuaient alors qu'ils fuyaient. Kate n'avait jamais assisté au sac d'une ville mais celui-ci était horrible. C'était de la violence sans but et qui semblait ne jamais devoir s'interrompre.

      A présent, au-delà de la ville, il y avait des lignes de réfugiés qui partaient avec toutes les possessions qu'ils pouvaient porter, formant de longues rangées qui se dirigeaient vers les autres régions du pays. Allaient-ils chercher refuge dans les Ridings ou aller plus loin, vers des villes comme Treford ou Barriston ?

      Alors, Kate vit les cavaliers foncer vers eux et elle comprit qu'ils n'iraient pas loin. Cependant, comme ils avaient le feu derrière eux, ils n'avaient nulle part où fuir. Que ressentait-on quand on se faisait prendre comme ça ?

      Cela dit, elle le savait, n'est-ce pas ?

      Ashton disparut et, alors, Kate comprit qu'elle ne regardait pas quelque chose qui risquait d'arriver mais quelque chose qui avait déjà eu lieu. Elle connaissait ce rêve parce que c'en était un qu'elle avait eu beaucoup trop souvent. Elle était dans une vieille maison, une maison grandiose, et le danger arrivait.

      Cela dit, cette fois, il y avait quelque chose de différent. Il y avait des gens et, quand Kate levait les yeux pour les regarder, ils étaient tellement loin au-dessus qu'elle savait qu'elle devait être extrêmement jeune. Il y avait un homme qui avait l'air inquiet mais fort. Il portait le vêtement en velours d'un noble, qu'il venait de mettre à la hâte. Il venait aussi de retirer une perruque noire frisée parce qu'il était urgent qu'il s'occupe de la situation et cela montrait qu'il avait les cheveux gris et coupés court. La femme qui était avec lui était belle mais échevelée, comme si, normalement, il lui fallait une heure pour s'habiller avec l'aide de ses servantes alors que, ce jour-là, elle l'avait fait en quelques minutes. Elle avait l'air gentille et Kate tendit les bras vers elle et ne comprit pas pourquoi la femme ne la prit pas dans ses bras alors qu'elle le faisait d'habitude.

      “On n'a pas le temps”, dit l'homme. “Et si on tente tous de s'échapper, ils n'auront qu'à nous suivre. Il faut qu'on parte séparément.”

      “Mais les enfants —” commença à dire la femme. Maintenant, Kate savait sans avoir besoin qu'on le lui dise que c'était sa mère.

      “Ils seront plus en sécurité loin de nous”, dit son père. Il se tourna vers une domestique et Kate reconnut sa nounou. “Il faut que tu les emmènes, Anora. Emmène-les en lieu sûr, là où personne ne les connaîtra. Nous les retrouverons quand cette folie sera passée.”

      Alors, Kate vit Sophia, qui avait l'air beaucoup trop jeune mais aussi d'être sur le point de protester. Kate ne connaissait cet air que trop bien.

      “Non”,

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