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causer une division de plus, et de devoir tout sacrifier à l'union de l'intérieur de leur groupe, exilé en Angleterre. Quelle déplorable faiblesse et quelle étroite façon de juger une position aussi grave! Une fois qu'elle se verrait toute seule de son bord, il faudrait bien qu'elle se soumit. Mais enfin on est en terreur d'elle, Dieu sait pourquoi!»

      Voici maintenant l'extrait d'une lettre de l'obligeant Scarella, qui m'écrit de Venise, après son retour d'un voyage à Rome, au sujet des commissions artistiques qu'il veut bien surveiller pour moi à Venise; il me dit: «J'ai eu occasion de me convaincre, hélas! à Rome, que le vénérable Pontife Grégoire XVI a été bien négligé et même abandonné dans sa dernière maladie! J'ai eu une longue audience de son successeur. Il a daigné me parler avec confiance et grande tristesse. Il m'a avoué l'état cruel de sa position actuelle, environnée de partis révolutionnaires qui conspirent sans cesse. On parvient à grand'peine à les comprimer, mais non à les détruire. L'esprit public est très mauvais dans les États romains et en révolte contre le Gouvernement qui est faible et inactif, incapable de conserver la tranquillité sans les troupes étrangères. Le Gouvernement qui, il y a quelques années, a si légèrement encouragé la révolution, n'a pas admis, jusqu'à présent, les moindres progrès administratifs; ni chemins de fer, ni télégraphes, ni éclairage au gaz, etc., etc… Ce Gouvernement misérable épuise la fortune de ses sujets, sans qu'il en résulte de bénéfice pour lui-même. J'ai assisté à l'élection du Général des Jésuites, le Père Beckx; il a été bien reçu du Pape, quoique le Saint-Père n'aime pas cette Compagnie, si essentielle cependant, et qui pourrait lui être bien utile. J'ai également assisté aux fonctions du chapeau donné aux deux Cardinaux français, et j'ai vu l'illumination de la Girandole au Monte Pincio, substituée à celle du Château Saint-Ange, occupé maintenant par le magasin à poudre des Français.»

      Teplitz, 19 août 1853.– Il paraît qu'on porte des jugements fort divers sur la nouvelle Duchesse de Brabant. On me dit que la Reine de Prusse en fait un portrait flatteur; et avant-hier, Mme de Ficquelmont et sa fille assuraient toutes deux que cette Princesse avait une tête charmante et une expression pleine d'agrément dans les yeux; que c'était, en un mot, une beauté de Rubens qui semblait faite exprès pour la Belgique; qu'en outre, elle avait l'esprit prompt et ouvert, et que les maîtres qui l'avaient instruite assuraient qu'elle avait une intelligence rapide et une capacité rare. Maintenant, où est le vrai?

      Teplitz, 25 août 1853.L'Indépendance belge nous fait assister à la marche triomphale de la Duchesse de Brabant. Elle doit être touchée de l'accueil que lui fait le beau et riche pays qu'elle traverse, où les souvenirs de ses ancêtres ressuscitent sous ses pas.

      On me mande qu'on en a une humeur de chien aux Tuileries, ce que je conçois à merveille; mais ce que je ne m'explique pas, c'est que le Ministre de France à Bruxelles soit le seul du Corps diplomatique qui ne se trouvera pas à son poste pour la cérémonie.

      J'ai eu les détails suivants sur ce qui vient de se passer à Ischl. L'Empereur d'Autriche y est arrivé le 16 août au soir. Il a vu sa tante et ses cousines de Bavière le 17, et on a été frappe de la façon particulière et attentive dont il regardait sa cousine Élisabeth. Le 18, au bal, il a dansé la première valse avec la sœur aînée; cette valse a été courte; il a dansé la seconde avec la sœur cadette, qui a été interminable. Plus tard, dans la figure du cotillon où on offre des bouquets, il a traversé la salle et a offert le sien à la Princesse Élisabeth. Le 19, il s'est renfermé, n'a vu personne, et à dîner, il avait l'air très sérieux. Le 20, au matin, il a été avec sa mère, chez sa tante, la Duchesse de Bavière, demander la main de sa cousine. Le oui a été dit sans beaucoup de difficultés. Aussitôt après, il a été avec la fiancée et les deux mères à l'église. Une personne qui se trouvait dans un coin de l'église, y entendant la messe pour son propre compte, les a vus arriver, tous très émus, très pieux, et recueillis. (Ce n'était pas un dimanche.) En sortant de l'église, le mariage a été déclaré et aussitôt après, l'Empereur a été, en famille, passer le reste de la journée dans les montagnes. Si l'Empereur avait écouté les désirs particuliers de sa mère et de sa tante, la Reine de Prusse, il eût épousé une de ses cousines germaines de Saxe; mais aucune ne lui a plu; il l'a déclaré tout simplement, en disant qu'il n'était nullement pressé de se marier, et qu'il n'épouserait qu'une Princesse qui lui plairait. C'est donc une autre cousine germaine de Bavière qui lui a plu, et après avoir pris vingt-quatre heures de solitude et de réflexion, il a passé outre. Le comte de Ficquelmont, qui dînait hier chez moi, me disait que tout cela était bien, en effet, dans le caractère du jeune Empereur: «Indépendant, réfléchi et déterminé.» Il aime et estime son jeune Souverain, et je vois que c'est l'effet qu'il produit sur tous ceux qui l'approchent. M. de Ficquelmont me citait aussi un mot du général russe de Berg qui, après l'éclatante entrée de l'Empereur à Raab, disait aux Autrichiens: «Messieurs, je vous félicite d'avoir un Empereur aussi brillant; mais ce qui vaut mieux, c'est que vous avez en lui non seulement un Empereur, mais encore un maître.»

