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quand ils revinrent trois ans après, ils trouvèrent le fort et les maisons dans l'état dans lequel ils les avaient laissés, les meubles étant même encore à leur place. C'est en 1607 que Port-Royal fut ainsi abandonné.

      Mais Poutrincourt était parti avec la résolution de revenir, s'il pouvait trouver quelque citoyen riche pour s'associer à son entreprise, de Monts s'en étant retiré tout-à-fait. Des personnes de qualité l'amusèrent d'abord pendant deux ans de leurs vaines promesses. Voyant que ces négociations n'avaient aucun résultat, il tourna les yeux ailleurs, et forma enfin un traité avec deux riches négocians de Dieppe, nommés Dujardin et Duquêne. Le coeur plein de joie, il remit à la voile pour l'Acadie (1610) avec bon nombre d'artisans et de personnes appartenant aux classes les plus respectables.

      Dans la même année fut assassiné Henri IV. Cette calamité nationale eut encore des suites plus funestes pour la lointaine et faible colonie de la baie Française, que pour le reste du royaume. L'intrigue et la violence qui firent place, sous Marie de Médicis et son ministre Concini, à la politique conciliante du feu roi, vinrent troubler jusqu'aux humbles cabanes de Port-Royal, où elles jetèrent la confusion, et dont elles causèrent la ruine plus tard.

      Dès que le ministre italien fut au pouvoir, les Jésuites eurent assez d'influence pour forcer le baron de Poutrincourt de les recevoir dans son établissement en qualité de missionnaires. Ses associés qui étaient huguenots, ou qui avaient des préjugés contre ces religieux, qu'ils regardaient comme les auteurs de la ligue et de l'assassinat de Henri, préférèrent se retirer de la société que d'y rester si l'on persistait à les admettre dans la colonie. Ils y furent remplacés sur le champ par la marquise de Guercheville qui s'était déclarée la protectrice des missions de l'Amérique: c'était tout ce que l'on demandait. La marquise acheta en outre les droits que de Monts avait sur toute l'Acadie, et qu'elle se promettait de faire revivre. Poutrincourt se trouva complètement à sa merci. Son fils signa un arrangement avec elle, par lequel la subsistance des missionnaires devait être prise sur le produit de la pêche et du commerce des pelleteries.

      Cette dame qui ne faisait rien sans l'avis des Jésuites, les fit entrer encore dans le partage des profits de la traite, ôtant ainsi, selon Lescarbot, à ceux qui auraient eu la volonté d'aider à l'entreprise, le moyen d'y prendre part. «S'il fallait donner quelque chose, continue ce judicieux écrivain, c'était Poutrincourt, et non au Jésuite qui ne peut subsister sans lui. Je veux dire qu'il fallait premièrement aider à établir la république, sans laquelle l'Eglise ne peut être, d'autant que, comme disait un ancien évêque, l'Eglise est en la république, et non la république en l'Eglise.»

      Les profits que rendaient les pelleteries se trouvèrent ainsi en partie absorbés pour le soutien des missions au détriment de Port-Royal. Les protestans et les catholiques, partisans de la politique de Sully, composaient ce qu'il y avait de plus industrieux en France, et étaient par cela-même plus favorables aux améliorations que leurs adversaires, auxquels ils durent cependant céder le pas dans les plantations comme ailleurs, depuis l'avènement de Marie de Médicis aux affaires. L'intérêt du pays fut ainsi sacrifié à la dévotion sublime, mais outrée du 17e siècle.

      Les dissensions ne tardèrent pas à éclater en Acadie. Les Jésuites, agissant au nom de celle qui les y avait envoyés et maintenus, firent saisir les vaisseaux de Poutrincourt; il s'en suivit des emprisonnemens et des procès qui le ruinèrent, et réduisirent les habitans de Port-Royal auxquels il ne put envoyer des provisions, à vivre de glands et de racines durant tout un hiver.

      La marquise de Guercheville se retira alors de la société, et avisa aux moyens d'établir les Jésuites ailleurs. Champlain fit tout ce qu'il put pour l'engager à se lier avec de Monts; mais elle refusa constamment de s'associer avec un calviniste. Au reste les Jésuites espéraient peut-être former en Acadie un établissement semblable à celui qu'ils avaient déjà dans le Paraguay, et qui fût entièrement sous leur contrôle; mais leur tentative eut les suites les plus funestes.

