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colliers pour les cantons, mais avec ordre de les présenter de manière à faire croire qu'il n'y était pour rien. La dextérité et la noblesse qu'il mettait dans toutes ces négociations eurent un bon effet, et si la paix ne fut pas immédiatement conclue, les Iroquois perdirent du moins beaucoup de leur fierté.

      Cependant les colonies anglaises, menacées d'une invasion qu'elles ne croyaient qu'ajournée, et tenues continuellement dans la terreur par les bandes canadiennes, qui allaient porter leurs ravages jusqu'aux portes de leurs capitales, résolurent de faire un grand effort pour s'emparer de la Nouvelle-France et couper ainsi le mal dans sa racine. Lorsqu'elles comparaient leurs forces aux forces de celle-ci, lorsqu'elles ne se surprenaient pas à trembler sous la hache de quelques hordes fugitives sorties des neiges du Nord, elles s'étonnaient qu'un si petit peuple pût troubler ainsi leur repos, et elles ne doutaient point qu'avec de la bonne conduite la conquête du Canada ne fût chose facile. Elles nommèrent donc des députés, qui s'assemblèrent dans le mois de mai (1690) à New-York pour se concerter ensemble. Ces députés donnèrent à leur réunion le nom de congrès, nom devenu fameux depuis. Il fut résolu d'attaquer le Canada à la fois par terre et par mer, et, à cet effet, de lever 2000 hommes pour l'envahir par le lac Champlain, et d'envoyer un agent à Londres afin de solliciter une force suffisante en vaisseaux et en soldats pour l'envahir par le golfe et prendre Québec, après qu'elle aurait enlevé l'Acadie, entreprise peu difficile dans l'état où se trouvait alors cette province. Cet agent arriva en Angleterre au moment où, menacée d'une invasion en Irlande par Jacques II, et venant de perdre la bataille navale de Beachy gagnée par Tourville, cette puissance voyait la suprématie des mers lui échapper des mains. Il ne put en conséquence rien obtenir de la métropole. Malgré ce contretemps fâcheux, les colonies américaines comptaient tellement sur leurs forces qu'elles décidèrent sur le champ d'exécuter leur projet seules.

      En conséquence l'ordre fut donné d'armer immédiatement une flotte et simultanément de lever une armée de terre. La plus grande activité régna dans les bureaux de l'état, et une ardeur guerrière s'empara tout-à-coup de cette population commerçante, qui naguère encore ne rêvait que la paix et les spéculations derrière ses comptoirs chargés de marchandises. L'armée de terre fut mise sous les ordres du général Winthrop pour pénétrer, comme on l'a dit, en Canada par le lac Champlain. Le chevalier Guillaume Phipps fut chargé du commandement de la flotte destinée à s'emparer d'abord de l'Acadie et ensuite de Québec. Le chevalier Phipps, natif de Pemaquid dans la Nouvelle-Angleterre, était le fils d'un forgeron et avait été berger dans sa jeunesse. Ayant appris le métier de charpentier, il se fit un vaisseau dans lequel il commença à naviguer, et devint bientôt assez bon marin. Promu au commandement d'une frégate, il réussit à retirer du fond de la mer, sur les côtes de Cuba, d'un galion espagnol qui y avait fait naufrage, pour la valeur de 300,000 livres sterling en or, en argent, en perles et en bijouteries. Cette trouvaille lui valut le titre de chevalier. Quelque temps après son expédition de Québec, il fut nommé gouverneur du Massachusetts, et mourut en 1693 à Londres, où il avait été appelé pour répondre à des accusations portées contre lui.

      Nous avons dit que l'amiral Phipps était chargé de s'emparer de l'Acadie et de Québec. La péninsule acadienne, par sa position maritime intermédiaire entre cette dernière ville et Boston, devait attirer en effet les premiers coups de l'ennemi et servir ensuite, si elle tombait en son pouvoir, de point d'appui et, en cas de revers, de retraite à l'expédition principale, dont le succès allait entraîner la prise de toutes les possessions françaises de l'Amérique du Nord. L'Acadie depuis le traité de Breda n'avait été inquiétée au dehors que par les corsaires qui rôdaient occasionnellement sur ses côtes; et elle était demeurée au dedans dans son état de léthargie et de langueur habituelle, dont elle ne sortit que quand elle entendit le canon résonner à ses portes. Mais en restant stationnaire elle avait reculé, car sa voisine la Nouvelle-Angleterre avait parcouru un chemin prodigieux depuis 25 ans. Aussi à la rupture de la paix en 1689, elle se trouva encore incapable de se défendre. Sa faiblesse était telle, qu'un simple corsaire portant 110 hommes, s'était emparé en 1674 de Pantagoët, où M. de Chambly qui avait remplacé le chevalier de Grandfontaine comme gouverneur, faisait sa résidence. Le fort de Jemset dans la rivière St. – Jean, où commandait M. de Marson, avait subi le même sort.

