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nommèrent Rupert; ils avaient encore établi deux comptoirs dans les mêmes parages, sur la rivière des Monsonis et sur celle de Ste. – Anne. Apprenant cela, Colbert y avait envoyé, par le Saguenay, en 1672, le P. Charles Albanel pour y renouveler les prises de possession déjà faites au nom du roi par MM. Bourdon et Després Couture. Ce Jésuite en avait fait signer un acte par les chefs d'une douzaine de tribus, qu'il avait ensuite invitées à venir faire la traite de leurs pelleteries au lac St. – Jean. Les démarches de la France se bornèrent alors à cette simple incursion.

      Cependant Desgroseillers et Radisson, mécontens de l'Angleterre, étaient revenus en Canada après avoir obtenu leur pardon du roi. Une association s'y forma sous le nom de la compagnie du Nord, pour faire la traite à la baie d'Hudson. Cette compagnie leur donna deux petits vaisseaux afin d'aller s'y emparer des établissemens anglais, comme les personnes les plus propres à faire réussir une pareille entreprise, dure expiation de leur trahison! mais trouvant ces établissemens trop bien fortifiés pour les attaquer avec chance de succès, ou peut-être honteux de leur rôle, ils rangèrent la côte occidentale de la baie jusqu'à l'embouchure de la rivière Ste. – Thérèse, où ils bâtirent le fort Bourbon. De retour à Québec, des difficultés s'étant élevées entre eux et la compagnie, ils passèrent en France sous prétexte d'aller demander justice. Lord Preston, ambassadeur anglais, apprenant le mauvais succès de leurs démarches, leur fit des ouvertures accompagnées de promesses si avantageuses qu'ils trahirent une seconde fois leur patrie. Radisson obtint une pension viagère de douze cents livres pour mettre entre les mains des Anglais le fort Bourbon (Nelson) dans lequel il y avait pour 400 mille francs de fourrures.

      Sur les plaintes de la cour de France, le cabinet de Londres promit de faire rendre ce poste; mais les troubles qui régnaient en Angleterre, ne permirent point au monarque aux prises avec ses sujets, de faire exécuter l'arrangement qu'il avait conclu; et la compagnie fut obligée de se faire justice à elle-même. En conséquence, elle obtint du marquis de Denonville quatre-vingts hommes, presque tous Canadiens, commandés par le chevalier de Troye, brave officier. MM. de Ste. – Hélène, d'Iberville et de Maricourt faisaient partie de l'expédition et se distinguèrent par des actions héroïques. Elle partit de Québec par terre dans le mois de mars 1686, et n'arriva dans la baie d'Hudson que le 20 de juin, après avoir traversé des pays inconnus, franchi une foule de rivières, de montagnes et de précipices, et avoir enduré des fatigues incroyables. Cette petite troupe avait reçu ordre de s'emparer de tous les établissemens anglais du fond de la baie, formés sous la conduite de Desgroseillers et de Radisson. Elle s'acquitta de sa mission avec ce courage chevaleresque qu'indiquait déjà une entreprise aussi hasardeuse; et ces établissemens furent investis et enlevés avec tant de promptitude que les assiégés, n'eurent pas le temps de se reconnaître.

      Le premier qu'elle attaqua fut celui de la rivière des Monsonis; c'était un fort de figure carrée, flanqué de quatre bastions et portant quatorze pièces de canon; elle l'emporta d'assaut sans grande perte. Cette capture fut suivie de celle d'un navire que M. d'Iberville prit à l'abordage.

      Le fort de Rupert qui était à une grande distance de celui de Monsonis, fut investi dans le mois de juillet et tomba de la même manière au pouvoir des Canadiens, qui en firent sauter les redoutes et en renversèrent les palissades.

      Le chevalier de Troye se mit ensuite à la recherche du fort Ste. – Anne sur la rivière de ce nom (ou de Quitchitechouen). L'on ignorait sa situation; on savait seulement qu'il était du côté occidental de la baie. Après une traversée difficile au milieu des glaces et le long d'une côte très basse, où les battures courent deux ou trois lieues au large, on le découvrit enfin. Placé au milieu d'un terrain marécageux, il était défendu par quatre bastions, sur lesquels il n'y avait pas moins de quarante-trois pièces de canon en batterie. C'était là où se trouvait le principal comptoir des Anglais. Ils firent néanmoins une assez faible résistance, et demandèrent ensuite à capituler. Le gouverneur, homme simple et paisible, fut transporté avec sa suite à Charleston, et le reste de la garnison au fort de Monsonis. On trouva pour environ 50 mille écus de pelleteries à Ste. – Anne. Les Anglais ne possédaient plus rien dans la baie d'Hudson que le fort Bourbon.

