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réunis aux Anglais et aux cantons, auraient, dans une seule campagne, obligé tous les Français à sortir du Canada.

Note 33:(retour) Documens de Paris.

      Après cette détermination grave, le gouverneur fit ses préparatifs pour sa prochaine campagne. 2300 hommes, dont 1000 Canadiens et 500 Sauvages, furent réunis à la Chine le 4 juillet (1696) et divisés en trois brigades. M. de Callières commandait l'avant-garde, M. de Ramsay le centre, et le chevalier de Vaudreuil l'arrière-garde. Elle s'embarqua enfin pour remonter les rapides et arriva le 19 à Catarocoui, où elle séjourna jusqu'au 26 pour attendre un renfort de Michilimackinac, qui ne vint pas; elle traversa ensuite le lac Ontario et débarqua le 28 à l'embouchure de la rivière Oswégo. Là elle se divisa en deux corps, et se mit à remonter ce torrent l'un par sa rive droite et l'autre par sa rive gauche. Comme elle approchait de la bourgade des Onnontagués, elle aperçut le soir une grande lueur au couchant. Les Français en soupçonnèrent la cause. C'était la tribu qui brûlait son village avant de prendre la fuite. Les Onneyouths, un autre des cinq cantons, effrayés vinrent demander la paix en supplians. Le gouverneur leur répondit qu'ils ne l'auraient qu'à condition de quitter leur pays et d'aller s'établir en Canada. Ils se retirèrent, et le lendemain le chevalier de Vaudreuil fut détaché pour aller ravager leurs terres. Toute la population avait fui. Il ne trouva qu'un vieillard assis dans une bourgade. Trop faible pour suivre sa tribu, ou dédaignant de fuir, il attendait avec calme et intrépidité la mort horrible à laquelle il savait qu'on le destinerait. Il fut abandonné aux Sauvages qui, au nombre de quatre cents, lui firent souffrir, selon leur usage, toutes sortes de cruautés. Cet homme héroïque ne poussa pas une seule plainte; il reprocha seulement à ses bourreaux leur lâcheté de s'être rendus les esclaves de ces vils Européens, dont il parla avec le dernier mépris. Outré de ses injures, un Indien lui porta plusieurs coups de poignard. Tu as tort, lui dit l'Onnontagué mourant, d'abréger ma vie, tu aurais dû prolonger mes tourmens pour apprendre à mourir en homme.

      De ces deux cantons il ne resta que des cendres. Il fut question ensuite d'aller châtier les Goyogouins, et même de bâtir des forts dans le pays; mais dans le temps où l'on croyait M. de Frontenac arrêté à ce plan, il donna l'ordre de la retraite, soit que la difficulté de faire subsister son armée dans une contrée qui ne présentait qu'une vaste solitude, l'eût engagé à prendre ce parti, soit qu'après les ordres qu'il avait reçus d'évacuer les postes avancés de la colonie, et auxquels il avait osé désobéir, il ne crut pas devoir conserver une conquête qui aurait rendu les Iroquois plus implacables. Cette campagne, qui ne coûta que six hommes, avait inquiété beaucoup Albany et Schenectady. Ces villes, entre lesquelles et le lac Ontario l'on opérait, craignant d'être attaquées, avaient fait demander des secours au Jersey et au Connecticut.

      Les Français avaient reconquis leur influence sur les tribus indiennes. Un chef sioux vint du haut de la vallée du Mississipi se mettre sous la protection du grand Ononthio. Il appuya les mains sur les genoux du gouverneur, puis il rangea vingt-deux flèches sur une peau de castor pour indiquer le nombre de bourgades qui lui offraient leur alliance. La situation du Canada était meilleure qu'elle ne l'avait été depuis le commencement de la guerre. Les Iroquois, semblables à ces essaims de mouches qui incommodent plus qu'ils ne nuisent, troublaient encore le repos du pays, mais sans lui causer de grands dommages.

      Cette situation était le fruit de la vigilance, de l'activité et de l'énergie de M. de Frontenac, auquel le roi avait fait mander au début de la guerre qu'il n'avait aucun secours à lui envoyer. La supériorité qu'il avait su reprendre sur ses ennemis avec les seules ressources du Canada, et qui avait eu l'effet de rendre ses alliés plus dociles, le faisait craindre des uns et respecter des autres. Non seulement il avait repoussé l'invasion, mais il allait bientôt être capable de seconder les projets de Louis XIV, de porter la guerre, à son tour, chez les ennemis. Jusqu'à la paix aucune armée hostile ne foulera le sol canadien, excepté quelques Sauvages, qui s'introduiront furtivement et disparaîtront de même au premier bruit d'une arme sous les chaumières.

