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de s'emparer de Méri-sur-Seine et de Château-Thierri. Il fut tué au siège de la première ville qui fut prise, et son corps fut enterré à St. – Just en Champagne. On peut le regarder à juste titre comme le véritable fondateur de Port-Royal ou Annapolis. Sa persévérance assura le succès de l'établissement de l'Acadie; car la destruction de Port-Royal n'amena pas l'abandon de cette province, qui continua d'être occupée par la plupart des anciens colons, auxquels vinrent bientôt se joindre de nombreux aventuriers.

Le gouvernement français, qui n'avait pris aucun intérêt direct à cette colonie, n'eut pas même l'idée de venger les actes de piraterie d'Argall. La cour de la régente, livrée aux cabales et aux factions des grands qui finirent par se soulever, et mirent la monarchie sur le bord de l'abîme, 31 avait d'ailleurs bien autre chose à faire qu'à prendre en main la cause des pauvres planteurs de l'Acadie. Poutrincourt n'avait pas assez d'influence auprès de Marie de Médicis pour espérer qu'elle se chargeât de la défense de ses intérêts, et il ne fit aucune démarche auprès d'elle. Il se contenta d'adresser des plaintes inutiles contre le P. Biart à l'amirauté de Guyenne.

Note 31:(retour) «L'ambassadeur d'Espagne voyant ce déchaînement presque général écrivait à son roi de profiter de cette circonstance pour démembrer la France, au lieu de lui procurer, par le mariage de sa fille, une tranquillité dont la monarchie espagnole pourrait souffrir.» – Anquetil.

      La marquise de Guercheville envoya la Saussaye à Londres pour y demander réparation des dommages qu'on lui avait faits contre le droit des gens; elle fut indemnisée d'une partie de ses pertes par l'appui qu'elle reçut sans doute de la part de l'ambassadeur de France. Elle reconnut alors, mais trop tard, la faute qu'elle avait faite de ne pas suivre l'avis de Champlain qui la rejette indirectement sur le P. Cotton, confesseur de Louis XIII. Mais y aurait-il eu bien de la sûreté répète-t-on à confier à un calviniste la direction d'un établissement dont le principal objet était de répandre la foi catholique parmi les tribus de la Nouvelle-France? Ce que l'on peut répondre à cela, c'est qu'il est bien fâcheux que l'intérêt des colonies et celui de la religion, n'aient pas toujours été identiques.

      Malgré la nullité de ses résultats aujourd'hui, l'on ne peut s'empêcher cependant d'admirer un enthousiasme religieux comme celui qui animait madame de Guercheville, et qui la portait à sacrifier une partie de sa fortune pour la conversion des infidèles. Mais en lui rendant toute la justice qui lui est due pour un dévouement qui doit paraître sublime dans ce siècle de froid calcul et d'égoïste avidité, l'on peut se demander pourquoi est-il resté sans fruit, et ultérieurement sans avantage pour la France. Il est vrai qu'à cette époque l'expérience n'avait pas encore appris que l'intérêt religieux même exigeait impérieusement que tout fût sacrifié à l'avancement et à la consolidation des colonies; car celles-ci tombant, la ruine des missions devait en être la suite, ou du moins leur succès devenait fort problématique.

      CHAPITRE II.

      CANADA.

      1603-1628

      M. de Monts abandonne l'Acadie pour le Canada. – Fondation de Québec. – Conspiration contre Champlain punie. – Alliance avec les Algonquins et leurs alliés. -1ère expédition contre les Iroquois. -2me expédition contre les mêmes. – De Monts se retire des affaires du Canada. – Le comte de Soissons le remplace comme lieutenant-général. – Il meurt. – Le prince de Condé lui succède. – Champlain forme une société qui obtient le privilège exclusif de la traite des pelleteries. – Opposition que ce privilège fait naître. – Le prince de Condé vend sa lieutenance générale au duc de Montmorenci. – Traité de Champlain avec les Hurons. – Il explore la rivière des Outaouais, et découvre le lac Ontario et le lac Nipissing. -3me expédition contre les Iroquois. – Paix entre les Algonquins et leurs alliés et les cinq cantons. – Le duc de Ventadour lieutenant-général de la Nouvelle-France. – Arrivée des Jésuites en Canada. – Champlain passe deux ans en France. – Richelieu dissout la compagnie du Canada, et forme celle dite des cent associés.