      Lorsque la nouvelle de ces pertes arriva à Londres, le peuple de cette capitale jeta de hauts cris contre le roi, auquel il attribuait tous les malheurs qui arrivaient à la nation. Le monarque qui a perdu la confiance de ses sujets est vraiment bien à plaindre. Jacques II, déjà si impopulaire, le devint encore plus par un événement que personne n'avait pu prévoir; et l'expédition d'une poignée de Canadiens vers le pôle du Nord ébranlait sur son trône un roi de la Grande-Bretagne!

      Cependant les deux gouvernemens sentirent enfin la nécessité de faire cesser un état de choses qui violait toutes les lois établies pour régler les rapports de nation à nation et sans lesquelles il n'y a pas de paix possible. En effet, il n'y avait pas de guerre déclarée entre les deux peuples pendant toutes ces hostilités. Ils signèrent un traité par lequel les armateurs particuliers, sujets des deux nations, qui n'auraient point de commission de leur prince, devaient être poursuivis comme pirates. Ce traité qui ne s'étendait qu'aux îles et pays de terre ferme en Amérique, et qui avait été proposé par l'Angleterre, fut conclu le 13 septembre 1686. Mais Jacques II n'était guère en état, à cette époque, de faire observer par des sujets désaffectionnés, sa volonté dans les mers du Nouveau-Monde. Dès l'année suivante, ils vinrent attaquer le fort Ste. – Anne, où commandait M. d'Iberville, qui non seulement les repoussa, mais prit encore un de leurs vaisseaux.

Lorsque la guerre éclata entre les deux couronnes (1689), l'Angleterre ne possédait dans la baie d'Hudson que le fort Bourbon, comme on l'a dit plus haut, à l'entrée de la rivière Ste. – Thérèse. Mais elle reprit en 1693 le fort Ste. – Anne, gardé seulement par cinq Canadiens, qui osèrent se défendre et repoussèrent une première attaque de 40 hommes 37. L'année suivante (1694) M. d'Iberville s'en empara de nouveau, il lui rendit son ancien nom, que ses nouveaux possesseurs avaient changé pour celui de Nelson, et il y passa l'hiver qui fut d'une rigueur extrême. Les glaces ne permirent aux navires de sortir du port qu'à la fin de juillet. Une vingtaine d'hommes étaient morts du scorbut, et un grand nombre d'autres en avaient été atteints. Les Anglais étant revenus en force, deux ans après (1694), l'établissement fut repris pour retomber encore au pouvoir des Français comme on va le voir. Tel est en peu de traits le tableau des événemens qui s'étaient passés entre les deux nations dans cette région lointaine jusqu'au moment où M. d'Iberville fut chargé d'en compléter la conquête en 1697.

Note 37:(retour) Lettre du P. Marest.

      Ce navigateur prit le commandement de l'escadre que lui avait amenée M. de Sérigny, et fit voile de Terreneuve dans le mois de juillet. Il trouva l'entrée de la baie d'Hudson couverte de glaces, au milieu desquelles ses vaisseaux, séparés les uns des autres, et entraînés de divers côtés, coururent les plus grands dangers durant plusieurs jours. La navigation a quelque chose de hardi, de grand même, mais de triste et sauvage dans les hautes latitudes de notre globe. Un ciel bas et sombre, une mer qu'éclaire rarement un soleil sans chaleur, des flots lourds et couverts, la plus grande partie de l'année, de glaces dont les masses immenses ressemblent à des montagnes, des côtes désertes et arides qui semblent augmenter l'horreur des naufrages, un silence qui n'est interrompu que par les gémissemens de la tempête, voilà quelles sont les contrées où M. d'Iberville a déjà signalé son courage, et où il va le signaler encore. Ces mers lui sont familières, elles furent les premiers témoins de sa valeur. Depuis longtemps son vaisseau aventureux les sillonne. Plus tard cependant il descendra vers des climats plus doux; et ce marin qui a fait, pour ainsi dire, son apprentissage an milieu des glaces polaires, ira finir sa carrière sur les flots tièdes et limpides des Antilles, au milieu des côtes embaumées de la Louisiane; il fondera un empire sur des rivages où l'hiver et ses frimats sont inconnus, où la verdure et les fleurs sont presqu'éternelles. Mais n'anticipons pas sur une époque glorieuse pour lui et pour notre patrie.

      L'escadre était toujours dans le plus grand péril. Cernés par les glaces qui s'étendaient à perte de vue, s'amoncelaient à une grande hauteur, puis s'affaissaient tout à coup avec des craquemens et un fracas épouvantable, le Pélican

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