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fouillaient à la recherche de corps. Le Maître des Corbeaux sentait les moments où ils les trouvaient et mangeaient, le nourrissant ainsi de petits morceaux de vie perdue.

      Il gagnait plus de pouvoir grâce aux potences et aux roues de supplice, aux poteaux de torture et aux cages. Un bataillon entier de ses troupes s’en occupait, forçait les criminels à entrer dans les cages ; or, à Ashton, selon les lois de la Nouvelle Armée, presque tout le monde était un criminel. On entendait les détonations des mousquets pendant que les soldats s’entraînaient au tir sur les condamnés et les corbeaux ne manquaient jamais de s’abattre sur ceux qui tombaient.

      Encore plus de vies s’échappaient des endroits où les citoyens restants de la ville travaillaient comme esclaves, forcés de porter, forger, creuser et construire. Il n’y avait pas de temps pour se reposer et très peu pour dormir. Ceux qui tombaient étaient battus jusqu’à ce qu’ils se relèvent et ceux qui ne se relevaient pas étaient dévorés par les animaux favoris du Maître des Corbeaux.

      — Encore, dit-il parce que sa faim était insatiable.

      Les corbeaux en demandaient toujours plus et il fallait qu’il les nourrisse. Ses mots résonnaient partout dans la ville, répétés par mille oiseaux. On en veut d’autre.

      Il n’avait pas besoin de ses corbeaux que pour calmer sa faim. Son esprit observait tout, interrogeait corbeau après corbeau, dépassait les confins de la ville et lui permettait de surveiller le reste du pays. Il voyait des champs et des villes, la progression de ses armées et les endroits où les citoyens du royaume cherchaient à créer la leur.

      — Devrais-je vous écraser maintenant ou plus tard ? se demanda-t-il.

      S’il le faisait maintenant, il écraserait n’importe quelle rébellion sans difficulté. Cependant, s’il attendait, les rebelles auraient attiré plus de monde, cela lui ferait beaucoup plus de morts, lui rapporterait beaucoup plus de pouvoir.

      Un autre corbeau lui montra pourquoi il lui fallait ce pouvoir. Stonehome était protégée par la longue muraille qui l’entourait et les mégalithes installés à intervalles réguliers servaient d’ancrage au bouclier que les habitants pouvaient invoquer. À Stonehome, le Maître des Corbeaux voyait plus de gens que cet endroit n’aurait dû pouvoir en accueillir : une bonne moitié de ceux qui avaient fui d’Ashton, le roi Sebastian et …

      Même de là-haut, la lueur éclatante de l’enfant était impossible à ignorer. La fille de Sophia Danse dégageait un pouvoir capable d’éclipser le soleil et qui pourrait même suffire à rassasier les corbeaux. Avec cette sorte de pouvoir, un homme pourrait devenir immortel sans plus jamais avoir besoin de tuer, sans plus avoir besoin des ailes noires des corbeaux.

      Il pourrait acquérir assez de pouvoir pour tout prendre.

      Il revint dans son propre corps et se tourna vers les aides de camp qui attendaient à côté. Plusieurs de ses capitaines se tenaient avec eux et ils avaient l’air aussi inquiets que tous ses acolytes apprenaient à l’être avec le temps.

      — Quelle a été notre progression ? demanda-t-il, entendant le croassement et l’éraillement de sa propre voix, qui était toujours en triste état quand il avait passé beaucoup de temps dans l’esprit de ses oiseaux. Il désigna un des capitaines au hasard, se doutant que, s’il s’y prenait autrement, ils passeraient leur temps à se disputer pour savoir qui devait passer en premier, ou en dernier.

      — Mes hommes continuent à traquer les traînards, dit l’homme. Des gens continuent à habiter dans les cachettes de la ville et dans les taudis comme des rats, mais —

      — Suivant, dit le Maître des Corbeaux en l’interrompant.

      — Nous contrôlons presque entièrement la campagne environnante, dit un autre des capitaines. Les nouvelles lois ont été mises en place et nous avons commencé à —

      — Suivant, dit le Maître des Corbeaux.