      La Princesse Élisabeth, étant cousine germaine de l'Empereur et Princesse de Bavière de père et de mère, est tout à fait du bois dont on fait de très véritables Impératrices. On la dit très agréable, de fort beaux yeux, une jolie expression et une taille gracieuse. Elle n'aura seize ans qu'au mois de décembre; le mariage ne se célébrera qu'après le jour de l'An. Cette nouvelle alliance bavaroise pourrait bien ne pas plaire à Berlin. La future belle-mère de l'Empereur est, à ce que j'ai lieu de croire, la plus spirituelle princesse et la plus instruite de sa famille, qui compte cependant plus d'une princesse distinguée; elle est originale, retirée, ne sortant que peu de son château de Possenhofen, où elle a vécu d'études et de dévouement à l'éducation de ses filles.

       Teplitz, 28 août 1853.– J'ai eu une nouvelle lettre d'Ischl dans laquelle on me mande que, lorsque l'Empereur a parlé à Madame sa mère du désir d'épouser la Princesse de Bavière, il l'a fait dans ces termes: «Si j'étais sûr qu'on ne persuadât et ne poussât pas la Princesse à m'accepter, je voudrais lui demander moi-même si elle consent à partager mon sort difficile, à m'aider à en porter le poids et à l'alléger.» On a donc sondé la jeune personne en lui disant qu'elle ne devait consulter que son cœur et ne regarder en rien à l'éclat de la situation. Elle a répondu que ce n'était que cette position trop élevée et trop difficile qui pourrait l'effrayer, car quant à la personne, elle s'y sentait vivement attirée. L'Empereur, en recevant cette réponse, a dit au comte O'Donnel: «Je vous remercie aujourd'hui doublement de ce que vous avez été pour moi, sur le bastion de Vienne.» Les deux mères auraient voulu que la chose fût tenue secrète jusqu'à l'arrivée ou, au moins, jusqu'à la réponse du Duc Maximilien, père de la Princesse, auquel personne n'avait songé dans les premiers moments d'effusion; mais l'Empereur a dit qu'il ne fallait pas que son bonheur fût caché et qu'il avait hâte de le proclamer.

      Sagan, 3 septembre 1853.– On me mande de bonne source que le duc de Broglie est converti à la fusion; c'est malheureusement bien tard, et il n'a pas peu contribué, par son hérésie politique, à creuser l'abîme entre les deux branches en fortifiant, pendant des années, l'obstination de Mme la Duchesse d'Orléans.

      Qu'il est rare que les gens, même les plus honnêtes et les plus distingués, fassent les choses importantes à propos!

       Sagan, 6 septembre 1853.– Lady Westmorland me mande de Vienne ce qui suit: «Nous voilà replongés dans les incertitudes et les négociations par cette réponse de Constantinople. Je ne crois pas que cela empêche l'accommodement que tous veulent, mais cela nous donnera encore beaucoup de peine et de tracas85

      On dit la jeune Impératrice jolie, et l'Empereur épris et très heureux.

       Sagan, 9 septembre 1853.– Voici ce que m'écrit d'Anjou M. de Falloux; il revenait de faire une course à Paris. «On a trois politiques distinctes à Paris: celle des agioteurs qui jetteraient volontiers le Sultan dans le Bosphore pour cinq francs de hausse à la Bourse. M. de Morny et M. Fould patronnent cette politique, et la font, à cette heure, triompher officiellement. A l'extrémité opposée, la politique révolutionnaire de la guerre

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L'Église grecque, dans les Lieux Saints, empiétait sur l'Église latine qui perdait ainsi tout droit. Appuyée par la France, l'Église latine demanda que la question reçût un nouveau règlement, et la Turquie fut appelée à en décider. La Russie, croyant le moment venu d'imposer ses volontés, envoya à Constantinople le maréchal Menschikoff, avec des propositions dont elle exigeait la signature immédiate. La Turquie, voyant l'abdication de son indépendance, les rejeta. La Russie envahit aussitôt les Principautés danubiennes. C'était un casus belli. L'Angleterre, la France et l'Autriche, dans l'espoir de maintenir la paix, adressèrent à la Russie une note portant leurs trois signatures. La Turquie, n'ayant pas accepté, sans modification, le contenu de cette note, le Czar la rejeta, et le but que l'on se proposait ne fut pas atteint.