      Nous avons vu dans le chapitre précédent que M. de Monts avait abandonné l'Acadie, après le retrait de son privilège exclusif de la traite en 1607. Il tourna alors entièrement ses regards du côté du Canada, où deux motifs le firent persister dans son entreprise: l'augmentation des possessions françaises, et l'espoir de pénétrer quelque jour par le St. – Laurent jusqu'à la mer occidentale, et de là à la Chine. Le passage au grand Océan par le Nord-Ouest, est un problème dont on cherche la solution depuis Colomb, et qui n'a été résolu que de nos jours.

      Ayant obtenu du roi le renouvellement de son privilège pour un an, afin de s'indemniser de ses dépenses, il nomma Champlain pour son lieutenant; et arma en 1608, avec ses associés, deux navires, dont l'un pour trafiquer à Tadoussac, et l'autre pour porter les colons qui devaient commencer l'établissement qu'il avait projeté dans le St. – Laurent.

      Champlain arriva à Québec le 3 juillet, et débarqua sur une pointe qu'occupe aujourd'hui la Basse-Ville. La nature avait formé l'île de terre qu'entourent le fleuve St. – Laurent et les rivières du Cap-Rouge et St. – Charles, pour être le berceau de la colonie; et en effet depuis Cartier les avantages de cette situation frappaient tous ceux qui remontaient le fleuve. Il y fit élever une habitation fortifiée et spacieuse, et tout le monde fut mis à défricher la terre, ou employé à d'autres travaux. Ainsi le bruit et le mouvement remplacèrent le silence qui avait régné jusque-là sur cette plage déserte et solitaire, et annoncèrent aux Sauvages l'activité européenne, et la naissance d'une ville qui devait devenir l'une des plus fameuses du Nouveau-Monde.

L'étymologie du nom de Québec a été, comme celle du nom du Canada, un objet de discussion parmi les savans. Malheureusement pour les amateurs d'origines romanesques ou singulières, nous sommes forcé bien malgré nous de détruire encore ici une de leurs illusions. Québec ne doit le nom qu'il porte, ni au cri d'admiration d'un Normand enthousiasmé, ni à la piété patriotique d'un colon transportant soigneusement avec lui une appellation propre à réveiller dans son coeur les souvenirs de son pays natal. Champlain nous dit positivement qu'il débarqua dans un lieu que les Indigènes nommaient Québec, mot sauvage qui signifie détroit, et qui désigne en effet le rétrécissement du St. – Laurent sur ce point de son cours, où (au Cap-Rouge) il n'a pas plus de 900 verges de largeur. 32

Note 32:(retour) Le mot Québec prononcé Ouabec dans la langue algonquine, dit M. Sta. – Vassal, signifie détroit. Ce Monsieur, né d'une mère abénaquise et qui parle plusieurs dialectes des Indigènes au milieu desquels il a passé la plus grande partie de sa vie, m'assure que ce mot est purement sauvage.

      M. Malo, missionnaire en 1842 chez les tribus du golfe St. – Laurent, et dont j'ai eu le plaisir de faire la connaissance en descendant du Haut-Canada, m'assure pareillement que le mot Kibec dans l'idiome Micmac a la même signification. Ce M. qui voudra bien me pardonner d'avoir fait usage de son nom, n'a aucun doute que celui de notre ancienne capitale est d'origine indienne.

      A peine pouvait-on dire que la colonie existât, qu'une conspiration faillit de la détruire de fond en comble. La discipline sévère maintenue par son chef, servit de prétexte à un serrurier normand, nommé Jean Duval, pour se défaire de lui. Cet homme, d'un caractère déterminé, qui avait été blessé dans la guerre avec les Sauvages de la Nouvelle-Angleterre pendant son séjour en Acadie, entraîna plusieurs personnes dans son complot. Les conjurés après avoir fait périr le gouverneur, soit en l'étranglant dans son lit, soit en le tuant à coup d'arquebuse si le premier moyen ne réussissait pas, devaient piller les magasins et se retirer en Espagne avec leurs dépouilles. Quatre jours avant l'exécution du projet, un d'entre eux, tourmenté de remords, vint tout avouer et nomma ceux de ses complices qui lui étaient connus. Quatre des principaux furent arrêtés sur le champ; et dans l'ignorance où l'on était de l'étendue des ramifications, on les envoya à Tadoussac afin de rompre entièrement la trame, et d'ôter à leurs associés l'envie même de les délivrer.

Lorsqu'on eût pris les mesures de sûreté nécessaires,

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