      — Il y a un noble qui s’est proclamé roi et —

      — Imaginez-vous que je ne suis pas au courant ? demanda-t-il en sentant monter son irritation. On s’en occupera, mais ce n’est pas urgent.

      — Pardonnez-nous, monseigneur, dit un de ses aides de camp, mais que voulez-vous que nous vous disions ?

      — Je veux que vous me décriviez comment avance l’offensive contre Stonehome. Je veux que vous me disiez que vous avez trouvé une solution pour détruire ce maudit bouclier qu’ils ont mis en place.

      — Nous avons envoyé des ingénieurs pour qu’ils essaient de saper leurs murailles, dit l’aide de camp.

      Le Maître des Corbeaux regarda l’homme.

      — Et ?

      — Et ils ont été tués par des incursions des habitants. Il y avait du brouillard et —

      — Et quand il s’est levé, ils étaient morts, oui, oui, dit le Maître des Corbeaux, irrité. Quoi d’autre ?

      — Les canons ne fonctionnent pas contre le bouclier, dit un de ses capitaines, et les autres sortes d’assaut physique non plus.

      — Ne me dites pas ce qui ne fonctionne pas, dit le Maître des Corbeaux. Je sais que mon armée ne peut pas passer.

      — Nous cherchons une personne qui aurait une solution, dit un aide de camp, mais ces gens sont réticents, même quand on leur promet des richesses.

      Évidemment. Tous ceux qui avaient cette sorte de connaissances avaient forcément quelques talents en magie et, maintenant, ce genre d’homme serait fort peu susceptible d’aider la Nouvelle Armée. Il craindrait trop ce qui risquerait de lui arriver par la suite.

      — Cherchez dans tous les livres, dit le Maître des Corbeaux. Je veux que l’on épluche tous les ouvrages de magie. Je veux que tous les hommes qui savent lire, que tous les aides de camp, que tous les capitaines qui ne sont pas sur le champ de bataille inspectent les bibliothèques de la ville. Offrez une récompense. Tout homme ou femme qui apportera des informations sur le bouclier qui entoure Stonehome sera épargné, recevra de l’or et une place dans mon armée, même s’il a des talents de magie, même s’il est prêtre de la Déesse Masquée, ou noble ou quoi que ce soit d’autre. Trouvez-moi une solution et je pardonnerai tout. Il me faut cet enfant !

      Il repartit dans le palais d’Ashton, qui avait été aussi abîmé et changé que le reste de la ville. Il n’avait que faire des trous que les explosions avaient creusés dans les murs au cours de la bataille ou des bureaux et des casernes qui avaient pris la place des chambres des nobles d’autrefois. Des cris venaient d’une des pièces où ses interrogateurs torturaient un domestique pour trouver ce qu’il savait sur la ville. Le Maître des Corbeaux haussa les épaules et continua à marcher.

      Il s’arrêta brièvement quand il passa devant un miroir à dorures. La vue de son reflet attira son attention pendant un moment. Le grand corps enveloppé dans un manteau sombre et couvert de corbeaux était le même que d’habitude, mais c’était la petite marque rouge, qui contrastait fortement avec la pâleur de sa peau, qui l’avait poussé à s’arrêter.

      Quand il approcha, il arriva à nouveau à distinguer la forme de l’empreinte d’une main d’enfant et elle était aussi rouge maintenant qu’elle l’avait été quelques secondes après que la jeune Princesse Violette l’avait touché à cet endroit. À présent, la brûlure ne lui faisait mal que lorsqu’il la touchait, mais cela lui rappelait que Violette avait le pouvoir de lui faire du mal et c’était un fait impossible à ignorer.

      — Monseigneur, monseigneur ! appela un domestique en se plaçant sur la route du Maître des Corbeaux.

      Ce dernier envisagea brièvement de tuer l’homme pour l’avoir interrompu mais le peu de pouvoir que cela lui rapporterait ne compenserait jamais tout ce qui lui avait échappé.

      — Que se passe-t-il ? demanda le Maître des Corbeaux.

      — Monseigneur,

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