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furent donc équipés, dont un pour faire la traite à Tadoussac; un autre pour visiter les côtes maritimes de la Nouvelle-France et saisir les bâtimens qui trafiqueraient avec les Sauvages en contravention à la défense du roi; et les deux derniers pour transporter les colons et chercher un lieu propre à leur établissement. Nombre de gentilshommes et d'hommes de métier s'embarquèrent sur ces navires avec quelques soldats.

      On a déjà pu remarquer avec quelle ardeur les jeunes gens de famille noble se jetaient dans ces entreprises. Cartier et Roberval furent accompagnés par des gentilshommes dans tous leurs voyages. L'esprit inquiet et aventureux qui a distingué à un si haut degré la noblesse française du moyen âge, alors la première du monde, et dont les exploits depuis les bords brumeux d'Albion jusqu'aux rochers arides du Jourdain, formeraient un livre si intéressant et si dramatique, cet esprit, disons-nous, semblait chercher en Amérique un nouvel élément à son activité, et l'occasion de se soustraire à la sujétion que la politique du souverain faisait peser de plus en plus sur cette caste, dont l'ambition et l'indépendance avaient été pendant si longtemps pour la royauté un objet de souci et de crainte.

      Champlain s'embarqua de nouveau avec le baron Jean de Poutrincourt pour l'Amérique, où ce dernier avait dessein de s'établir avec sa famille. Partis en mars 1604, du Havre-de-Grâce, les vaisseaux chargés d'émigrans des deux religions avec leurs prêtres et leurs ministres, se dirigèrent vers l'Acadie, dont de Monts préférait le climat à celui du Canada, qu'il trouvait trop rigoureux.

      L'Acadie à peine connue, n'était fréquentée que par les traitans. C'était le plus beau pays de la Nouvelle-France du côté de l'Océan; il y a plusieurs ports excellens, où l'on entre, et d'où l'on sort par tous les vents, et le climat y est tempéré et fort sain. Le long de la mer le sol est rocheux et aride; mais dans l'intérieur il est de la plus grande fertilité, et l'on y a découvert des mines de cuivre, de fer, de charbon et de gypse. Le poisson de toute espèce abondait sur les côtes, comme la morue, le saumon, le maquereau, le hareng, la sardine, l'alose, etc. Le loup-marin, la vache-marine, ou phoque, et la baleine y étaient aussi en grande quantité. Les Micmacs, ou Souriquois, qui habitaient cette contrée quoique très-braves avaient des moeurs fort douces, et ils accueillirent les Français avec beaucoup de bienveillance.

      Outre l'avantage du climat et de la pêche, l'Acadie possède encore sur le Canada celui d'une situation plus heureuse pour le commerce maritime; la navigation y est ouverte dans toutes les saisons. Tout contribuait donc à justifier le choix de cette contrée.

      On fit terre d'abord dans un port de l'Acadie qui fut nommé de Rossignol, aujourd'hui Liverpool. De là l'on côtoya toute la presqu'île acadienne jusque dans le fond de la baie de Fundy, appelée par de Monts la baie Française.

      L'on entra, chemin faisant, dans un bassin spacieux, entouré de collines d'où coulaient plusieurs rivières. Le baron de Poutrincourt, enchanté de la beauté de ce port et des terres qui l'environnent, en obtint la concession, et le nomma Port-Royal. Il devint et demeura le chef-lieu de l'Acadie durant toute la durée de la domination française.

      L'on descendit ensuite vers le sud en longeant les côtes du Nouveau-Brunswick, où Champlain qui avait pris les devans, découvrit la rivière St. – Jean et lui donna ce nom qu'elle conserve encore. A une vingtaine de lieues de là, l'on atteignit l'île de Ste. – Croix (maintenant Boon ou Doceas Island) dans l'embouchure d'une grosse rivière (Ste. – Croix ou Schoodic) où M. de Monts résolut de placer sa colonie, la saison commençant à être avancée. Cette petite île était facile à défendre, et le sol, comme celui du pays environnant, paraissait d'une grande fertilité.

      Les Indigènes furent enchantés des manières des Français et de la douceur de leurs moeurs. M. de Monts surtout captiva tellement leur confiance qu'ils le choisissaient pour juge des différends qui s'élevaient entre eux, et se soumettaient volontiers à ses décisions.

      Cependant l'hiver fit bientôt apercevoir les inconvéniens du poste qu'on avait choisi. L'on se trouva sans eau et sans bois dans l'île, et ce n'était qu'avec des peines infinies qu'on pouvait s'en procurer de la terre ferme. Le scorbut, dont trente six personnes moururent, vint encore aggraver la situation des Français. L'on résolut dès lors d'aller s'établir ailleurs dès que la belle saison serait venue.