      Néanmoins les succès du gouverneur et la sécurité qu'il avait rendue au pays, n'avaient point désarmé ses ennemis, aussi jaloux de sa supériorité que blessés de l'indépendance de son esprit. Ceux qui tremblaient au seul nom des Iroquois, lorsqu'il revint en Canada, cherchèrent à ternir sa gloire lorsqu'il eut éloigné le danger d'eux. Il n'était pas en effet sans défaut. La part qu'il prenait à la traite des pelleteries, son caractère altier et vindicatif pouvaient fournir matière à reprendre; mais était-il bien prudent, était-il bien généreux d'en agir ainsi lorsqu'on avait encore les armes à la main? Les uns se plaignaient que, pour gagner l'estime de ses officiers, il jetait tout le poids de la guerre su la milice et écrasait les habitans de corvée, ce qui faisait languir le commerce et empêchait le pays de prendre des forces! Comme si, lorsque l'ennemi est aux portes et tout le monde en armes, c'était bien le temps d'accomplir une oeuvre qui veut par dessus tout le repos et la paix. D'autres l'accusaient d'accorder une faveur ouverte à la traite de l'eau-de-vie; il n'y eut pas jusqu'à l'abbé Brisacier qui osât écrire contre lui au confesseur du roi! Ces plaintes lui attirèrent quelque censure; mais il fut maintenu à la tête de la Nouvelle-France, qu'avec son grand age il n'était pas néanmoins destiné à gouverner encore longtemps, et il fut nommé chevalier de St. – Louis, honneur alors rarement accordé; mais qu'on verra prodiguer plus tard en ce pays à une foule de dilapidateurs sur les prévarications desquels anciens ennemis de M. de Frontenac ne trouveront rien à dire.

      CHAPITRE III.

      TERRENEUVE ET BAIE D'HUDSON.

      1696-1701

      Continuation de la guerre: les Français reprennent l'offensive. – La conquête de Pemaquid et de la partie anglaise de Terreneuve et de la baie d'Hudson est résolue. – d'Iberville défait trois vaisseaux ennemis et prend Pemaquid. – Terreneuve: sa description; premiers établissemens français; leur histoire. – Le gouverneur, M. de Brouillan, et M. d'Iberville réunissent leurs forces pour agir contre les Anglais. – Brouilles entre tes deux chefs; ils se raccommodent. – Ils prennent St. – Jean, capitale anglaise de l'île, et ravagent les autres établissemens. – Héroïque campagne d'hiver des Canadiens. – Baie d'Hudson; son histoire. – Départ de d'Iberville; dangers que son escadre court dans les glaces; beau combat naval qu'il livre; il se bat seul contre trois et remporte la victoire. – Un naufrage. – La baie d'Hudson est conquise. – Situation avantageuse de la Nouvelle-France. – La cour projette la conquête de Boston et de New-York. – M. de Nesmond part de France avec une flotte considérable; la longueur de sa traversée fait abandonner l'entreprise. – Consternation des colonies anglaises. – Fin de la guerre: paix de Riswick (1797). – Difficultés entre les deux gouvernemens au sujet des frontières de leurs colonies. – M. de Frontenac refuse de négocier avec les cantons iroquois par l'intermédiaire de lord Bellomont. – Mort de M. de Frontenac; son portrait. – M. de Callières lui succède. – Paix de Montréal avec toutes les tribus indiennes confirmée solennellement en 1701. – Discours du célèbre chef Le Rat; sa mort, impression profonde qu'elle laisse dans l'esprit des Sauvages; génie et caractère de cet Indien. – Ses funérailles.

      L'Acadie était, comme on l'a observé, retombée sous la domination française, et l'ennemi rebuté avait abandonné toute idée de faire une nouvelle tentative sur le Canada. Il y avait sept ans que la guerre était commencée. Tout le sang qu'on avait versé était en pure perte pour l'ennemi. Le Canada allait maintenant devenir l'agresseur, après avoir été si longtemps exposé aux attaques de ses adversaires.

      Ces derniers occupaient plusieurs postes fortifiés dans la baie d'Hudson, où ils faisaient la traite des pelleteries qui étaient plus belles là que partout ailleurs, à cause de la hauteur de la latitude; ils étaient maîtres de la plus belle partie de Terreneuve, où ils avaient de nombreuses pêcheries; enfin ils avaient (1692) relevé Pemaquid de ses ruines, fort situé à l'embouchure de la baie de Fondi, afin d'avoir une espèce de possession du pays des Abénaquis, et d'étendre leur influence sur ces tribus guerrières. Le ministère voyant que Tourville avait repris sa prépondérance sur l'Océan, décida de détruire, comme nous l'avons rapporté plus haut, ce fort,

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