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conclus avec eux 22. Les treize ans écoulés depuis la trahison du major Waldron, qui avait fait tomber à Cocheco par surprise 400 des leurs entre ses mains, dont 200 avaient été mis au gibet ou réduits en esclavage, ces treize ans, disons-nous, n'avaient pas éteint leur soif insatiable de vengeance. Ils avaient vu arriver avec joie le moment de satisfaire les mânes de leurs frères qu'on avait fait périr ainsi d'une mort ignoble; et le major Waldron fut leur première victime. Ils le surprirent à Dover, sur la frontière, où il résidait. Ils mirent cet officier, âgé alors de plus de 80 ans, dans un fauteuil placé sur une table, et ils lui demandaient par ironie, qui va maintenant juger les Indiens? Ils lui coupèrent le nez et les oreilles, et lui firent subir mille cruautés; jusqu'à ce qu'épuisé par la perte de son sang, il tomba de son siège sur la pointe de son épée qu'un de ces barbares avança sous lui, et il expira (Belknap). Cette vengeance indienne fut le signal des hostilités. On sait ce qu'ils firent ensuite.

Note 22:(retour) Belknap: History of New-Hampshire.

Cependant tandis que M. de Villebon prenait paisiblement possession de l'Acadie, et que le chevalier Nelson, envoyé de Boston pour l'administrer, tombait entre les mains des Français avec le vaisseau qui le portait, la Grande-Bretagne, qui s'en croyait encore maîtresse, réunissait cette province au Massachusetts à la suite des troubles dont nous avons parlé dans le dernier chapitre, et qui avait fini par le retrait des vieilles chartes de la Nouvelle-Angleterre. Il paraît qu'à cette époque mère-patrie avait résolu de réunir ensemble toutes les colonies depuis la Nouvelle-Ecosse jusqu'à la baie de Delaware, afin de mettre une barrière a l'extension des établissemens français 23. Avait-elle le projet d'établir un pareil rempart contre la puissance des Etats-Unis, lorsqu'elle a réuni récemment les Canadas et laissé entrevoir l'addition future à cette réunion des colonies du golfe St. – Laurent? Ou bien n'a-t-elle voulu dans cette occasion que donner le change à la crédulité vulgaire sur son véritable dessein? Toujours est-il vrai que la Nouvelle-Angleterre perdit une partie de ses libertés et que l'union en question n'eut jamais lieu.

Note 23:(retour) Lettre officielle de M. Blaithwait à M. Randolph. (1687). «This union, dit-il, besides other advantages, will be terrible to the French and make them proceed with more caution than they have lately done».

L'amiral Phipps de retour à Boston mit la dernière main aux préparatifs de l'expédition de Québec, qu'on avait continués avec activité pendant son absence. La flotte réunie comptait 35 vaisseaux dont le plus fort portait 44 canons. On y fit monter environ 2,000 hommes de troupes de débarquement. Les habitans de la ville voyaient du rivage cette force imposante avec orgueil, et ils se complaisaient dans la pensée qu'elle était composée uniquement d'Américains, d'enfans du pays; que la métropole n'y avait point fourni d'auxiliaires, et que le Canada, ne pouvant opposer qu'une résistance inutile, viendrait proclamer par sa soumission leur puissance et leur supériorité. Ils se disaient encore qu'après un pareil sacrifice d'hommes et d'argent, qu'après un témoignage aussi éclatant de leur patriotisme et de leur loyauté, ils ne pouvaient manquer de mériter la faveur du roi, et d'obtenir le rétablissement de leur constitution. Il paraît qu'en effet c'était en partie pour lui montrer leur attachement qu'ils avaient offert avec tant d'empressement à l'Angleterre de l'aider à s'emparer des possessions françaises 24.

Note 24:(retour) «There was a still further inducement, they hoped to recommend themselves to the King's favour and to obtain the establishment of their government.» On a vu ailleurs comment leur constitution avait été abolie.

      Hutchinson: The History of Massachusetts Bay.

      Cependant M. de Frontenac était fort inquiet; sa situation véritablement était des plus critiques. Il n'est guère permis de douter que si la flotte de l'amiral Phipps et l'armée du général Winthrop eussent pu coordonner leurs mouvemens et attaquer ce pays à la fois par le levant et par le couchant, il n'eût couru les plus grands dangers, parceque cette combinaison l'eût obligé de diviser ses forces qui, réunies, n'excédaient pas le plus faible des deux corps envahissans. Mais la fortune et le courage brisèrent heureusement cette dangereuse combinaison, et avec elle dissipèrent les craintes sinistres qu'elle avait fait naître.