      Après avoir exploré les côtes jusqu'au cap Cod (dans l'Etat du Massachusetts), et que Champlain qui avait poussé en chaloupe jusqu'à une vingtaine de lieues au delà, appelle cap Mallebarre, de Monts ne trouvant point de localité qui réunît tous les avantages qu'il désirait, songea à retourner en Acadie.

      Sur ces entrefaites, Pontgravé arriva d'Europe avec 40 nouveaux colons. Ce secours, venu fort à propos, releva tous les courages que les fatigues de l'hiver écoulé, et surtout les ravages du scorbut, avaient très-abattus. La colonie se transporta à Port-Royal sur la rivière de l'Equille, où l'on jeta les fondemens (1604) de la ville qu'on appelle maintenant Annapolis.

      Dans l'automne M. de Monts étant passé en France, trouva les esprits prévenus contre son entreprise, par suite des bruits que les gens intéressés à la traite de la pelleterie, et que son privilége avait privés de ce négoce, faisaient courir contre le climat de l'Acadie et l'utilité de ces établissemens dispendieux. Il craignit un moment de voir sa société se dissoudre; mais le baron de Poutrincourt, repassé en Europe, vint à son aide, et se chargea du gouvernement de la colonie naissante pour laquelle il partit sans délai. Il était temps qu'il arrivât en Amérique, car les colons, se croyant délaissés, s'étaient déjà embarqués pour repasser dans leur pays natal.

      Celui qui rendit alors les plus grands services à Port-Royal, fut le célèbre Lescarbot, homme très-instruit et le premier qui indiqua les vrais moyens de donner à un établissement de ce genre une base durable. Il représenta que la culture de la terre était la seule garantie de succès; qu'il fallait s'y attacher particulièrement, et donna lui-même l'exemple aux colons. Il animait les uns, dit un auteur, il piquait les autres d'honneur, il se faisait aimer de tous, et ne s'épargnait lui-même en rien. Il inventait tous les jours quelque chose de nouveau pour l'utilité publique, et jamais l'on ne comprit mieux de quelle ressource peut être dans un nouvel établissement un esprit cultivé par l'étude, que le zèle de l'Etat engage à se servir de ses connaissances et de ses réflexions. C'est à lui que nous sommes redevables des meilleurs mémoires que nous ayons de ce qui s'est passé sous ses yeux, et d'une histoire de la Floride française. L'on y voit un auteur exact et judicieux, un homme qui a des vues, et qui eût été aussi capable d'établir une colonie que d'en écrire l'histoire.

      Une activité aussi intelligente porta bientôt ses fruits. L'on fabriqua du charbon de bois; des chemins furent ouverts dans la forêt; un moulin à farine, mû par l'eau, fut construit sur la rivière et épargna beaucoup de fatigues aux colons qui avaient été jusque-là obligés de moudre leur blé à bras, opération des plus pénibles; l'on fit des briques et un fourneau dans lequel on monta un alambic pour clarifier la gomme de sapin et en faire du goudron. Les Indiens étaient tout étonnés de voir naître tant d'inventions qui étaient des merveilles pour eux. Ils s'écriaient dans leur admiration, «Que les Normands savent beaucoup de choses!» C'est ainsi qu'ils appelaient les Français, parceque la plupart des pêcheurs qui fréquentaient leurs côtes étaient de cette partie de la nation.

      Mais tandis que les amis de l'établissement se félicitaient du succès qui avait enfin couronné trois ans de pénibles efforts, deux accidens vinrent détruire de si belles espérances. Toutes les pelleteries de la société acquises dans une année de trafic, furent enlevées par les Hollandais conduits par un transfuge; ce qui lui causa une perte à peine réparable. Et dans le même temps, les marchands de St. – Malo, obtinrent la révocation du privilége exclusif de la traite accordée à M. de Monts, son chef, qui ne reçut en retour qu'une indemnité imaginaire.

      Ces deux événemens, arrivés coup sur coup, amenèrent la dissolution de la société. Les lettres qui contenaient ces nouvelles furent lues publiquement à Port-Royal, où elles causèrent un deuil universel. L'on abandonnait en effet l'entreprise au moment où le succès paraissait assuré, car dès l'année suivante la colonie aurait pu suffire à ses besoins.

      Poutrincourt s'était fait chérir des Indigènes.

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