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des débats et une division provoquée par le désir de chaque parti de connaître ses forces, qui se trouvèrent dans le rapport de un à deux.

Le lendemain, M. Dunière proposa M. J. Antoine Panet. Les Anglais opposèrent successivement à ce candidat M. Grant, M. McGill et un M. Jordan, trois hommes que rien ne recommandait à ce poste élevé que leurs heureuses spéculations dans le commerce. Ils espéraient par cette persévérance intimider leurs adversaires nouveaux dans les luttes parlementaires, et qu'ils taxaient déjà de factieux dès qu'ils osaient manifester une opinion indépendante. Les débats qui furent très animés, se prolongèrent longtemps et annoncèrent une session orageuse. McGill qui avait proposé Grant et qui était lui-même proposé par un autre, déclara pour raison de son opposition à M. Panet, que le président devait connaître les deux langues et surtout la langue anglaise. On lui répondit que ce candidat entendait assez cette langue pour la conduite des affaires publiques. Un autre membre, M. Richardson, avança que les Canadiens étaient tenus par tous les motifs d'intérêt et de reconnaissance d'adopter la langue de la métropole, et soutint sa proposition avec tant d'apparence de conviction qu'il acquit M. P. L. Panet à son parti. «Le pays n'était-il pas une dépendance britannique demanda ce représentant? la langue anglaise n'était-elle pas celle du souverain et de la législature? Ne devait-on pas conclure de là que, puisque l'on parlait anglais à Londres, l'on devait le parler à Québec.» Ce raisonnement qui paraissait plus servile que logique ne convainquit personne. La discussion sur un pareil sujet était de nature à exciter les passions les plus haineuses. «Est-ce parce que le Canada fait partie de l'empire britannique, s'écria M. Papineau dont la parole avait d'autant plus de poids qu'il s'était distingué par son zèle et sa fidélité durant la révolution américaine, est-ce parce que les Canadiens ne savent pas la langue des habitans des bords de la Tamise qu'ils doivent être privés de leurs droits?» Cette apostrophe suivie d'un discours plein de force et de logique déconcerta l'opposition, dont les faits cités ensuite par MM. Bedard, de Bonne et J. A. Panet achevèrent la défaite. Ce dernier rappela que dans les îles de la Manche comme Jersey et Guernesey, l'on parlait le français; que ces îles étaient attachées à l'Angleterre depuis Guillaume le conquérant, et que jamais population n'avait montré plus de fidélité à l'Angleterre que celle qui les habitait.» Il aurait pu ajouter encore que pendant plus de trois siècles après la conquête normande, la cour, l'église la robe, les tribunaux, la noblesse, tout parlait français en Angleterre; que c'était la langue maternelle de Richard coeur-de-lion, du Prince noir et même de Henri V; que tous ces personnages illustres étaient de bons Anglais; qu'ils élevèrent avec leurs arbalétriers bretons et leurs chevaliers de Guyenne la gloire de l'Angleterre à un point où les rois de la langue saxonne n'avaient jamais pu la faire parvenir; 2 enfin que c'était la langue de la grande Charte, et que l'origine de la grandeur présente de l'empire était due à ces héros et aux barons normands qui l'avaient signée et dont les opinions avaient toujours conservé la plus grande influence sur le pays.

Note 2:(retour) On sait que les deux tiers de l'armée du Prince noir à la bataille de Poitiers étaient composés de Gascons, de Français.

      La discussion se termina après une lutte vigoureuse par l'élection de M. Panet au fauteuil présidentiel, et la défaite de ses trois concurrens; mais pas un seul anglais ne vota pour lui, tandis que deux Canadiens votèrent contre. La division fut de 28 contre 18.

      L'élément anglais malgré sa faiblesse cherchait à dominer sous le prestige de l'influence métropolitaine. Le premier président élu, sans être un homme de talens supérieurs, avait l'expérience des affaires comme l'avocat le plus employé de son temps, une abondance d'élocution qui ne tarissait point, l'esprit orné et les manières faciles et polies de la bonne société.

