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autres îles du golfe mexicain, en Espagne, en Portugal, aux îles Madère et Canaries, en France, en Hollande, aux villes anséatiques, et enfin dans les îles britanniques de la Manche; et elle en rapportait les objets dont elle pouvait avoir besoin pour sa consommation ou pour son négoce. Les marchandises manufacturées et les produits des climats méridionaux formaient la masse de ces importations. Ce commerce, elle le faisait cependant malgré la métropole.

      M. Randolph écrivait à la cour qu'on ne tenait aucun compte en Amérique de l'acte de navigation et des lois passées par le parlement impérial pour régler le commerce, qui était complètement libre à toutes les nations. Quant à celui des Indes occidentales, disait-il, le marchand anglais en est presque exclus par celui de la Nouvelle-Angleterre, qui peut y donner ses denrées à un prix considérablement plus bas. Ainsi la Grande-Bretagne a perdu la plus grande partie du commerce de l'ouest. Le marchand américain expédie même déjà des navires chargés de mâtures pour la Guinée, Madagascar et les côtes de l'Inde.

      L'Angleterre, effrayée par cette activité toujours croissante, songea enfin à prendre des moyens prompts et efficaces pour faire rentrer le négoce des colonies dans les bornes d'un système moins préjudiciable à ses intérêts. Par ses lois, par ses douanes, elle réussit à le modifier, à le restreindre selon ses vues; mais les colons ne se soumirent qu'à la force, en attendant l'occasion de revendiquer ce qu'ils regardaient comme les droits imprescriptibles des sujets anglais, la liberté du commerce, aussi sacrée à leurs yeux que la liberté politique et religieuse.

L'instrument dont la métropole se servit pour amener cette révolution, fut l'agent que nous avons déjà nommé, M. Edouard Randolph, homme résolu, infatigable et doué de beaucoup de pénétration et d'adresse dans les affaires. Charles II l'envoya en Amérique en 1676 avec ordre de lui faire un rapport sur l'état de la Nouvelle-Angleterre. Le caractère de ce commissaire a une analogie frappante avec celui de lord Sydenham, sous les auspices duquel s'est élaboré et accompli l'acte d'union des Canadas. Leurs dépêches présentent plusieurs coïncidences remarquables, et se ressemblent surtout par le ton de passion et le cynisme d'une politique sans morale et sans dignité qui y règnent 12. Les habitans du Massachusetts tiennent dans les lettres de Randolph la place qu'occupent les Canadiens français dans celles de l'agent moderne. A l'entendre on dirait qu'il n'y a que cette province à punir; les petites colonies de New-Plymouth, de New-Hampshire, et de Connecticut méritent toute la sympathie du gouvernement. D'après le rapport que ce commissaire fit au roi, tout le pays se serait plaint de l'usurpation des magistrats de Boston, les habitans auraient désiré instamment que Sa Majesté ne les laissât pas opprimer plus longtemps, et qu'elle fît mettre enfin à exécution les mesures de soulagement promises par ses commissaires en 1665. C'est ainsi qu'il cherche à diviser les colons; il parcourt en même temps le pays, et excite les habitans les uns contre les autres par ses propos.

Note 12:(retour) Lord Sydenham tenait, dit-on, un livre dans lequel étaient inscrits les noms de toutes les personnes marquantes de la colonie, avec l'indication de leur parenté, de leur fortune, de leur caractère, de leurs bonnes ou mauvaises qualités, de leurs opinions politiques et religieuses, des principaux actes de leur vie, etc. S'il voulait les rallier à sa politique, et obtenir leur appui, il étudiait leur caractère dans cette singulière galerie de portraits, qui ferait peut-être pâlir bien des gens si elle était mise au jour, et faisait ensuite agir auprès d'elles ce qui pouvait tenter leur passion dominante, l'ambition, la vanité, la vengeance, la cupidité, etc. On ajoute que plus d'une fois il a surpris son interlocuteur en tirant d'un tiroir ce livre fatal, dans lequel l'on trouverait probablement les motifs des défections et des contradictions politiques, qui ont signalé la vie de tant d'hommes sous son administration, surtout dans le Canada occidental.

      Dans toutes ses communications adressées, soit au roi, soit à ses ministres, il sollicite l'envoi d'un quo warranto suspendre la charte de la Nouvelle-Angleterre, et il ne fit pas moins de huit voyages à Londres pour presser le gouvernement d'abolir les priviléges de cette province vouée à l'ostracisme.