      L'armée du général Winthrop rapidement levée, armée et enrégimentée, était campée sur les bords du lac George, attendant l'arrivée de l'amiral Phipps dans le fleuve St. – Laurent pour marcher sur Montréal, lorsqu'une épidémie éclata dans ses rangs et se communiqua aux Iroquois auxiliaires; en peu de temps elle eut fait périr plus de 300 hommes. Les Sauvages, effrayés de cette mortalité, se hâtèrent de s'éloigner des Anglais, qu'ils accusèrent de les avoir empoisonnés. Les troupes de Winthrop, déjà découragées par la division des chefs, et affaiblies maintenant par la contagion, se retirèrent d'abord à Albany, puis abandonnèrent leurs drapeaux, et chacun rentra dans ses foyers. Ainsi se dissipa le nuage qui, suspendu au flanc des montagnes du lac George, menaçait le Canada du côté de l'occident. A la première nouvelle des mouvemens de cette armée, le comte de Frontenac avait fait rassembler à la hâte les troupes, les milices, et les Indiens dont il pouvait disposer. Douze cents hommes s'étaient trouvés réunis à la Prairie de la Magdeleine pour barrer le chemin aux ennemis, et leur disputer la victoire sur la rive droite du St. – Laurent.

      La retraite de Winthrop débarrassa le gouverneur d'une grave inquiétude, car il dut croire alors que l'attaque de l'Acadie avait occupé trop longtemps l'Amiral Phipps pour lui permettre d'entreprendre celle de Québec dans la même saison, et que c'était là peut être le motif réel du décampement de l'armée de terre, explication raisonnable vu que les deux forces devaient agir simultanément. Il se préparait donc à redescendre à Québec pour renvoyer chez eux les habitans qui avaient pris les armes à la première alarme, lorsqu'il reçut coup sur coup plusieurs lettres du major Provot, qui commandait par intérim dans la capitale, dont une lui annonçait le départ de la flotte de Boston, suivant la nouvelle apportée par un Indien venu de la baie de Fondy par terre en douze jours, et les autres, l'arrivée de cette flotte et ses progrès dans le fleuve. Il partit immédiatement et envoya en chemin l'ordre aux gouverneurs de Montréal et des Trois-Rivières, MM. de Callières et de Ramsay, de descendre à marches forcées avec toutes leurs troupes, à la réserve de quelques compagnies qui seraient laissées pour garder Montréal, et de se faire suivre par tous les habitans qu'ils pourraient rassembler sur leur route. Il arriva lui-même dans la capitale, dans la soirée du 14 après avoir failli périr dans la fragile embarcation qu'il avait choisie pour descendre plus rapidement le fleuve. L'ennemi était déjà au pied de l'île d'Orléans. C'était presqu'une surprise.

      Heureusement, le major Provot était un officier très intelligent. Dans l'espace de cinq jours il avait fait travailler avec tant d'activité aux défenses de la ville qu'il l'avait mise à l'abri d'un coup de main. Le gouverneur satisfait n'eut qu'à faire ajouter quelques retranchemens et à confirmer le commandement déjà donné aux milices des deux rives du fleuve, en bas de Québec, de se tenir prêtes à marcher au premier ordre. Toute la population montrait un élan, une détermination qui faisaient bien augurer du succès.

      Les fortifications s'étendaient du palais de l'intendant sur la rivière St. Charles à l'emplacement qu'occupe aujourd'hui la citadelle. C'était tout simplement des palissades, excepté le château St. – Louis qui était en pierre et qui occupait une partie de cette ligne défendue par trois petites batteries placées à ses deux extrémités et au centre. Cette ligne protégeait la haute-ville. Il y avait une autre ligne de feu sur les quais, à la basse-ville, composée aussi de trois batteries qui occupaient les intervalles des batteries supérieures. La communication de la ville basse à la haute était coupée par trois retranchemens garnis de chevaux de frise, et les autres issues de la ville, qui n'avaient point de portes, avaient été barricadées.

      La flotte ennemie parut en vue de Québec le 16 octobre au matin; du sommet du cap l'on put en compter les voiles. L'amiral Phipps détacha immédiatement un officier pour sommer la place de se rendre. On banda les yeux à cet envoyé, et, avant de le conduire au château, on le promena

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