      Le 20, le gouverneur approuva le choix de l'assemblée et adressa aux deux chambres réunies un discours dans lequel il recommanda l'harmonie et l'adoption des mesures que pouvaient demander l'avantage et la prospérité du pays. «Dans un jour comme celui-ci, dit-il, remarquable par le commencement d'une forme de gouvernement qui a porté la Grande-Bretagne au plus haut degré d'élévation, il est impossible de ne pas éprouver une émotion profonde, et que cette émotion ne soit pas partagée par tous ceux qui sont en état d'apprécier la grandeur du bienfait qui vient d'être conféré au Canada. Je me contenterai de suggérer qu'après avoir rendu des actions de grâces à l'arbitre de l'univers, nous rendions hommage à la magnanimité du roi et du parlement auxquels nous le devons en leur exprimant tous nos remercîmens et toute notre reconnaissance.»

      La réponse de la chambre fut simple et respectueuse; mais le conseil législatif crut devoir lancer un anathème contre la révolution française et remercier la providence d'avoir arraché le Canada des mains d'un pays où il se passait des scènes que l'on pouvait reprocher à des barbares. Ces réflexions, qui pouvaient être bonnes en elles-mêmes, étaient impolitiques et inopportunes; elles partaient de trop loin pour atteindre la France, et le moindre bon sens aurait du faire apercevoir qu'elles ne pouvaient être agréables aux Canadiens, qui devaient conserver des sentimens de respect pour la nation d'où sortaient leurs pères. Aussi cela fut-il regardé comme une petite malice du conseil, qui voulait se donner le plaisir de dire quelque chose de désagréable pour la population.

      Après ces préliminaires, les chambres votèrent une adresse au roi pour le remercier de la nouvelle constitution, et se mirent sérieusement à l'ouvrage. La discussion des règlemens pour leur régie inférieure les occupa une grande partie de la session. Elles adoptèrent les règles du parlement impérial avec les modifications nécessitées par la différence de circonstances. Ce travail ramena encore les débats sur l'idiome populaire.

      Sur la proposition de dresser les procès-verbaux de l'assemblée dans les deux langues, M. Grant fit une motion d'amendement tendant à les rédiger en anglais seulement avec liberté d'en faire faire des traductions françaises pour les membres qui le désireraient. Après de violens débats, l'amendement fut rejeté. Les discussions recommencèrent lorsque le rapport du comité fut présenté. Grant proposa de nouveau qu'afin de conserver l'unité de la langue légale qu'aucune législature subordonnée n'avait le droit de changer, l'anglais fut déclaré texte parlementaire. M. de Lotbinière prit la parole: «Le plus grand nombre de nos électeurs, dit-il, étant placés dans une situation particulière, nous sommes obligés de nous écarter des règles ordinaires et de réclamer l'usage d'une langue qui n'est pas celle de l'empire, mais aussi équitables envers les autres que nous espérons qu'on le sera envers nous, mêmes nous ne voudrions pas que notre langue vint à bannir celle des autres sujets de sa Majesté. Nous demandons que l'une et l'autre soient permises. Nous demandons que nos procès-verbaux soient écrits dans les deux langues, et que lorsqu'il sera nécessaire d'y avoir recours, le texte soit pris dans la langue des motions originairement présentées, et que les bills soient passés dans la langue de la loi qui leur aura donné naissance.

      Ayant eu l'honneur d'être du comité où cet objet a déjà été débattu, et ayant entendu ce qui vient d'être dit par, les honorables membres qui ont parlé avant moi, je crois qu'il est nécessaire de récapituler celles de leurs raisons qui m'ont le plus frappé, et auxquelles il est de mon devoir de répondre d'une manière détaillée.

      La première raison qui a été donnée, est, que la langue anglaise étant celle du souverain et de la législation de la mère-pairie, nous ne serons entendus ni des uns ni des autres si nous n'en faisons usage, et que tous les projets de loi que nous présenterons en langue française seront refusés.

      La seconde, que l'introduction de la langue anglaise assimilera et unira plus promptement les Canadiens à la mère-patrie.

      Ces raisons sont d'une si grande importance qu'il est indispensablement nécessaire de les examiner l'une après l'autre.

      Pour répondre à la première, je dirai avec cet enthousiasme qui est le fruit d'une vérité reconnue et journellement sentie, que notre très gracieux souverain est le centre de la bonté et de la justice; que l'imaginer autrement serait défigurer son image et percer nos coeurs. Je dirai, que notre amour pour lui est tel que je viens de l'exprimer; qu'il nous a assuré de son attachement et que nous sommes persuadés, que ses nouveaux sujets lui sont aussi chers que les

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