      La cour s'était contentée d'y envoyer de temps en temps des personnes d'expérience pour voir quel progrès elle avait fait et ce qu'exigeait sa défense. Plusieurs de leurs rapports sont écrits avec soin et décèlent une connaissance approfondie du pays. Dans celui de M. de Meules de 1685, la population de l'Acadie est portée à 900 âmes, ainsi elle ne pouvait guère dépasser 1000 à la reprise des hostilités. Tous ces commissaires recommandaient des améliorations qui n'étaient jamais exécutées. M. Talon visita ce pays en 1672, en retournant en Europe, principalement pour traiter avec le chevalier Temple qui avait manifesté à Colbert le désir de se retirer sur les terres de France. Le roi devait lui accorder des lettres de naturalisation et d'autres faveurs particulières. Comme cet homme avait des talens et de la fortune, on attendait de grands avantages de cette négociation pour l'Acadie; mais les nuages qui couvraient peut-être alors la faveur du diplomate anglais, et qui avaient été le motif de sa démarche auprès de la France, s'étant dissipés, cette affaire n'eut pas de suite.

Quelque temps avant la guerre, Louis XIV y avait encore envoyé un commissaire, M. Paquine, qui recommanda d'abandonner Port-Royal, parceque l'accès en était difficile, et que ce poste était en outre trop éloigné du Cap Breton, du Canada et de Terreneuve pour en être secouru. Il suggéra de fortifier la Hève, Canseau et Pantagoët, et d'ouvrir un chemin entre ce dernier poste et le Canada, projet dont Talon avait déjà autrefois commencé l'exécution du côté de Québec 20. Ces suggestions furent approuvées du gouvernement; mais tandis qu'il délibérait sur la manière de les accomplir, le chevalier Phipps parut.

Note 20:(retour) Documens de Paris: Secrétairerie d'Etat, Albany. Collection de M. Brodhead. Nous désignerons à l'avenir cette collection sous le nom de Documens de Paris simplement.

      Sa flottille, composée d'une frégate de 40 canons et de deux corvettes avec des transports portant 700 hommes de débarquement, était arrivée trop tard pour secourir en passant, comme elle en avait l'ordre, le fort de Kaskébé situé dans le pays qui forme aujourd'hui l'Etat du Maine, et qu'on savait attaqué par les Français; il venait de se rendre à M. de Portneuf. Elle avait alors continué sa route vers Port-Royal, où elle était arrivée le 20 mai (1690).

Il n'y avait que 72 soldats dans cette capitale dont les fortifications étaient en ruines 21. Le gouverneur, M. de Manneval, obtint une capitulation honorable; mais lorsque Phipps découvrit la faiblesse de la garnison et le mauvais état de la place, il regretta les termes avantageux qu'il avait accordés, et, à l'exemple de Charnisé, il pilla les habitans; car on se faisait peu de scrupule de violer sa parole dans cette contrée lointaine et presqu'oubliée, où le mal comme le bien restait inconnu. Après les avoir forcés de prêter serment de fidélité l'Angleterre, et avoir nommé six magistrats au milieu d'eux, il remit à la voile emmenant prisonniers M. de Manneval, 39 soldats et deux prêtres. Delà il courut à Chedabouctou, où M. de Montorgueil occupait un fort avec 14 hommes et fit une si vigoureuse défense, que les assaillans furent obligés d'y mettre le feu. A l'île Percée, Phipps ne laissa rien debout, il brûla jusqu'à l'humble chapelle des habitans. Chargé de dépouilles il retourna dans son pays glorieux de ses faciles succès.

Note 21:(retour) Documens de Paris.

Après son départ l'Acadie fut pendant quelque temps en proie aux déprédations de deux corsaires, qui firent prisonniers M. Perrot prédécesseur de M. de Manneval et ancien gouverneur de Montréal, ainsi que plusieurs autres personnes. Ils incendièrent Port-Royal resté sans chef, massacrèrent quelques habitans, et enlevèrent, presqu'aux yeux du chevalier de Villebon, qui arrivait d'Europe sur ces entrefaites, le vaisseau qui l'avait amené avec les présens pour les Indiens qui se trouvaient à bord. Malgré cette perte, les Sauvages protestèrent de leur fidélité à la France dans un conseil convoqué par M. de Villebon, et ils lui dirent qu'ils avaient reçu de la poudre et des balles, qu'ils étaient

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