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La terre promise. Paul Bourget
Читать онлайн.Название La terre promise
Год выпуска 0
isbn
Автор произведения Paul Bourget
Жанр Зарубежная классика
Издательство Public Domain
– «Mon Dieu! puissé-je vivre,» se répétait-elle, «et ne les quitter que plus tard!»
Elle les regardait de nouveau marcher dans l'allée, tandis que les vertes palmes semblaient s'incliner sur eux pour les protéger, et que le vent éveillait dans les pins le vague murmure d'un océan endormi. Son âme s'échappait d'elle pour les suivre, pour leur souhaiter un ciel intérieur aussi caressant toujours, aussi bleu que celui qui les enveloppait à cet instant de son lumineux azur. Elle savait, quoiqu'elle n'entendît pas même le bruit de leurs chères voix, qu'ils l'associaient de leur côté au charme de cette promenade, et c'était vrai qu'en se parlant d'eux, ils se parlaient d'elle. Ils la mêlaient si naturellement à l'avenir dans lequel ils avaient cette confiance enivrée de ceux qui s'aiment d'un amour permis. Oui, quel rêve ils réalisaient dans ce cadre de paradis, elle si tendre, si fière, n'ayant connu de la vie que ses heures pures, lui encore assez jeune pour ne pas craindre de vieillir avant elle, assez éprouvé par les passions pour savoir le prix de ce qu'il avait rencontré dans cet être pour lui unique! Et ils causaient, ou mieux, ils pensaient, ils sentaient tout haut, ne cherchant pas leurs paroles, mais chaque phrase avait pour eux la secrète, la pénétrante magie de l'intimité toute prochaine. Rien que le son de leur voix leur faisait savourer d'avance d'innombrables minutes d'amour, comme en allant et en venant dans le jardin ils respiraient l'arome de toutes les fleurs et de tous les feuillages qu'ils ne voyaient pas.
– «Comme Mme Scilly a déjà changé depuis les huit jours que je suis ici!» disait-il. «Quand je l'ai retrouvée de nouveau si pâle, si faible, j'ai été bien troublé… Je venais d'avoir une telle déception en revoyant Palerme du bateau, toute grise sous une pluie battante.»
– «C'est vrai,» reprit Henriette en regardant devant elle avec des yeux où Francis put lire le ressouvenir de cette récente angoisse, «vous n'avez guère été favorisé pour votre voyage. Après les premiers beaux jours que nous avions eus, nous étions si tourmentées quand nous voyions, par nos fenêtres, la mer si mauvaise avec ses énormes vagues… Maman et moi nous ne nous disions rien, mais je savais que nous avions la même idée. Elle était encore trop souffrante. C'est cette inquiétude qui l'avait rendue plus malade la veille de votre arrivée… Elle est si sensible et elle vous aime tant…»
– «Chère mère,» dit le jeune homme en serrant le bras de la jeune fille.
– «Si seulement nous avions su où vous envoyer une dépêche à Naples,» continua-t-elle. «Quand on nous a remis la vôtre, j'ai eu un éclair d'espoir que vous reculiez votre départ à cause de la tempête… J'avais bien envie de vous revoir cependant… C'était neuf heures. Vous étiez en mer. Que le vent de cette nuit-là m'a paru terrible! Je l'écoutais et je priais… Je pensais aussi à ma pauvre maman et à ce qu'elle a dû éprouver pendant cette affreuse guerre…»
– «Oubliez cela,» dit-il en l'interrompant. Il avait si peur qu'elle n'évoquât des souvenirs d'enfance demeurés vivaces en elle et qui lui mettaient toujours un tremblement mouillé au bord des paupières. – «Oui,» insistait-il, «oubliez cela, comme je vous promets que nous ferons oublier à votre mère tous ses chagrins, les lointains et les récents, les grands et les petits… Si elle m'aime un peu, vous savez que moi je l'aime beaucoup. Je lui garde une telle reconnaissance de vous avoir faite celle que vous êtes… Je l'aurais trouvée hostile à notre mariage que je la lui vouerais encore, cette reconnaissance, rien que pour avoir rencontré en vous ce que j'y ai rencontré, la vivante preuve que les rêves les plus beaux de la jeunesse ne mentent pas toujours…»
– «Taisez-vous,» interrompit-elle à son tour en rougissant, et elle lui mit sur la bouche sa main demeurée libre qu'il baisa à travers le gant, «vous allez recommencer de me flatter, ce qui n'est pas bien, et vous oubliez de regarder ces beaux pins d'Italie dont j'aime tant la silhouette et ce sombre bouquet que font leurs branches là-haut, ce bel vaso, comme nous disait le jardinier qui m'a montré la villa le premier jour. Est-ce assez cela et comme ils sont ingénument artistes, dans cet étrange pays!.. Mais la Sicile est trop loin. Si nous pouvions trouver l'année prochaine, pour y passer l'hiver, une propriété qui eût un parc, avec des arbres comme ceux-ci et cette lumière, mais plus près de Paris, pour que le voyage fût moins fatigant, en Provence ou sur la côte de Gênes!..»
– «Je vous ai promis de m'arrêter là quand je retournerai en France et de chercher,» repartit Nayrac. «Je suis si heureux que vous aimiez la même espèce de nature que moi et de la même façon… Mais avez-vous remarqué, l'autre jour encore, au Musée, quand je me suis arrêté devant l'Hercule qui tue la pauvre Amazone, et sans que vous m'en eussiez parlé, comme nous avons ainsi les mêmes goûts en toutes choses, si instinctivement?»
– «C'est encore vrai,» dit Henriette, «les mêmes, tout à fait les mêmes… Mais je le savais si bien dès le premier jour que je vous ai vu…»
– «Et à quoi?» demanda-t-il.
– «Est-ce qu'on se rend compte?» fit la jeune fille. «Mais j'étais sûre, quand je suis venue dans ce jardin pour la première fois, que vous le préféreriez à tous les autres… Je n'ai pas lu beaucoup et je ne suis qu'une ignorante. Je suis certaine que du premier coup je saurais d'un livre si vous l'aimerez…»
– «C'est si pénible,» reprit-il, a lorsque entre deux êtres il n'y a pas cette harmonie, cet intime accord… Au lieu qu'il m'est si doux de penser que vous êtes ma femme, vraiment ma femme, vous comprenez, un cœur fait justement à la ressemblance de mon cœur…»
– «Et vous mon fiancé,» répondit-elle à mi-voix, «mon cher fiancé…»
– «Et pourtant,» continua-t-il, «ce profond accord me rend quelquefois presque triste… À quoi cela tient-il que nous soyons ici? Je pense que j'ai si bien failli ne pas vous connaître! Si je n'avais pas quitté ma carrière? Si en la quittant j'étais venu m'établir en Italie comme j'en avais l'intention? Si je n'étais pas allé chez Mme de Jardes ce mercredi? Si nous ne nous étions pas rencontrés ce jour-là?..»
– «Je n'admets pas tous ces si,» interrompit-elle en riant avec une mutinerie de son joli visage; «nous ne pouvions pas ne pas nous rencontrer…»
– «Si cependant?..» reprit-il.
– «Je