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du reste étaient et sont encore celles de l'église catholique. Quoique les protestans les répudient ou du moins ne les poussent pas si loin que Rome, ils en profitèrent en Canada, et M. Plessis fut toute sa vie en grande considération parmi eux.

      Les recommandations du gouverneur et du clergé n'étaient pas toutefois sans prétexte. Quelques personnes de Montréal que les discours et les prétentions des Anglais choquaient; d'autres autant par esprit de contradiction probablement que pour exciter les frayeurs de l'autorité, tenaient des propos qui les firent accuser devant les tribunaux et condamner à de fortes amendes. A Québec la même chose eut lieu: trois habitans de Charlesbourg furent accusés de haute trahison; quelques uns de menées séditieuses; leur crime était si peu considérable que le gouverneur fit abandonner les poursuites en 95. Il avait voulu seulement frapper l'imagination populaire et mettre en garde contre les cris des agitateurs.

      Dans l'été, il se forma dans la capitale une grande association pour le soutien des lois et du gouvernement, en opposition aux propagandistes révolutionnaires; elle couvrit bientôt tout le pays et témoigna de sa fidélité à la royauté par de nombreuses adresses qui durent rassurer l'inquiétude métropolitaine. Cet état de choses dura plusieurs années. A chaque session, le gouvernement demandait et obtenait de nouveaux pouvoirs pour organiser une milice soumise, pour maintenir la tranquillité intérieure, pour repousser les ennemis extérieurs s'ils s'en présentaient, enfin pour continuer la suspension de l'acte d'habeas-corpus à l'égard des étrangers. Il est inutile de dire que pendant ce temps là la plus grande concorde régnait entre les différentes branches de la législature. Plusieurs des membres les plus marquans avaient reçu des emplois, comme M. Panet et M. de Bonne. Les autres satisfaits, se félicitaient du repos dont l'on jouissait en comparaison de l'Europe et ne songeaient qu'à en profiter.

      Dans la session de 95 qui dura plus de quatre mois, le gouverneur fit mettre devant la chambre un état des revenus de l'année écoulée et les comptes d'une partie des dépenses du gouvernement civil, en la priant d'y pourvoir. Pour répondre à cette demande et couvrir la différence qu'il y avait entre la dépense et le revenu, la chambre passa deux lois d'impôt, l'une augmentant les droits sur les eaux-de-vie étrangères, les mélasses, les sirops, les sucres, le café, le tabac, le sel; l'autre continuant la taxe annuelle sur les colporteurs et les aubergistes. Cette augmentation ne répondit pas immédiatement au besoin qui l'avait fait décréter; mais l'on avait reconnu le principe. La plupart des actes qu'on passa dans cette session continuaient d'anciennes lois avec de légères modifications, et ne les continuaient que pour un temps limité, car l'assemblée avait déjà pour règle de leur donner la plus courte durée possible, afin que le gouvernement fût moins indépendant d'elle.

      Une question incidente fort intéressante occupa un instant la législature. Le taux des rentes et les charges seigneuriales avaient été fixés d'une manière précise et permanente par la lot sous l'ancien régime. Après la conquête, plusieurs Anglais qui avaient acheté les seigneuries des Canadiens partant pour la France, haussèrent ces taux et furent imités par quelques uns des anciens seigneurs. Bientôt l'abus fut poussé à tel point qu'il arracha des plaintes aux habitans, qui ne trouvaient plus dans les juges nommés par le nouveau gouvernement, la protection qu'ils avaient coutume de recevoir des tribunaux anciens. Les nouveaux propriétaires qui attendaient depuis longtemps l'occasion de changer la tenure de leurs seigneuries pour en retirer de plus grands revenus, voulurent profiter du moment pour accomplir leur dessein. Ils feignirent d'être beaucoup alarmés de la propagation des idées révolutionnaires en Amérique, et de craindre l'abolition de la tenure féodale sans indemnité comme en France; ils firent sonner bien haut l'introduction de ces idées dans le pays; ils accusèrent les Canadiens de rébellion et transformèrent leur opposition à l'acte des chemins en insurrection politique, s'imaginant qu'au milieu du trouble et de la frayeur, ils réussiraient à engager la chambre d'assemblée à faire faire, par voie de reforme pour satisfaire les mécontens, des modifications à la tenure surannée et oppressive, disaient-ils, qui existait dans le pays en dépit des progrès du siècle. Ils se croyaient si sûrs du succès, qu'ils avaient pris même des arrangemens avec des émigrans américains pour leur concéder, après commutation de toutes les autres redevances, leurs terres à la charge de certaines rentes, préférant ces derniers aux Canadiens parce qu'ils les trouvaient disposés à payer des taux plus élevés. Mais leur plan fut déjoué aussitôt que mis au jour. La question dont les motifs paraissaient étrangers à toute idée de réforme réelle et salutaire, fut portée par M. de Rocheblave devant la chambre, qui la discuta pendant plusieurs séances, et finit par l'abandonner sans donner satisfaction ni aux uns ni aux autres, soit qu'elle n'osât pas attaquer les juges qui avaient perverti la loi, soit que des intérêts dissimulés la paralysassent sur un abus qui n'a fait qu'augmenter depuis dans plusieurs parties du pays.