      Leur protectrice fit armer à ses frais un vaisseau à Harfleur, dépense à laquelle la reine-mère voulut bien contribuer; et de la Saussaye, un de ses favoris, fut choisi pour le commander. Il alla prendre les Jésuites de Port-Royal et continua sa route vers le Mont-Désert, où il entra dans la rivière Penobscot (Pentagoët), que le P. Biart avait explorée l'année précédente, et commença sur la rive gauche un établissement qu'il nomma St. – Sauveur (1613).

      Tout marcha d'abord comme on pouvait le désirer; et l'on se flattait déjà d'un succès qui dépasserait toutes les espérances, lorsqu'un orage, parti du côté d'où l'on devait le moins l'attendre, vint fondre sur la nouvelle colonie et l'étouffer dans son berceau. Voici ce qui donna lieu à cet événement.

      L'Angleterre réclamait le pays jusqu'au 45e. degré de latitude septentrionale, c'est-à-dire, une grande portion de l'Acadie. La France, au contraire, prétendait descendre vers le sud jusqu'au 40e. degré. Il résultait de ce conflit que, tandis que la Saussaye se croyait dans les limites de la Nouvelle-France à St. – Sauveur, les Anglais l'y regardèrent comme empiétant sur leur territoire.

      Aussi le capitaine Argall de la Virginie, n'eut-il pas été plutôt informé de son apparition sur la rivière Penobscot, qu'il résolût d'aller le déloger. L'espoir d'y faire un riche butin fut néanmoins pour beaucoup dans cet accès de patriotisme.

      Il parut devant St. – Sauveur avec un vaisseau de 14 canons, et jeta la terreur dans la place qui était sans défense, et qui le prit d'abord pour un corsaire. Le P. Gilbert du Thet voulut opposer de la résistance avec quelques habitans et fut tué. Argall s'empara alors de l'établissement et le livra au pillage, donnant lui-même le premier l'exemple.

      Pour légitimer cet acte de piraterie, il déroba la commission que la Saussaye tenait du roi de France, et feignit de le regarder, lui et les siens, comme des gens sans aveu; il se radoucit cependant lorsqu'il eut pris tout ce qu'il avait trouvé à sa guise, et rendit les prisonniers à la liberté, en proposant à ceux qui avaient des métiers de le suivre à Jamestown, d'où, après y avoir travaillé un an, on les transporterait dans leur patrie. Une douzaine acceptèrent cette offre. Les autres avec la Saussaye et le P. Masse, préférèrent se risquer sur une frêle embarcation pour atteindre la Hève, où ils trouvèrent un bâtiment de St. Malo qui les ramena en France.

      Ceux qui s'étaient fiés à la parole d'Argall, furent bien surpris en arrivant à Jamestown de se voir jeter en prison et traiter comme des pirates. Ils réclamèrent vainement l'exécution du traité conclu avec lui, et furent condamnés à mort. Celui-ci qui n'avait pas songé que la soustraction de la commission de la Saussaye finirait d'une manière aussi tragique, et ne voulant point prendre sur lui la responsabilité de l'exécution des condamnés, la remit au gouverneur, le chevalier Thomas Dale, et avoua tout.

      Ce document et les renseignemens puisés dans le cours de l'affaire, engagèrent le gouvernement de la Virginie à chasser les Français de tous les points qu'ils occupaient au sud de la ligne 45. En conséquence, une escadre de trois vaisseaux sous les ordres du même Argall, fut chargée d'aller exécuter cette résolution. Les prisonniers de St. – Sauveur y furent embarqués, et entre autres le P. Biart, qu'on accuse avec trop de précipitation sans doute d'avoir servi de pilote aux ennemis à Port-Royal, en haine de Biencourt, qui en était gouverneur, et avec lequel il avait eu des difficultés en Acadie.

      La flotte alla ruiner d'abord tout ce qui restait de l'ancienne habitation de Ste. – Croix, vengeance inutile puisqu'elle était abandonnée depuis plusieurs années; elle cingla ensuite vers Port-Royal, où elle ne trouva personne en arrivant, tout le monde étant aux champs à deux lieues de là. En moins de deux heures toutes les maisons et le fort furent réduits en cendre. Alors le P. Biart voulut vainement persuader aux habitans, attirés par la fumée et les flammes qui dévoraient leurs asiles, de se retirer avec les Anglais; que leur chef était ruiné et ne pourrait plus les soutenir; ils repoussèrent cet avis avec mépris, et l'un d'eux leva même une hache sur ce Jésuite et menaça de le tuer, en l'accusant d'être la cause de leurs malheurs.

      Après la destruction de Port-Royal, une partie des habitans se dispersa dans les bois ou se mêla avec les naturels; une autre gagna l'établissement que Champlain avait fondé sur le fleuve St. – Laurent. Ce désastre

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