      Quelques années après il en fut nommé par lettres royales percepteur des douanes (collector, surveyor & searcher), afin d'y faire exécuter les actes du parlement impérial qui, comme on l'a dit, continuaient d'y être méconnus; il ne cessa point d'être avec cela agent politique. C'est dans sa dépêche (de 1682) au comte de Clarendon que l'on trouve le passage suivant, qui réfléchit parfaitement les opinions émises de nos jours au sujet de mes compatriotes, et nous montre les hommes toujours entraînés dans le même cercle de passions.

      «Si Sa Majesté veut bien, écrivait Randolph, ordonner au gouverneur Cranfield d'examiner les derniers articles contre la faction du Massachusetts, elle y trouvera des motifs suffisans, non seulement pour révoquer la charte, mais pour envoyer un homme prudent comme gouverneur général de cette province (le gouverneur était alors électif). Si les factieux étaient assez forts pour se révolter contre la résolution du roi de régler les affaires de cette colonie de la manière qu'on le suggère, la première chose qu'ils feraient, serait de me demander compte de ma conduite pour avoir ouvertement appelé le renversement de leur constitution, et d'après la loi du pays, la mort serait le châtiment qui me serait réservé. Mais ce parti, il s'éclipse, il est divisé, les magistrats sont opposés aux magistrats, les uns désirent, les autres craignent, un changement. Mylord, je n'ai qu'une chose à vous dire, c'est que Sa Majesté ne doit ajouter foi, ni à ce que feront, ni à ce que diront les agens de cette faction en Angleterre. Veuillez bien vous rappeler que, quand le père de votre seigneurie était grand chancelier, il eut à traiter avec les agens de cette province en 1662; ils agréèrent tout ce qu'il proposa pour l'honneur du roi et l'avantage de ses sujets coloniaux. Cependant cela n'empêcha pas le Massachusetts de mépriser les ordres du roi, et d'employer les évasions et les petites supercheries pour s'y soustraire. Si on laisse à ce pays le soin de remédier lui-même à ses griefs, il s'ensuivra encore de plus grands maux. Une erreur malheureuse, sinon volontaire, les a très aggravés. On a dit que le roi ne peut, ni ne veut, quelque soient les provocations, sévir contre le pays; que ses finances sont dans un état peu florissant. Le peuple croit ici tout ce qu'on lui débite… D'un autre côté, par une étrange déception deceptio visus, l'on peint à ce monarque les habitans de cette province comme un peuple très fidèle et très loyal, comme un grand peuple, qui peut lever des forces considérables; qu'il a en outre fait des sacrifices et de grandes dépenses pour convertir les forêts du Nouveau-Monde en belles campagnes sans qu'il en ait rien coûté à la couronne.

      «Il est vrai, en effet, qu'il y a ici beaucoup de sujets loyaux; mais un bien petit nombre occupe des places de confiance. Les forces du pays sont très peu de chose, et plus d'apparat que de service. Je me fais fort de les chasser hors des frontières avec cinq cents hommes des gardes de Sa Majesté. Quant aux sacrifices, je connais bien peu d'habitans maintenant vivans, ou de leurs enfans, qui en aient fait. M. Dudley, l'un des agens actuels du Massachusetts, est un des premiers planteurs et un homme comme il faut (gentleman); il est venu ici avec une fortune assez honnête, mais les premiers aventuriers ou sont morts et les dépouilles de leurs enfans passées aux ?mains de leurs serviteurs, ou le peu qu'il en reste vit si misérablement qu'on n'en fait aucun cas. Pour ce qui est de ceux qui ont joint la faction, qui y appartiennent, qui dirigent tout ici, le gouverneur et le pays, je ne connais qu'un seul homme qui n'ait pas été domestique ou fils de domestique. Je prie votre seigneurie de croire que je ne cherche dans tout ceci que l'honneur du roi et le bien de la plantation dont, par la bonté de Sa Majesté et la faveur de votre seigneurie, je suis maintenant un des habitans».

C'est à la suite de ces représentations insultantes, de ces basses calomnies, que le Massachusetts et les autres provinces de la Nouvelle-Angleterre perdirent leurs chartes. Déjà le New-Hampshire avait reçu une nouvelle constitution composée de deux branches seulement, le gouverneur et la chambre représentative(1680). Le Massachusetts fut traité en province rebelle, et soumis à un gouvernement purement despotique, composé d'un gouverneur général (le chevalier Edmond Andros) et d'un conseil nommé par lui et dont cinq membres formaient un quorum. Il fut revêtu du pouvoir de faire des lois et d'imposer des taxes. Il n'y eut plus de chambre représentative, et le principe électif fut aboli partout 13.

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