      On était alors dans la chaleur des discussions suscitées par l'acte des chemins auquel nous venons de faire allusion. Cette question importante pour les campagnes, fut d'abord mal interprétée par l'imprudence de certaines gens, qui crièrent au fardeau des taxes et surtout des corvées détestées par le peuple depuis Haldimand. On croyait que cette mesure voilait un retour au système de ce gouverneur décrié; mais petit à petit les esprits mieux éclairés se calmèrent, et l'acte prit après des amendemens nombreux, la forme à peu près dans laquelle il est parvenu jusqu'à nos jours.

      Une autre question non moins importante fut encore agitée, celle du numéraire qui avait cours dans le pays. Il circulait des monnaies de toute les nations en rapport avec l'Amérique. Une partie de ces espèces dépréciée par l'usure, entraînait dans les échanges des pertes considérables. Un remède était devenu nécessaire. M. Richardson, comme négociant, prit l'initiative et une loi fut rendue par laquelle on donna une valeur légale fixe aux monnaies d'or et d'argent frappées aux coins et aux titres du Portugal, de l'Espagne, de la France et des Etats-Unis, et on convertit la valeur des monnaies anglaises du sterling en cours du pays. Dans tous les temps le système de la comptabilité a été imparfait et vicieux en Canada, et il a toujours été fort difficile de débrouiller le chaos des comptes publics; de là une partie des abus, des erreurs, des malversations des agens comptables. Toutes les lois d'impôts furent aussi réunies en une seule, pour simplifier les opérations de ces agens, et des mesures furent prises pour diminuer les frais de perception. L'acte passé pour deux ans, fut réservé à la sanction royale. Par une de ces anomalies dont l'on vit beaucoup d'exemples dans la suite, il resta si longtemps en Angleterre que lorsqu'il revint les deux ans étaient expirés.

      Le gouverneur repassa en Europe dans l'été. Il organisa ou donna l'ordre avant son départ d'organiser un régiment canadien à deux bataillons comme l'avait suggéré Du Calvet. Mais ce corps fut licencié plus tard, peut-être par motif politique, la métropole jugeant qu'il n'était pas prudent d'enseigner l'usage des armes aux colons, et se rappelant que les Etats-Unis avaient préludé à la guerre de l'indépendance par celle du Canada dans laquelle ils avaient fait leur apprentissage.

      Lord Dorchester avait convoqué aussi avant de déposer les rênes du pouvoir, les collèges électoraux pour procéder à une nouvelle élection générale. Le scrutin du peuple fut sévère, et plus de la moitié de la représentation fut changée. On remarquait parmi les nouveaux membres le procureur et le solliciteur-général, MM. Sewell et Foucher. Plusieurs anciens membres furent repoussés à cause de leurs tentatives pour faire proscrire la langue française. Le général Prescott, qui remplaça lord Dorchester d'abord comme lieutenant-gouverneur et ensuite comme gouverneur-général, réunit la législature dans le mois de janvier. Comme au début du premier parlement, l'élection du président de la branche populaire amena la séparation des deux partis, avec cette différence, cette fois, que les organes avoués du gouvernement firent connaître le drapeau avec lequel il prétendait s'identifier. Elle accusa aussi plusieurs défections soupçonnées depuis longtemps. Le juge de Bonne et M. de Lanaudière passèrent dans le camp opposé. Le premier qui était fils de ce capitaine de Bonne de Miselle attiré en Canada par le marquis de la Jonquière, descendait de l'illustre race des ducs de Lesdiguières, dont à ce titre il aurait dû glorifier l'origine. Il ne fut plus désormais qu'un partisan hostile à ses compatriotes. Il proposa pour président de la chambre, M. Young en opposition à M. Panet, qui fut réélu à une grande majorité. Comme la première fois, pas un Anglais ne

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